Comment la critique française s’inscrit-elle dans le classement “Sight and Sound” ?

Mis à jour chaque décennie depuis 1952, le top 100 de Sight and Sound illustre l’évolution de la réception de l’histoire du cinéma par celles et ceux qui y œuvrent. Cette liste est composée grâce à la collaboration de critiques et d’universitaires...

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Mis à jour chaque décennie depuis 1952, le top 100 de Sight and Sound illustre l’évolution de la réception de l’histoire du cinéma par celles et ceux qui y œuvrent. Cette liste est composée grâce à la collaboration de critiques et d’universitaires du monde entier, particulièrement sensibles à l’évolution de notre compréhension de l’histoire du cinéma. 

Le cas Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles témoigne ainsi d’un changement de paradigme, depuis sa présentation controversée à la Quinzaine à Cannes en 1975, jusqu’à sa consécration aujourd’hui. Mais commenter un classement, c’est avant tout commenter sa méthodologie : constitué de 63 réponses en 1952, le classement de Sight and Sound n’a drastiquement évolué qu’au XXIe siècle, passant à 145 réponses en 2002, 846 en 2012 et 1639 en 2022. Ce progrès accompagnant une meilleure prise en compte de la diversité des critiques (géographique ou de genre par exemple), de nouveaux films ont ainsi pu se hisser parmi les plus hautes places de la sélection. 

Du côté de la presse française, Luc Chessel (Libération), Miquel Escudero Diéguez, Antoine Guillot (France Culture), Olivier Joyard (Les Inrocks), Jean-Marc Lalanne (Les Inrocks), Nadin Mai, Eva Markovits (Cahiers du cinéma), Ariel Schweitzer (Cahiers du cinéma), Yonca Talu et Timé Zoppe (Trois couleurs) ont voté en faveur de ce film. 

Quelle participation pour la France ?

Sous la dénomination de “critic”, le site référence en réalité plusieurs corps de métier. Ainsi, de nombreuses personnes ayant officié dans la programmation et la curation ont participé au classement, tel Julien Rejl, délégué général de la Quinzaine des cinéastes, ou encore Agnès Wildenstein et Lili Hinstin. Parmi les 120 personnalités françaises répertoriées, dont quelques cinéastes en activité, l’université est sensiblement représentée, avec les listes de Nicole Brenez (spécialiste du cinéma expérimental et de Jean-Luc Godard), Ginette Vincendeau, Jean-Marc Leveratto ou encore Laurent Juillier. 

Parmi les critiques français·es, les rédactions des Cahiers du cinéma et de Positif sont les plus représentées, contrairement à Télérama et Première, absentes de la liste. Autre surprise : la critique numérique et créative est désormais représentée, ici portée par Occitane Lacurie, critique pour la revue Débordements, et Josué Morel, rédacteur en chef de Critikat.

Des listes rocambolesques

Parmi les listes proposées par les critiques français·es, certaines valent complètement le détour, à l’instar de celle soumise par le prestigieux universitaire Jacques Aumont, comprenant par exemple Un Indien dans la ville (poétiquement traduit en Little Indian, Big City), ou encore La Folle Histoire de Max et Léon portée par le Palmashow. Les Dents de ma mère (pas de la mer, de ma mère), réalisé par Jean-Christophe Bouvet en 1991, achève ce drôle de classement. Si plusieurs générations d’étudiants de Paris III n’ignorent pas que Jacques Aumont a beaucoup d’humour, il semblerait hélas qu’il ne soit pas l’auteur de ce canular, comme il s’en est défendu sur les réseaux sociaux : 

Je redis publiquement que, non, la liste publiée sous mon nom par Sight and Sound comme représentant mon vote pour les 3 000 meilleurs films du millénaire n’est pas de moi : elle est l’œuvre d’un plaisantin, assez malin pour avoir su écrire en mon nom à cette vénérable institution et se faire passer pour moi – qui, à mon habitude, avais décidé de boycotter ce référendum, inutile et absurde à mes yeux.

Simple mais efficace, le top de Murielle Joudet vaut également le détour. Selon cette liste, seuls deux films (Vertigo et Seuls les anges ont des ailes, d’Alfred Hitchcock pour le 1er, et Howard Hawks pour le second) vaudraient le détour !

Les listes valorisent généralement plus les films sortis au XXe siècle. Heureusement, quelques contre-exemples rendent justice aux chefs-d’œuvre contemporains. Olivier Joyard cite par exemple Elephant de Gus Van Sant ainsi que Twin Peaks: The Return de David Lynch (également mentionné par Camille Nevers). Apichatpong Weerasethakul est lui aussi cité à deux reprises, avec Tropical Malady par Philippe Azoury et Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures par Joachim Lepastier.

Les listes des critiques des Inrocks

Jean-Marc Lalanne

Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967)

Les Vampires (Louis Feuillade, 1915)

Les Nuits de la pleine lune (Éric Rohmer, 1984)

Out 1 (Jacques Rivette, 1990)

Madame de… (Max Ophüls, 1953)

Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)

Une sale histoire (Jean Eustache, 1977)

Celui par qui le scandale arrive (Vicente Minelli, 1959)

Mirage de la vie (Douglas Sirk, 1959)

Mulholland Drive (David Lynch, 2001)

Olivier Joyard

Sueurs froides (Alfred Hitchcock, 1958)

Mirage de la vie (Douglas Sirk, 1959)

Walden (Jonas Mekas, 1969)

Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)

Les Fleurs de Shanghai (Hou Hsiao-hsien, 1998)

Histoire(s) du cinéma (Jean-Luc Godard, 1988)

A.I. Intelligence artificielle (Steven Spielberg, 2001)

Elephant (Gus Van Sant, 2003)

Twin Peaks: The Return (David Lynch, 2017)

Murielle Joudet

Sueurs froides (Alfred Hitchcock, 1958)

Seuls les anges ont des ailes (Howard Hawks, 1939)

Thierry Jousse

Madame de… (Max Ophüls, 1953)

Les Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy, 1964)

Jeux dangereux (Ernst Lubitsch, 1942)

Miss Oyu (Kenji Mizoguchi, 1951)

Les Enchaînés (Alfred Hitchcock, 1946)

Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman, 1982)

Bonne chance (Sacha Guitry, 1935)

Pierrot le fou (Jean-Luc Godard, 1965)

L’Intruse (F.W. Murnau, 1929)

Le Chant du Missouri (Vicente Minelli, 1944)

Philippe Azoury

Toni (Jean Renoir, 1935)

La Maman et la Putain (Jean Eustache, 1973)

L’Atalante (Jean Vigo, 1934)

Les Contes de la lune vague après la pluie (Kenji Mizoguchi, 1953)

Vivre sa vie (Jean-Luc Godard, 1962)

Crash (David Cronenberg, 1996)

News From Home (Chantal Akerman, 1976)

La Nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955)

Tropical Malady (Apichatpong Weerasethakul, 2004)

L’Inconnu (Tod Browning, 1927)