Convention européenne: mais qui peut s’enflammer pour l’Europe d’aujourd’hui?
Qui a fêté l’anniversaire de l’Europe dimanche 9 mai? Quel journal en a fait sa Une? L’espace a été laissé vide et pour de bonnes raisons: comment causer d’Europe aujourd’hui? À part quelques célébrations, discrètes et de bon aloi, on repassera...
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Qui a fêté l’anniversaire de l’Europe dimanche 9 mai? Quel journal en a fait sa Une? L’espace a été laissé vide et pour de bonnes raisons: comment causer d’Europe aujourd’hui? À part quelques célébrations, discrètes et de bon aloi, on repassera pour la liesse et la communion européenne.
Heureusement, les dirigeants européens Ursula von der Leyen pour la Commission européenne, David Sassoli pour le Parlement et Antonio Costa pour la présidence portugaise du Conseil, autour du Président de la République française Emmanuel Macron, ont lancé la Conférence sur l’avenir de l’Europe à Strasbourg. Cette conférence a pour objet de donner la parole aux 500 millions de citoyens des vingt-sept États membres. Entre exercice de doléance et laboratoire d’idées, la Conférence devra rendre ses travaux au Printemps 2022 alors que la France assurera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne.
Selon l’Eurobaromètre de mars dernier, les trois quarts des sondés estiment que la Conférence sur l’avenir de l’Europe est un “progrès significatif pour la démocratie en Europe”. La Convention européenne de 2005 avait créé du débat. Pourquoi ne pas retenter l’exercice puisque cette fois des garde-fous ont été mis pour éviter une même déconfiture? L’assemblée plénière, qui recueillera, fera le tri et mettra en forme les propositions citoyennes, sera composée de représentants des institutions comme le comité économique et social ou le comité des régions.
On pourrait finalement se dire que tout va bien. L’Union européenne, dans cette lutte contre une pandémie mondiale, est la 1ère pourvoyeuse de vaccins dans le monde. L’Union européenne fait partie de notre quotidien, dans des domaines variés, ceux de l’agriculture, des infrastructures pour le vélo, des études supérieures ou encore des transports, et dans de nombreux autres domaines.
Donnons d’ores et déjà des objectifs clairs à cette convention européenne, si l’on veut qu’elle soit utile: obligeons nos dirigeants à toucher les sacro-saints traités.
Pourtant, qui peut s’enflammer pour l’Europe d’aujourd’hui? Les débats sur la Constitution européenne en 2005, suivis après son échec du Traité de Lisbonne, ont démontré le désaccord des Européens et non pas seulement une incompréhension, comme les dirigeants, dans une sorte de consensus technocratique, ont voulu le laisser croire. La crise de la dette grecque, qui s’est étalée sur plusieurs années, a mis en lumière l’individualisme national, chaque dirigeant se cachant derrière son opinion nationale, chaque dirigeant européen rappelant le carcan de traités pourtant écrits pour être modifiés et évoluer. Le départ du Royaume-Uni a signé la fin d’une hypocrisie politique laissant libre cours aux populismes en provoquant un résultat –le Brexit– proclamé irréaliste.
Depuis quelques années, une décennie déjà, la BCE –Banque centrale européenne– est l’organe le plus politique parmi les instances de l’Union européenne. En injectant des liquidités pendant les crises –si nous revenons à la crise grecque jusqu’à la pandémie de Covid-19 ou en déterminant les taux d’intérêt.
L’échec de l’Union européenne ne peut malheureusement être imputé à un seul manque de communication ou à une difficulté à faire entendre de la nuance dans les débats actuels.
L’Europe mérite pourtant toute notre ambition. Une ambition collective. Il semble que nous attendons un dirigeant national comme sauveur, que ce soit Angela Merkel en son temps ou Emmanuel Macron plus récemment. Vivre et écrire l’histoire ne se fait pas que dans le passé, par les guerres. Nos dirigeants doivent prendre la mesure du fait qu’ils écrivent l’histoire. Celle d’une Union européenne de plus en plus affaiblie. Cette ambition nécessite de prôner une nouvelle gouvernance. Une gouvernance dans laquelle les responsabilités sont organisées et assumées entre les différents représentants de l’Union européenne. Le sofagate, au-delà du rôle de la Turquie, a démontré dans les jours suivants l’incongruité d’une bicéphalie paralysante entre le Conseil et la Commission.
Cette clarification, essentielle pour le fonctionnement de l’Union européenne, doit passer par le renforcement du rôle des États. L’Europe à plusieurs vitesses serait une hérésie? Elle existe déjà, alors actons que l’Europe est multiple, que tous les États et leurs citoyens n’ont pas la même vision et ne veulent pas avancer au même pas. Il nous faut créer de nouvelles instances pour en faire des organes de pouvoir: créer un causement de la zone euro composé de causementaires européens et nationaux, resserré avec un pouvoir d’initiative législative pour mettre en œuvre des politiques plus intégrées. Il nous faut créer de nouveaux mécanismes démocratiques avec l’obligation d’un mandat causementaire liant les gouvernements, les obligeant à débattre et à rendre compte à leur causement national.
Cette refondation doit permettre d’affirmer des valeurs auxquels les citoyens pourront se référer et s’identifier. Politiquement, cela signifie prendre de véritables sanctions contre la Pologne et la Hongrie, aujourd’hui en train de dévoyer les règles démocratiques comme bases de fonctionnement de l’Union européenne. Humainement, cela doit nous permettre de trouver un fonctionnement collectif pour stopper l’hécatombe en Méditerranée ou “ces massacres en mer” pour reprendre les mots d’Enrico Letta. Économiquement, l’Union européenne ne doit pas se cantonner à être le terrain de jeu de l’affrontement –une véritable guerre– entre les États-Unis et la Chine, elle doit être créatrice de valeurs et de normes. Au niveau de notre sécurité, les menaces terroristes nécessitent une Europe de la défense qui prenne enfin corps.
Quoi qu’il se passe, ces changements, plus ou moins radicaux, ne pourront pas se faire contre les peuples. La souveraineté ne se décrète pas et elle ne peut pas se permettre tous les compromis et surtout pas celui d’un pouvoir qui ferait le bien contre l’avis des citoyens. Les peuples européens continuent d’envoyer des signaux de toutes parts, portant aux pouvoirs ou aux portes du pouvoirs, l’extrême droite nationaliste. Alors, donnons d’ores et déjà des objectifs clairs à cette convention européenne, si l’on veut qu’elle soit utile: obligeons nos dirigeants à une refondation, à toucher les sacro-saints traités.
En invoquant l’Union européenne, en l’instrumentalisant en permanence à des fins politiciennes, nous la portons en totem et, ce faisant, nous la vidons de son sens politique. Une nouvelle Union est nécessaire, une Union européenne puissante, une Union européenne qui ne tergiverse pas sur ses piliers démocratiques, une Union européenne qui porte des valeurs sociétales au service de l’égalité et de la prospérité pour toutes et tous. Il est grand temps que l’Union européenne soit synonyme de force et de fierté.
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