Comment le Michelin 2021 a décerné ses étoiles aux restaurants malgré le Covid
CÉRÉMONIE - Cela devait être une fête, mais il s’agira finalement d’un rendez-vous en visioconférence. Ce lundi 18 janvier à 12 heures, le guide Michelin dévoilera depuis la Tour Eiffel et en direct sur YouTube, le palmarès de son édition 2021....
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CÉRÉMONIE - Cela devait être une fête, mais il s’agira finalement d’un rendez-vous en visioconférence. Ce lundi 18 janvier à 12 heures, le guide Michelin dévoilera depuis la Tour Eiffel et en direct sur YouTube, le palmarès de son édition 2021. Le choix de maintenir cette cérémonie peut interroger après une année 2020 particulièrement difficile pour la restauration et dont les pertes de chiffre d’affaires sont désormais estimées à plus de 30 milliards d’euros. Entre les confinements, les couvre-feux, et les protocoles sanitaires, certains restaurants n’ont ouvert que quatre à cinq mois dans l’année, d’autres n’ont pas allumé la hotte depuis mars dernier.
Dans ces conditions, comment pouvoir noter correctement un établissement, questionne le chef doublement étoilé Pascal Barbot, contacté par Le HuffPost. “On a besoin des guides et ils ont besoin de nous, il faut être solidaire dans cette période. Mais je me demande comment ils ont pu juger la restauration alors que la règle du jeu n’était pas la même pour tout le monde. Certains restaurants avec terrasses ou en région ont pu ouvrir, d’autres pas. C’était parfois difficile de circuler entre les régions. J’ai un peu de mal à me projeter, sur comment ils ont pu faire leur travail en 2020”, confie-t-il alors que les travaux de son nouveau restaurant ont repoussé sa réouverture à mars prochain.
Le guide Michelin, de son côté, fait valoir une vraie “agilité” et “mobilité” de la part de ses équipes qui ont pu par ailleurs bénéficier de renforts internationaux. “Nos inspecteurs se sont adaptés pour être présents sur le terrain chaque jour où les restaurants ont pu ouvrir. Ils ont également adapté leur emploi du temps pour prendre des congés pendant les périodes de fermetures. On a pu réaliser autant de repas que les années précédentes”, assure au HuffPost, Gwendal Poullennec, directeur international des guides Michelin. Pour les établissements qui n’ont pas rouvert depuis mars, comme cela peut être le cas chez les saisonniers, la distinction de l’année précédente a été maintenue, mais cela est précisé pour le lecteur.
Un guide malgré la crise?
Le guide rouge justifie par ailleurs la nécessité de cette édition 2021 pour mettre en avant le courage et la combativité des restaurateurs à l’épreuve de la crise. “Il faut saluer l’énergie des chefs et leur combativité. Pour nous, il était vraiment important de soutenir la profession dans cette période et de célébrer les réalisations, malgré les difficultés extrêmes auxquelles ils ont fait face”, abonde Gwendal Poullennec.
Les acteurs du secteur ne sont d’ailleurs pas tous prêts à abandonner la piste aux étoiles pour cause de Covid. “Ça a beaucoup de sens. Je pense qu’ils ont énormément travaillé pour parvenir au guide 2021, auquel je crois de toute façon. Ça a aussi du sens de considérer que la vie continue et qu’il faut récompenser même les courtes périodes d’ouverture, parce que ces moments-là ont aussi été très difficiles en 2020. Il faut aussi valoriser le travail des équipes dans cette période”, confie au HuffPost, le chef trois étoiles, Yannick Alléno, qui a notamment fait de la vente à emporter.
Le collègue culinaire de France, présidé par Alain Ducasse, et qui compte parmi ses membres des personnalités comme Thierry Marx ou Anne-Sophie Pic, salue le maintien de cette cérémonie. “Toutes les initiatives qui valorisent les acteurs de l’artisanat et de la diversité culinaires sont plus que jamais importantes. Il importe, en cette période d’incertitude, que chacun puisse contribuer à apporter du soutien et de la valeur symbolique à toute la chaîne des métiers, de la terre à l‘assiette”, explique par mail au HuffPost le collectif.
De fait, comme le rappelle, Thomas Frebourg, directeur général de l’agence 14 Septembre, qui représente une dizaine de grands chefs, dont Yannick Alléno, les étoiles Michelin sont aussi une façon de reconnaître un investissement à plusieurs niveaux. “Pour aller chercher une étoile, il faut des investissements. Dans le lieu, dans l’équipe, dans le matériel et l’équipement. C’est aussi ça le sens des étoiles et même si 2020 est une année complexe en la matière, il ne faut pas tirer un trait dessus. Gault&Millau a par exemple gelé certaines notations, mais a choisi de garder ses distinctions”, explique-t-il au HuffPost. Un son de cloche identique pour l’Umih Prestige, la branche qui fédère les établissements de prestige au sein de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Contacté, son président Christophe Laure estime que la sélection Michelin est “peut-être même encore plus importante dans une année comme celle-ci”. “Il faudrait malheureusement aussi pouvoir reconnaître ceux qui auraient voulu être là et qui n’ont pas pu”, ajoute-t-il toutefois.
Dans ce contexte, nul doute que le retrait d’une étoile serait particulièrement mal vécu par les restaurateurs, mais Gwendal Poullennec se veut rassurant: “Nous avons confirmé cette année tous les restaurants qui avaient trois étoiles l’année dernière (...) Beaucoup de chefs ont également passé une nouvelle étape, puisque 57 établissements gagnent une nouvelle étoile”
La crise en creux
Derrière l’image du luxe que peut véhiculer la cérémonie des étoiles Michelin et la haute gastronomie, il y a en réalité une variété de profils et de business-plan, précise Thomas Frebourg: “Bien sûr il y a de grosses machines qui reposent sur des investisseurs et qui ont les reins solides face à une année comme 2020. Mais un certain nombre d’autres établissements étoilés sont en revanche bâtis sur un projet personnel et indépendant, avec un propriétaire-chef. Dans ce cas de figure, ils ont pris plus de risques et sont beaucoup plus fragilisés par la crise actuelle”.
Difficile d’avoir des chiffres sur les effets de la crise du Covid spécifiquement dans le secteur de la haute gastronomie. Parmi les établissements fragilisés figurent cependant l’auberge ”Äponem”, à Vailhan, dans l’Hérault, ouverte il y a deux ans par la cheffe étoilée Amélie Darvas, et son associée, compagne, et sommelière, Gaby Benicio.
Durement touché, l’établissement ne voit pas les étoiles comme une priorité. “Penser aux étoiles, c’est bien quand on peut, mais on préférerait qu’on nous aide, là. Un restaurant étoilé ce n’est pas forcément un gros business comme on pourrait le penser. Les charges fixes qu’on a sont très importantes et on vit grâce à notre potager. On a à peine pu se tirer un salaire depuis un an”, détaille Gaby Benicio, alors que la cheffe ajoute, dépitée, de son côté: “Ce n’est pas vraiment une année à étoiles, surtout si c’est pour se faire juger sur quatre mois de service. Je ne sais même pas si je vais regarder”.
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