Comment les étudiants, "Tanguy de la pandémie", abordent ce nouveau confinement

CONFINEMENT —Lors de son allocution, le président de la République a balayé d’une unique phrase le sort réservé aux étudiants de l’enseignement supérieur: “Les étudiants, pour ceux qui le souhaitent, pourront quant à eux, continuer à se rendre...

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La situation perdure, les difficultés se multiplient, et nombreux sont les étudiants à avoir identifié les freins à un retour en salle de cours une journée par ci, une journée par là…

CONFINEMENT —Lors de son allocution, le président de la République a balayé d’une unique phrase le sort réservé aux étudiants de l’enseignement supérieur: “Les étudiants, pour ceux qui le souhaitent, pourront quant à eux, continuer à se rendre à l’université pour une journée de cours par semaine”. Aucune précision supplémentaire n’a été apportée concernant les bibliothèques, locaux des associations étudiantes et autres espaces de travail, lieux de repli pour bon nombre d’entre eux… 

Les mesures prises ne tiennent pas non plus compte du rythme des étudiants. Certains suivent un parcours en formation initiale quand d’autres “survivent”, tant bien que mal, aux nombreuses contraintes d’un rythme en alternance: une semaine sur deux en entreprise (en télétravail la plupart du temps), l’autre en cours (à distance…). Et à cela s’ajoute la jauge d’accueil…

La situation perdure, les difficultés se multiplient, et nombreux sont les étudiants à avoir identifié les freins à un retour en salle de cours une journée par-ci, une journée par là…

Une situation critique pour tous les étudiants 

Dans les grandes métropoles, certains payent depuis un an les loyers d’un logement étudiant qu’ils n’occupent qu’à temps (très) partiel, de peur de ne pouvoir se reloger lorsque les cours reprendront… s’ils reprennent un jour.

D’autres, faute de moyens, ont rendu leurs clefs et sont repartis vivre chez leurs parents, faisant ainsi une croix sur “la” journée hebdomadaire de cours en présentiel si l’on tient compte de la contrainte de déplacement (limite des 10 km) qui s’ajoute aux autres mesures annoncées hier par Emmanuel Macron. 

Enfin se pose le cas des étudiants d’outre-mer venus étudier en métropole: rentrer et suivre les cours à distance… la nuit — décalage horaire oblige —? Ou bien rester, faire le compte des maigres revenus avec lesquels ils doivent composer, et ajouter à la solitude et aux difficultés du quotidien, l’éloignement familial pour une durée indéterminée…? 

Face à toutes ces situations, deux solutions “viables” s’offrent à eux:

Choix n° 1 —Les cours en logement étudiant: entre solitude, distance familiale et détresse psychologique 

9 m2: un canapé-lit, un bureau, un frigo top et une plaque électrique. Une unique pièce qui fait office de chambre, de salle d’eau, de cuisine… et de salle de cours. Voilà le sort réservé aux élites de demain. Les visites sont rares, voire inexistantes, “on passe nos journées en visio, et quand les cours se terminent, le couvre-feu commence” témoigne cette étudiante qui n’a physiquement rencontré aucun de ses camarades de promo depuis 5 semaines.

En colocation, si les angoisses liées à la solitude sont moins présentes, d’autres difficultés apparaissent. Au-delà du risque de contamination qui éloigne l’échéance du retour en salle de cours, ces étudiants sont aussi tributaires de la santé de leurs colocataires. Par ailleurs, les emplois du temps des uns et des autres ne sont pas toujours compatibles. Le bruit, des rythmes de travail et de sommeil différents, la ligne internet commune saturée, sont autant d’obstacles qu’il faut surmonter. 

Qu’ils vivent seuls ou à plusieurs, les souvenirs du “monde d’avant” où les fêtes étudiantes rythmaient la vie de cette jeunesse à 100 à l’heure, où les pauses café se paraient d’accolades et d’éclats de rire non masqués, et où les devoirs s’effectuaient à plusieurs autour des plateaux repas du restaurant universitaire, sont encore très présents. S’ils ont d’ores et déjà tiré un trait sur leur vie étudiante, ces jeunes ne sont pour autant, pas réellement préparés à un quotidien “agios -visio-dodo” fait de galères financières et d’isolement, même partiel. Livrés à eux-mêmes, ils doivent apprendre plus vite que les générations précédentes, à faire face à la solitude et aux contraintes que le “télétravail” impose. 

Qui parmi nous — parents, professeurs, responsables pédagogiques, tuteurs de stage —, peut prétendre avoir vécu une situation aussi déstabilisante dans sa jeunesse?

Et pourtant… Après une année de pandémie, le constat est flagrant. Imaginatifs, ingénieux, persuasifs, nos étudiants ne cessent de nous étonner! De notre point de vue, une chose est sûre, ces jeunes seront indéniablement mieux armés pour faire face aux situations de stress qu’ils rencontreront dans leurs futurs emplois. 

Choix n° 2: Le retour chez papa et maman: difficile pour certains, un mal pour un bien pour d’autres

Bien que la cohabitation ne soit pas si éloignée, le retour aux règles de la vie familiale et à la surveillance parentale après une période d’indépendance est également compliqué. Les heures de repas, du coucher, la participation aux tâches ménagères, tant de sources de conflits desquelles ils s’étaient affranchis. 

Par ailleurs, les parents, aussi bienveillants et attentifs soient-ils, ne peuvent remplacer ces pédagogues dont le rôle est avant tout de préparer au mieux les jeunes aux dures lois du monde du travail.

Pour d’autres, le retour au bercail est un mal pour un bien. “Réussir mon année grâce au soutien moral et logistique de mes parents est une chance. Je ne les remercierai jamais assez. Cette période compliquée nous a rapprochés.

Il arrive parfois que les cours en visio se suivent en famille et que les sandwichs pris sur le pouce se transforment en petits plats mijotés. Quand la corvée des courses est assurée, il reste plus de temps pour travailler, et ainsi accroître les chances de réussite. 

Par ailleurs, outre le soutien logistique et moral, chez papa et maman, la vie s’organise de façon plus structurée. “Vivre à nouveau chez mes parents m’a redonné un vrai rythme de travail”. Le départ des uns se cale sur les emplois du temps des autres. Les petits déjeuners se prennent en famille. 

Chez mes parents, il y a de la place”. Un vrai bureau pour différencier travail et vie de famille, voilà un luxe qu’une chambre étudiante ne permet pas. De plus, si être confortablement installé dans le jardin où sur un petit balcon ensoleillé n’enlève rien à la difficulté pédagogique des cours à distance, cela aide à faire passer la pilule. Un environnement de travail confortable permet aux jeunes d’apprécier plus justement la chance qu’ils ont de pouvoir compter sur des parents ayant réussi avant eux.

Obtenir un diplôme… et après?

La majorité des étudiants s’accrochent tant bien que mal à l’idée d’obtenir le plus vite possible un diplôme qui leur permettra de laisser derrière eux une scolarité en dents de scie, telle une envie pressante de fermer définitivement cette parenthèse académique. 

Mais la réalité nous rappelle également que certains décrochent, abandonnent, optent pour un report de leur cursus ou encore, choisissent de faire une année de césure pour acquérir une expérience professionnelle supplémentaire, si tant est qu’ils trouvent un patron qui accepte de les accueillir en temps de pandémie…

Le calendrier de vaccination annoncé par le gouvernement nous laisse entrevoir le bout du tunnel. Il faudra cependant à nos chères têtes blondes bien plus de temps pour retrouver l’ivresse de la liberté, de l’insouciance et de l’indépendance à proprement causer. 

Les recruteurs se questionneront peut-être sur l’acquisition des savoir-faire théoriques et professionnels par ces “e-étudiants”… Si l’interrogation est légitime, il est de notre devoir de les rassurer, et de partager les constats que nous, encadrants et enseignants, avons tirés de cette année de formation. 

Capacités d’anticipation, d’organisation, d’écoute, d’analyse, de négociation et aptitudes à faire des propositions innovantes sont autant de qualités que l’on retrouve chez ces jeunes. 

D’ailleurs rien n’indique pour l’heure qu’un envol avorté ne soit pas synonyme à l’avenir d’une meilleure adaptabilité. Chers recruteurs, chefs d’entreprise, tuteurs de stage ne boudez pas ces étudiants de la pandémie, ils pourraient bien vous surprendre… plus que vous ne l’imaginez! 

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