Covid-19: au-delà d’une prime, pourquoi il est nécessaire d’augmenter les bas salaires des travailleurs de "la seconde ligne"

Depuis mars 2020, la question des bas salaires et de la valorisation du travail de ces travailleurs dits de la “seconde ligne”, aides à domicile, vendeurs, agriculteurs, chauffeurs, travailleurs du bâtiment, gardiens, et tant d’autres… n’a...

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Une banderole de l'artiste Regis Leger alias Dugudus remerciant les soignants, les commerçants, la sécurité nationale, le personnel de la poste et les agriculteurs au moment du premier confinement, le 16 avril 2020 à Paris. (Photo by Chesnot/Getty Images)

Depuis mars 2020, la question des bas salaires et de la valorisation du travail de ces travailleurs dits de la “seconde ligne”, aides à domicile, vendeurs, agriculteurs, chauffeurs, travailleurs du bâtiment, gardiens, et tant d’autres… n’a jamais disparu du débat public. Nous les avons applaudis à 20 heures, mais un an après le premier confinement, où est la traduction effective de cet hommage pour ces “indispensables mais invisibles” selon les mots de Denis Maillard?

Le Premier ministre a annoncé, lors du sommet social ce lundi 15 mars en présence de l’ensemble des syndicats, la défiscalisation de primes exceptionnelles que les entreprises seraient susceptibles de verser à destination de ces salariés venus travailler quand d’autres ont pu continuer leur activité chez eux. Une prime sur un modèle proche de la “Prime Macron” annoncée en décembre 2018 en réponse aux mois d’occupation des ronds-points par les Gilets Jaunes.

 

La stagnation de leurs salaires fait d’eux les salariés les plus modestes de notre société.

 

Cette prime est bienvenue, mais elle ne répond pas à l’enjeu principal pour ces salariés: le décalage permanent entre l’utilité sociale de ces femmes et ces hommes, unanimement reconnue, et la stagnation salariale subie depuis près de 15 ans. Une stagnation qui fait d’eux les salariés les plus modestes de notre société.

Face à cet enjeu de juste reconnaissance de ces métiers, une prime ne suffit pas: il faut augmenter leurs salaires.

Pour cela, dans un rapport publié début mars à la Fondation Jean Jaurès, nous proposons, avec Samuel Toubiana et Anthony Paulin, la création d’une Protection salariale garantie. 

Le constat est simple: depuis 2008, les bas salaires ont progressé deux à trois fois moins vite que les hauts salaires, alors que ces derniers sont en partie dépendants du travail des premiers, essentiels mais mal rémunérés. La crise sanitaire n’a été qu’un révélateur: le travail des uns, aisés et bénéficiant de la dynamique économique globale, est aussi indirectement le fruit du travail des autres.

Le président de la République n’a-t-il pas déclaré en avril dernier “qu’il faudra nous rappeler que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal”?

Ainsi, pourquoi ne pas créer un mécanisme qui ferait que les salariés les plus modestes, en immense majorité ces travailleurs de la seconde ligne, verraient leur salaire augmenter grâce à une contribution limitée, progressive, directe et automatique des plus aisés? C’est le principe de la Protection salariale garantie.

Concrètement, près de 5 millions de salariés pourraient voir leur salaire augmenter d’en moyenne 112€ net par mois. Comment? Via une contribution progressive des 5% des salaires les plus élevés. Les syndicats salariés et employeurs, au niveau national, en définiraient les règles de versement pour les salariés concernés au sein des 21 grandes branches d’entreprises.

 

Depuis 2008, les bas salaires ont progressé deux à trois fois moins vite que les hauts salaires, alors que ces derniers sont en partie dépendants du travail des premiers.

 

Cette mesure serait une réponse concrète à trois grands enjeux auxquels notre époque fait face.

D’abord, l’enjeu de revalorisation de la valeur du travail. Avec la Protection salariale garantie, des millions de salariés, d’ailleurs en majorité des femmes, verraient leur salaire, issu de leur travail, revalorisé significativement après des années de quasi-stagnation. Cette revalorisation se ferait sans surcoût pour les entreprises, contrairement à une hausse du SMIC, et donc sans impact sur la compétitivité du pays.

Elle permettrait aussi de recréer un Commun, une solidarité nouvelle plus directe entre le haut et le bas de la pyramide des salaires. Contrairement à un impôt, qui finance les nécessaires biens publics sans fléchage précis, cette Protection salariale garantie serait destinée uniquement au financement des bas salaires, donnant un sens plus concret à la contribution des plus aisés. Elle serait la juste valorisation de la contribution de ces millions de salariés à notre vie commune, qu’il n’est pas possible de définir uniquement à travers le salaire dans une entreprise.

Enfin, elle serait une réponse politique claire au malaise des classes populaires qui constatent depuis des décennies ne pas bénéficier justement de la richesse collective créée, et qui ne parviennent pas à vivre dignement de leur travail. Rien ne justifie que les quelques plus aisés dans les entreprises voient leurs revenus progresser nettement plus vite alors que jamais nos économies n’ont autant été dépendantes du travail de tous. Rien ne justifie qu’une aide à domicile ne profite pas aussi, en partie, de la richesse produite par la personne, souvent cadre, qu’elle soutient.

Ces mêmes classes populaires ne demandent ni prestations supplémentaires ni baisses d’impôts qui ne les concernent jamais. Elles méritent aujourd’hui une hausse légitime du salaire qui leur est dû, un salaire encore essentiel dans la vie de tous les jours et amené à le rester encore longtemps. Cette Protection salariale serait ainsi une garantie que les bas salaires bénéficient, aussi, d’une partie de la dynamique salariale des plus aisés.

Bien sûr, la mise en œuvre de cette idée nécessite un effort des plus aisés, et pas uniquement des 1% si souvent pointés du doigt. Un effort sans doute limité au regard des dynamiques salariales favorables au 5% des salaires les plus élevés depuis près de 15 ans, de la place croissante d’autres revenus -issus du capital notamment- et des conséquences politiques imprévisibles si l’on continue à applaudir des salariés tout en regardant ailleurs lorsqu’il s’agit de passer aux actes.

Le “quoi qu’il en coûte” du président Macron, indispensable et salué par tous, ne peut être réservé uniquement à l’utilisation de la dépense publique, c’est-à-dire l’argent de toutes et tous y compris des plus modestes. La période que nous vivons est aussi l’occasion d’appliquer la formule présidentielle à la question des salaires.

 

La Protection salariale garantie répond à un déséquilibre entre les salaires devenu insoutenable. Un déséquilibre qui alimente le ressentiment collectif.

 

Car au fond, comment affronter collectivement les grands défis qui sont devant nous, qu’ils soient sanitaires, écologiques, démographiques ou numériques, si des millions d’entre nous ne parviennent pas, même en travaillant, à remplir décemment leur frigo?

La Protection salariale garantie est une mesure d’intérêt général, qui répond à un déséquilibre entre les salaires devenu insoutenable. Un déséquilibre qui contribue à alimenter le ressentiment collectif et ronge progressivement notre cohésion nationale, le sentiment de vécu commun.

Si elle ne s’attaque pas à tous les enjeux que traversent notre société, et n’épuise évidemment pas le sujet de la lutte contre les inégalités via l’impôt par exemple, la Protection salariale garantie est une réponse concrète et effective à la revalorisation des bas salaires, des travailleurs de la “seconde ligne”.

Il y a aujourd’hui un consensus politique pour avancer sur cet enjeu majeur. Il ne tient qu’à nous d’avoir le courage de nos intentions.

 

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