Covid-19: au Royaume-Uni, une stratégie vaccinale risquée qui pourrait nous apprendre beaucoup

ROYAUME-UNI - C’est un sprint contre le Covid-19. Alors qu’en France, la campagne de vaccination peine à s’accélérer, au Royaume-Uni, plus de 6,3 millions de personnes avaient déjà reçu au moins une dose de vaccin ce mardi 26 janvier. La France...

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Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, observant une dose de vaccin Oxford/AstraZeneca contre le Covid-19 lundi 25 janvier 2021.

ROYAUME-UNI - C’est un sprint contre le Covid-19. Alors qu’en France, la campagne de vaccination peine à s’accélérer, au Royaume-Uni, plus de 6,3 millions de personnes avaient déjà reçu au moins une dose de vaccin ce mardi 26 janvier. La France n’a injecté qu’à peine 1,1 million de doses à ce jour. 

Les Britanniques sont sous pression, avec un nombre de décès dépassant les 97.000 depuis le début de la pandémie, le bilan le plus lourd parmi les pays européens. La faute, sans doute, en partie au variant anglais du coronavirus, qui rendrait celui-ci de 50 à 70% plus contagieux et qui pourrait être 30% plus mortel selon certaines études.

Espacement des doses, logistique impressionnante ou mélange vaccinal, face à l’urgence sanitaire, le Royaume-Uni a testé, à ses risques et périls, plusieurs méthodes innovantes pour lutter contre le coronavirus depuis le lancement de sa campagne vaccinale le 8 décembre dernier, devenant ainsi un laboratoire vivant pour le monde entier. Que peut nous apprendre cette stratégie vaccinale risquée?

Une logistique impressionnante 

Tout d’abord, les autorités sanitaires britanniques ont déployé une logistique impressionnante. Cabinets médicaux, hôpitaux, pharmacies, au total, 1200 centres de vaccination ont été ouverts au Royaume-Unid’après les chiffres du système de santé britannique, le National Health service (NHS) depuis le début de la campagne, lancée avec le soutien logistique de l’armée. Mi-janvier, sept sites de “super vaccination géants” ont vu le jour dans des salles de conférence, des stades de sport ou d’autres grandes salles comme la cathédrale de Salisbury (Angleterre). Des drives, qui accueillent plusieurs centaines de personnes par jour, ont également été ouverts et pour ceux vivant dans des zones rurales isolées, des équipes mobiles apportent le vaccin. L’objectif est d’immuniser quelque 15 millions de personnes d’ici mi-février pour enrayer la flambée de contaminations du coronavirus et commencer à lever le confinement. 

La France peut-elle suivre cet exemple? “On n’a pas dit qu’il ne fallait pas le faire, a estimé début janvier la présidente de la Haute autorité de santé Dominique Le Guludec sur BFMTV. On pourrait utiliser des centres de vaccination. Mais cela ne correspond pas aux cibles des premières phases”. En France, la stratégie est de vacciner en priorité les plus fragiles. 

Efficacité et mélange vaccinal 

Si le déploiement de sites géants de vaccination n’est pas à l’ordre du jour, la vaccination à marche forcée et à grande échelle outre-Manche pourrait nous permettre de recueillir des données sur l’efficacité des différents vaccins. À la suite de procédures d’examen accélérées de l’agence britannique du médicament (le MHRA), le Royaume-Uni a été le premier à lancer sa campagne vaccinale avec Pfizer-BioNtech le 8 décembre et le premier à la démarrer avec le vaccin AstraZeneca le 4 janvier. Le 8 janvier enfin, le régulateur britannique a approuvé un troisième vaccin, celui de Moderna, en portant à 17 millions le nombre de doses commandées auprès du laboratoire américain.

D’après les résultats publiés par les laboratoires, le vaccin Pfizer/BioNtech serait efficace à 95% et celui de Moderna à 94,5%. Quant à celui d’AstraZeneca, les essais cliniques de phase 3 ont confirmé une efficacité moyenne de 70,4%. Leur efficacité fait toutefois débat:des journaux allemands ont même avancé que le vaccin n’était efficace qu’à 8% sur les personnes âgées. Ces affirmations ont toutefois été démenties par le laboratoire puis par le ministère allemand de la Santé, qui indique ce mardi 26 janvier que les journaux ont “confondu” plusieurs données.

Autre interrogation: les vaccins sont-ils efficaces contre la transmission ou seulement contre les formes graves? Si les laboratoires Pfizer et Moderna ont révélé desrésultats encourageants sur la question, ils restent néanmoins insuffisants pour que le Royaume-Uni décide d’instaurer un passeport sanitaire, à savoir un laissez-passer pour les vaccinés du Covid.

Espacer les doses 

L’une des techniques innovantes testée par nos voisins britanniques pour accélérer la vaccination consiste également en l’espacement des doses. Initialement établi à 21 jours par le laboratoire Pfizer et à 6 semaines pour Moderna d’après les dernières indications du groupe d’experts de l’OMS sur la vaccination, le délai entre les deux injections de ce vaccin peut aller jusqu’à 12 semaines au Royaume-Uni.

Une stratégie qui interroge puisque, même si les données sont incomplètes, on sait aujourd’hui que l’efficacité maximale ne peut être obtenue qu’après deux injections. Celle du sérum mis au point par Pfizer et BioNTech serait par exemple seulement de 52% après la première dose. C’est pourquoi en France, le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré ce mardi 26 janvier ne pas disposer d’assez de données pour être sûr qu’il n’y a aucun risque, refusant d’aller à 42 jours d’espacement entre deux doses de vaccins. 

Plusieurs scientifiques britanniques ont appelé ces derniers jours à un programme de surveillance des réponses immunitaires à l’espace des doses, avec une évaluation précise de la manière dont la modification de l’intervalle affectait l’efficacité des sérums. Ce saut dans l’inconnu testé Outre-Manche est scruté de près par les Français et Européens. 

Risques de nouveaux variants

Mais la méthode est risquée. D’abord, comme l’a rappelé le professeur Alain Fischer, qui coordonne la campagne vaccinale ce mardi 26 janvier, “nous n’avons aucune information disponible sur l’efficacité dans la durée d’une première dose”. Et de rappeler qu’en Israël, pays où la vaccination va le plus vite proportionnellement à sa population, “de récentes données montrent que chez les plus de 60 ans, la protection contre la maladie dans la période n’est que de 33%, ce qui est une déception d’une certaine façon, car elle était de 50% dans l’essai clinique de Pfizer”. Le risque, donc, est que la réponse immunitaire soit moins forte que prévu. “85% des personnes vaccinées sont âgées ou malades, avec un système immunitaire qui n’est pas optimal. N’y a-t-il pas un risque d’une réponse sous-optimale des vaccins en cas d’espacement, qui pourrait faire diminuer la protection face aux nouveaux variants?”, a interrogé Alain Fischer.

Plus inquiétant encore, une hypothèse a été avancée la semaine dernière par le groupe stratégique consultatif d’experts de l’OMS (SAGE) sur la vaccination: l’espacement des doses pourrait résulter en l’émergence de nouveaux variants du coronavirus. S’il est aujourd’hui impossible de quantifier ce risque, “il est réaliste de penser qu’au fil du temps, des variants émergeront, probablement en raison de l’augmentation de l’immunité de la population suite à une infection naturelle”, ont relevé les scientifiques la semaine dernière.

En France, l’Académie de médecine avait émis un avis similaire. Le fait d’avoir un vaste nombre de personnes partiellement protégées pourrait offrir un “terrain favorable” aux nouveaux variants qui échapperaient à “l’immunité induite par la vaccination”. Une protection imparfaite pourrait aussi aggraver l’infection au lieu de la bloquer par le biais d’anticorps appelés “anticorps facilitants”. 

“Si vous vouliez fabriquer une souche résistante aux vaccins, ce qu’il faudrait faire c’est de constituer une cohorte d’individus partiellement immunisés au milieu d’une infection virale très répandue” s’est notamment inquiété Paul Bieniasz, chercheur à l’université américaine Rockefellerauprès du site web médical Statnews. Ces craintes sont toutefois à prendre avec des pincettes, puisqu’il ne s’agit à ce jour que d’hypothèses. 

Effets secondaires 

Plus largement, l’observation de la campagne vaccinale Outre-Manche pourrait nous renseigner sur les effets secondaires des trois vaccins. D’après les données publiées, rougeurs et gonflements à l’endroit de l’injection seraient les principaux effets. Mais les participants aux essais cliniques rapportent également une fatigue accrue, des maux de tête, des frissons ou des douleurs musculaires. Au fur et à mesure que les Britanniques vaccinent,des données sont en tout cas recueillies, s’ajoutant aux connaissances mondiales actuelles sur les sérums.

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