Coronavirus et distanciation physique: et s'il fallait causer en minutes plutôt qu'en mètres ?

COVID-19 - Du texte, une multitude d’indicateurs majoritairement inconnus du grand public et quelques curseurs à faire glisser pour quantifier les risques d’attraper le Covid-19. De tous les outils développés par le MIT, ”A guideline to Limit...

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Les masques, le plexiglas, d'autres moyens de mettre de la distance entre nous et le Covid-19. Mais le risque augmente aussi avec le temps dans une espace clos. Image d'illustration.

COVID-19 - Du texte, une multitude d’indicateurs majoritairement inconnus du grand public et quelques curseurs à faire glisser pour quantifier les risques d’attraper le Covid-19. De tous les outils développés par le MIT, ”A guideline to Limit Indoor Airborne Transmission of Covid-19″ n’est pas le plus sexy. Pourtant cette application -et les conclusions de l’étude sur laquelle repose cette initiative, publiée ce mardi 27 avril dans la revue PNAS- pourrait bouleverser la lutte contre le coronavirus en intérieur. 

Jusqu’à présent, la distance était reine pour réduire les risques d’attraper le Covid-19. La consigne est simple dans les lieux clos: porter le masque ou s’éloigner des autres, quitte à ériger des barrières en plexiglas pour bloquer la transmission du coronavirus par gouttelettes.

“Ces règles ne reflètent pas entièrement la réalité des risques”, souligne le Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans un communiqué. Avec leur application et leurs travaux destinés à faciliter les déconfinements, les enseignants-chercheurs John Bush et Martin Bazant proposent de compter les minutes, en plus des mètres. 

Gratuit, A Guideline to Limit Indoor Airborne Transmission of Covid-19 calcule en quelques clics le temps maximum à passer dans une pièce, en fonction de sa taille, de son aération, des gestes barrières en vigueur, de la circulation du virus (le taux d’incidence actuel) et de l’âge de ses occupants. ”Le risque qu’une personne attrape le Covid-19 si quelqu’un d’infecté est dans la pièce n’est plus tolérable au-delà de la durée affichée”, précise John Bush au HuffPost

Ce simulateur ouvre ainsi de nouvelles perspectives de réduction des risques de transmission, après l’annonce ce jeudi 29 avril du calendrier de déconfinement en France. Le 19 mai, de nombreux lieux clos, comme les musées, les théâtres et les salles de spectacle devraient emboîter le pas aux écoles et de nouveau accueillir du public. Alors que la situation sanitaire est fragile et que les protocoles sont encore à définir, l’application du MIT pourrait aider les collectivités locales à mesurer le risque qu’une infection se produise en intérieur.

3 heures dans une classe, 30 heures à la messe

Dans une classe de 25m2 aux fenêtres fermées, avec aucune filtration d’air et une hauteur sous plafond de 2,5 mètres, combien de temps peuvent rester 25 enfants masqués sans que l’endroit soit trop à risque? En quelques secondes, le simulateur du MIT affiche un résultat précis: 3 heures, si les écoliers causent régulièrement et que la souche majoritaire est le variant britannique.

Le masque permet de réduire drastiquement les risques de contaminer quelqu’un, si l’on est malade du Covid-19. Sans, le compteur tombe à 14 minutes. Au-delà, la probabilité qu’une infection se produise dans la pièce est supérieure à 10%. 

Les risques d'infection du Covid-19 en interieur obéissent à plusieurs paramètres. Associés, il peuvent être exprimés à l'aide de la notion de temps ou de

“On peut régler le curseur en fonction de la tolérance au risque. Ce seuil change selon les situations, car une infection dans un espace fréquenté par des personnes malades ou âgées n’a pas les mêmes conséquences directes que dans la population en général”, détaille John Bush.

Dans les mêmes conditions, mais avec des personnes de plus 65 ans dans la pièce, le chrono du MIT affiche 6 minutes. En revanche, s’ils sont dans une église de 176 mètres carrés au plafond situé à 9 mètres, le chronomètre indique 11 heures. Et s’ils ouvrent les fenêtres en permanence, la messe peut durer 30 heures, sans que le risque d’infection ne dépasse 10%. 

Le simulateur de Martin Bazant et John Bush quantifie le risque avec un seul indicateur, simple à comprendre. “Au travers de la règle du temps, on prend en compte tous les autres paramètres de réduction des risques”, affirme John Bush. Malgré quelques ratés et une application encore en développement, le mathématicien du Massachusetts Institute of Technology assure avoir été contacté par un groupe de scientifiques proches du gouvernement, à l’occasion de la réouverture des écoles. 

Trois ou dix mètres, même risque par aérosol

Pour obtenir de tels résultats, les chercheurs se basent sur la quantité de virus à inhaler pour être infecté et sur les plus récentes modélisations des mouvements du Covid-19 dans l’air. Jusqu’à présent, les politiques de distanciation physique luttaient principalement contre la contamination par gouttelettes.

Aux postillons chargés de coronavirus, il faut désormais ajouter les aérosols, de minuscules particules expulsées durant nos respirations - principale source de contamination selon les auteurs de “Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2”. Cette revue de littérature publiée le 15 avril dans The Lancet retrace l’émergence d’un consensus scientifique à ce sujet. 

Ce changement de paradigme qui a pris de longs mois -des gouttelettes aux aérosols- n’est pas que technique, il est aussi politique. Il faut inventer de nouveaux protocoles, à l’image de celui appliqué à la réouverture des écoles, qui intègre progressivement l’aération, la mesure du CO2 dans l’air et un encouragement à faire cours dehors.

La distance et les masques ne suffisent plus, car certaines particules du coronavirus ne retombent pas directement au sol, elles s’accumulent dans l’air avec le temps. “Dans ce cas, se mettre à trois mètres ou à dix mètres ne change rien. Le coronavirus va se propager partout, en commençant par monter au plafond, car l’air de nos poumons est souvent plus chaud que l’air ambiant”, explique Bertrand Maury, mathématicien à Paris-Saclay et chercheur au CNRS, spécialiste du risque dans les écoles.

La règle des deux mètres crée même parfois un faux sentiment de sécurité, tout comme le masque. “Le Covid-19, c’est un peu comme la fumée de cigarette. Si vous restez à côté d’un fumeur, vous étouffez immédiatement. Le fumeur peut détourner la tête (ce qui équivaut à se masquer dans le cas du coronavirus) ou alors il s’éloigne. Dans les deux cas, ça va mieux... jusqu’à ce que la fumée remplisse la pièce”, illustre Bruno Andreotti, physicien à l’ENS.

À l’instar de ce chercheur du CNRS, spécialiste du risque de transmission du Covid-19, beaucoup de scientifiques tentent de faire émerger une lecture plus fine des situations à risques, au-delà du très binaire “autorisé/interdit” ou “essentiel/non essentiel”.

Intégrer la durée dans les protocoles

A guideline to Limit Indoor Airborne Transmission of Covid-19 est une manière d’introduire le concept de dose virale, qu’il faudrait vulgariser. La dose virale croît avec le temps d’exposition et la concentration en particules virales dans l’air”, explique Bruno Andreotti. Le scientifique milite pour développer ces approches dans les collectivités locales sous la forme politico-économique d’un “budget de risque”. Penser en temps, ou en dose virale est une manière d’impulser une rénovation de l’arsenal de mesures sanitaires, dans l’optique de mieux déconfiner et dans l’attente des effets de la vaccination. 

“Intégrer la durée d’exposition dans les protocoles sanitaires me paraît plus juste et souhaitable. Le temps est important. Par exemple, la cantine est un lieu très risqué, mais le repas ne dure qu′une demi-heure. Tandis que la classe est un environnement moins risqué si le masque est bien porté, mais les cours durent 5 heures par jour”, insiste Bruno Andreotti. Dans certains cas, les pouvoirs publics pourraient fixer une durée à ne pas dépasser dans une pièce si l’air n’est pas entièrement renouvelé. Sans abolir la règle des deux mètres, car le mode de contamination par gouttelette est toujours possible. 

Bien que surtout à destination des décideurs, la version mobile du simulateur a été téléchargée plus de 500.000 fois depuis sa mise en ligne en octobre. Elle permet aussi d’avoir une idée approximative du risque d’attraper le Covid-19 à l’échelle individuelle, en se rendant à un anniversaire ou en télétravaillant à plusieurs par exemple. “Ce risque personnel est toujours plus faible, car c’est le risque que je sois précisément la personne infectée, pas seulement le risque qu’une infection se produise dans la pièce”, traduit John Bush.  

De quoi faire de la concurrence à TousantiCovid durant le déconfinement ? “En l’état, l’application est inutilisable. Ce n’est pas un nouveau geste barrière, mais une manière abordable de visualiser le comportement du virus et les implications du mode de contamination par aérosol”, résume Bruno Andreotti, tranchant.

“Il n’y a pas de consensus sur les chiffres du MIT en particulier, même si leur méthodologie est tout à fait réaliste”, rappelle de son côté le mathématicien Bertrand Maury. Toutes les études n’adoptent pas les mêmes méthodes de calcul, ce qui donne des résultats différents, plus faciles à remettre en question. Et puis a-t-on vraiment envie de compter les minutes, pendant notre temps libéré? La mesure du risque n’est pas forcément une priorité individuelle, mais l’idée est là, à disposition du collectif. 

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