Conjuguer télétravail et garde d'enfants, un mélange des genres à s'arracher les cheveux

TÉLÉTRAVAIL - C’est reparti pour un tour. À compter de ce week-end, les mesures prévues pour endiguer l’épidémie de Covid-19 sont étendues à toute la France métropolitaine. S’il ne s’agit pas d’un confinement aussi strict que celui vécu en...

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Man doing telework and reconciling family life

TÉLÉTRAVAIL - C’est reparti pour un tour. À compter de ce week-end, les mesures prévues pour endiguer l’épidémie de Covid-19 sont étendues à toute la France métropolitaine. S’il ne s’agit pas d’un confinement aussi strict que celui vécu en mars 2020, les crèches, écoles, collèges et lycéens vont toutefois fermer pour trois semaines, dont deux de vacances scolaires.

Pour les parents qui travaillent, cela signifie une chose: le retour du casse-tête de la garde des enfants. Car conjuguer télétravail et enfants à la maison est loin d’être un exercice facile, quoi qu’en pense le député LREM Bruno Questel, dont le discours relativisant la difficulté de la tâche sur le plateau de BFMTV a rendu furieux de nombreux parents.

Réussir à garder sa concentration sans être interrompu en permanence, trouver du silence, surveiller les plus petits, les occuper, penser aux repas... Même pour les télétravailleurs aguerris, ce mélange des genres relève de l’équilibrisme. C’est ce que note dans une série de messages sur Twitter ce père, qui a quinze ans de télétravail derrière lui, dont neuf avec des enfants.

“J’ai deux garçons, 9 et 6 ans. Si je les laisse dans leur coin, ils vont regarder la télé, puis seront imbuvables. Si je leur interdis la télé, ils seront imbuvables et viendront me déranger toutes les 5 min chrono. Or mon métier c’est écrire et j’ai besoin de rester concentré”, explique-t-il. “Donc si je télétravaille en leur présence (ce que je fais souvent, car free-lance), ils sont super relous et ce n’est pas génial pour leur développement personnel. Je dois les occuper, m’en occuper: être parent. Mais ce n’est pas tout: il faut leur faire cours aussi... en fait”, poursuit-il. 

Avec les années, et parce que son métier lui offre la possibilité d’être flexible, il a adopté comme solution de travailler tard le soir, deux-trois heures, une fois qu’ils sont couchés. En ajoutant à celles-ci quelques heures gagnées devant des dessins animés en journée, le compte est presque bon. Ce qui n’enlève rien pour autant à la complexité de l’exercice. Car tous les parents en télétravail n’ont pas la possibilité de morceler leur activité.

Nous avons demandé à cinq autres parents, habitués depuis des années au télétravail, de nous expliquer pourquoi télétravail et garde d’enfant sont si difficilement compatibles. Cinq mamans ont accepté de nous répondre, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait à quel point le confinement a accru la charge mentale des femmes. 

En couple ou célibataire, la même galère

“Je ne veux pas revivre ça”, révèle Astrid au HuffPost. “C’était sport!”, lance la maman de 35 ans en se souvenant du 1er confinement. “Je m’occupais de mon fils de 8 ans, seule, et, à côté de ça, je devais continuer à avancer sur mes projets professionnels”. Le télétravail, elle le pratique depuis plus de trois ans. La directrice artistique indépendante, basée sur Lyon, ne se voit plus faire autrement. “C’est ce qui me correspond le plus. Ça me permet d’amener mon garçon à l’école, d’aller le chercher et de passer du temps avec lui le soir. À côté de ça, je bosse comme une folle”. 

Pour cette mère célibataire, le travail à domicile et la garde d’enfants sont loin d’être conciliables. “Superviser le travail de mon fils et faire le mien de mon côté? C’est impossible. Je me souviens très bien du 1er confinement. Nous habitions en appartement. Le pauvre, il avait tellement besoin de se défouler. C’était très difficile pour moi de m’occuper suffisamment de lui. J’étais au bout du rouleau”. 

Même son de cloche du côté de Virginie, qui est encore marquée par son expérience du 1er confinement: “Il faut recommencer, et j’en suis éreintée d’avance”. Le télétravail faisait partie de son quotidien depuis sa seconde grossesse. Deux jours par semaine à domicile lui étaient accordés par son employeur en raison des 2h30 de trajet qu’elle devait parcourir pour se rendre sur site. Aujourd’hui, la juriste habite à Marseille et est en télétravail tous les jours. 

Son 1er confinement, qui a eu lieu à Paris, a été marqué par deux périodes: une 1ère, où elle était seule avec ses deux enfants, une seconde avec son conjoint en plus. “Étonnamment, tant que j’ai été seule avec les garçons, âgés de 3 ans et demi et 5 ans aujourd’hui, ça allait à peu près. Ils faisaient la sieste (parfois pendant trois heures) l’après-midi, ce qui me laissait une mini-fenêtre de calme pendant ma journée pour bosser”, nous révèle Virginie. Son conjoint, muté à Marseille, était déjà sur place. 

Lorsqu’il les a rejoints afin de finir le confinement et préparer le déménagement, “les choses se sont gâtées”. Le couple étant en télétravail, ils n’avaient pas l’espace nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions. “Je me suis aperçue que, sauf si je râlais, la parité n’existait pas au sein de mon couple et que nous n’envisagions pas les choses de la même façon”. Ce que Virginie lui reprochait, c’était de ne pas avoir su dégager autant de temps qu’elle pour s’occuper des enfants. “Il avait du boulot, lui !”, lance-t-elle d’un ton ironique. 

“Je me suis retrouvée, comme beaucoup, à tout gérer, à essayer de maintenir la même qualité au travail”. À cela s’est ajoutée la charge professionnelle qui, malgré le confinement, n’a fait qu’augmenter pour la juriste. “Je suis sortie de toute cette période éreintée, physiquement, parce que plus de sport, et aussi moralement”, se souvient-elle.

De son côté, Marielle avait un peu d’espoir lorsque le 1er confinement a été annoncé. Elle pensait en effet voir là une occasion privilégiée de s’occuper davantage de son fils. Cela fait déjà une dizaine d’années qu’elle pratique le télétravail, en partie pour passer du temps avec son garçon, atteint de troubles de l’apprentissage. 

“Pendant le 1er confinement, je me suis dit que j’allais pouvoir le faire travailler, lui montrer les choses différemment… Tout en bossant de mon côté”, nous partage-t-elle. “Grosse erreur!” Les choses ne se sont pas passées comme elle l’avait imaginé, loin de là. “C’était un vrai calvaire, j’ai dû travailler tôt le matin ou tard le soir. Les devoirs prenaient une éternité, il se croyait un peu en vacances!”

Une charge mentale permanente 

Journées à rallonge, dose de travail supplémentaire… C’est le quotidien de beaucoup de parents qui doivent concilier télétravail et garde des enfants. Cette fois-ci, Marielle ne voit pas pourquoi les choses seraient différentes du 1er confinement et se demande comment font les parents qui en ont plusieurs à la maison.

Car dans cette épreuve, le nombre et l’âge des enfants jouent énormément. Mais même lorsqu’ils sont plus grands, voire autonomes, lier travail et éducation peut engendrer une certaine charge mentale. C’est ce que nous révèle Isabelle, 47 ans, qui télétravaille depuis 2008. Cette année-là, ses trois garçons avaient entre 9 et 15 ans. Cette mère de famille, journaliste, se souvient bien de la “surveillance accrue” qui était nécessaire lors de ses journées de travail. “Je n’avais qu’une trouille, c’est qu’ils se prennent une voiture à vélo”, explique-t-elle au HuffPost

Les années ont passé, les garçons ont grandi. Si les difficultés inhérentes à la garde de petits ou jeunes enfants n’existent plus, un phénomène persiste. “On ne réalise pas qu’on joue sur deux tableaux en même temps, c’est une gymnastique à la fois psychologique et physique, et c’est là que la charge mentale intervient le plus”, souligne-t-elle.

Vous êtes là, à la maison, parfois sur le canapé ou pour ceux qui en ont la chance, dans votre jardin. Vous travaillez. Mais pour vos proches, la frontière n’est pas si imperméable et la tentation de vous interrompre est parfois forte. “Peu importe que l’on ait un bureau, la frontière entre le travail et le privé n’existe plus, c’est un exercice super difficile. On travaille dans un environnement qui nous empêche de nous isoler. Quand ils sont en vacances, je sais qu’ils sont là, je pense à faire à manger, à lancer des machines. Ça reste délicat”, affirme-t-elle.

Une question d’habitude?

Pour certains parents habitués au télétravail, heureusement, cela peut aussi très bien se passer. Encore faut-il que toutes les conditions soient réunies. C’est le cas de Nadalette La Fonta Six. Aujourd’hui écrivaine, cette mère de 65 ans a commencé à télétravailler à une époque où nous ne connaissions peut-être même pas ce mot, en 2000. Alors talent manager pour des équipes internationales chez IBM, elle s’occupe seule de ses trois filles, deux jumelles de 10 ans et leur petite sœur de 5 ans, son mari travaillant loin de leur lieu de résidence et ne revenant donc que le week-end. 

Avoir des gosses et télétravailler quand ce n’est pas organisé ni mûri, quand ce n’est pas un choix, c’est l’enfer. Mais moi ce n’est pas ce que j’ai vécu”, révèle-t-elle au HuffPost. À l’époque, elle a de la chance. Le télétravail, sa boîte connaît bien. “Mes collègues américaines étaient toutes en télétravail, on savait qu’on allait entendre un enfant entrer dans la pièce, une machine à laver tourner”, se souvient-elle. Quand ses filles rentrent de l’école, elle prend une demi-heure de pause. Elles dînent, elles se expliquent leur journée avant de dormir. Puis Nadalette La Fonta Six se remet au travail. Pendant les vacances, elle n’est jamais seule en cas de besoin: baby-sitter, fille au pair ou tante sont toujours là pour lui filer le coup de main nécessaire. Bref, pour cette mère de famille active, tout roule. 

Mais elle a conscience que cette situation n’est possible que lorsque le télétravail est réfléchi, avec un cadre posé, et pas dans l’urgence actuelle. “Deux cadres sont nécessaires: un cadre intérieur, qu’on se pose par rapport à soi, et un cadre extérieur lié à la famille, la société, l’entreprise. Il faut qu’il existe un contrat social entre ces cadres pour que ce soit possible, cela ne peut pas se faire au doigt mouillé”, estime-t-elle.

Impossible de réussir à conjuguer, pour les jeunes parents d’aujourd’hui, un télétravail précipité et la garde de jeunes enfants. “Les environnements sociaux et familiaux doivent respecter ce cadre, la culture de l’entreprise est importante, et il faut des managers bien formés qui soient présents mais pas trop, qui sachent ne pas trop pousser les salariés ou les arrêter quand cela devient trop pesant. Et surtout, il faut accepter que les règles de fonctionnement et de productivité ne puissent plus être les mêmes”, ajoute-t-elle.

Pour les parents au pied du mur, le chômage partiel pourra être envisagé. C’est ce qu’a précisé ce jeudi la ministre du Travail Élisabeth Borne. Mais seulement dans certains cas. Ce sera possible “s’ils sont parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’un enfant en situation de handicap sans limites d’âge”, indique le ministère du Travail. 

“Prendre du temps pour soi, ses enfants et son travail”

Certains parents chercheront d’autres solutions. Comme Virginie, qui compte bien faire les choses différemment. “J’ai appris de mes erreurs”, reconnait-elle. Tout d’abord, avec leur déménagement à Marseille, la famille a gagné 30 mètres carrés. De quoi avoir deux espaces de travail dans deux pièces distinctes. “Plutôt que de commencer à bosser dès 6 heures du matin, j’irai courir 30 minutes. Je vais changer mon plan de congés: plutôt que de prendre une semaine complète, je vais prendre toutes mes matinées sur les quinze jours, afin de pouvoir me consacrer exclusivement à mes enfants, et ne plus m’en vouloir de ne pas bien m’occuper d’eux. Cela me permettra d’être à fond pour mon travail l’après-midi, ce qui m’évitera de culpabiliser de ne pas être une bonne salariée”. L’objectif de ce nouveau confinement: prendre du temps pour soi, pour ses enfants et pour son travail.

Astrid non plus ne souhaite pas revivre la même situation. Elle a donc opté pour une nouvelle alternative: “Je recherche une baby-sitter”. Pendant la semaine de cours à distance, à partir du 5 avril, la maman prévoit de faire appel aux services d’une personne afin de garder son fils et de l’aider dans ses devoirs. “Ça va être coûteux mais c’est la seule solution qui s’offre à moi. Mon ex-mari ne peut pas être en télétravail. Heureusement, ça ne va durer que quelques jours. Du moins, je l’espère”. Pour les deux semaines qui suivront, Astrid a prévu le coup: elle s’octroiera, elle aussi, des vacances en même temps que celles de son fils. Des vacances à domicile, bien sûr. 

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