Covid-19: dans les Alpes-Maritimes, le confinement local suffit-il?

RECONFINEMENT - La mesure est inédite en métropole. Ce lundi 22 février, un confinement local a été décrété pour les deux prochains week-ends dans lesAlpes-Maritimes, où l’épidémie deCovid-19 flambe depuis quelques jours, en plus de la généralisation...

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Le 20 février 2021, des Français le long de la promenade des Anglais, à Nice (qui sera confinée les deux prochains week-end face à la résurgence du Covid-19)

RECONFINEMENT - La mesure est inédite en métropole. Ce lundi 22 février, un confinement local a été décrété pour les deux prochains week-ends dans lesAlpes-Maritimes, où l’épidémie deCovid-19 flambe depuis quelques jours, en plus de la généralisation du port du masque et de la fermeture des commerces de plus de 5000 mètres carrés, à l’exception des commerces alimentaires et des pharmacies. 

Ces annonces étaient attendues. Face à un taux d’incidence particulièrement élevé dans la métropole niçoise, avec près de 600 cas positifs pour 100.000 habitants, des élus locaux, comme le maire de Nice Christian Estrosi et le député LR Éric Ciotti plaidaient depuis plusieurs jours pour un reconfinement local, dont l’idée avait déjà largement infusé la population. Seront-elles efficaces et suffisantes pour enrayer l’épidémie de Covid-19 et de ses variants dans les Alpes-Maritimes et sur l’ensemble du territoire? 

Le confinement local, en cours à Mayotte

La stratégie n’est, en tout cas, pas nouvelle. L’idée d’un reconfinement local s’est concrétisée pour la première fois en Outre-Mer à Mayotte, où un confinement local est entré en vigueur pour au moins trois semaines depuis le 5 février, afin de faire face à l’apparition des variants sud-africain et britannique. Nos pays frontaliers, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ont, eux, déjà intégré le confinement local à leur stratégie de lutte contre l’épidémie. À l’instar de Rome, en Italie, où un confinement local a été imposé face au regain des contagions. Mais il est encore trop tôt pour en mesurer les effets. 

À petite échelle, la solution du confinement local a néanmoins déjà montré son efficacité. Des chercheurs de l’université de Padova et de l’Imperial College à Londres ont ainsi observé qu’un confinement local permet de réduire drastiquement la progression de l’épidémie.Selon cette étude parue en avril 2020, les 3000 habitants de la municipalité de Vo en Italie ont même réussi à se débarrasser temporairement du Covid-19, grâce à de telles mesures. Une synthèse de la revue de médecine BMJ explique que dans ce cas-là, ces mesures ont été couplées avec un dépistage des personnes qui n’ont pas de symptômes. Or pour tester les asymptomatiques, il faut retracer les contacts des malades. Dans les territoires les plus touchés en France, le nombre de contaminations est trop important pour que le tracing soit fiable. 

Confiner pour tester

C’est également l’avis de Catherine Hill, interrogée par Le HuffPost, pour qui le confinement est une mesure palliative, est non curative: “Confiner localement dans les Alpes-Maritimes ne sert pas à grand chose, à moins d’assortir la mesure d’une vraie stratégie de dépistage efficace. Et d’oser cette comparaison peu ragoutante: “Sinon, c’est comme si on mettait de la viande pourrie dans son réfrigérateur et qu’on la ressortait quelques semaines plus tard”. Ce lundi, en plus du confinement local les week-ends, le département des Alpes-Maritimes a annoncé accélérer la campagne de tests, avec notamment des dépistages aléatoires qui auront lieu dans les aéroports du département sur les voyageurs arrivant de l’étranger.

L’arrivée des premiers prélèvements salivaires cette semaine change également la donne: entre 50.000 et 80.000 tests réalisés à partir de ces prélèvements seront réalisés dans les écoles d’après Jean-Michel Blanquer. Lors de son déplacement samedi à Nice, le ministre de la Santé a également annoncé le “dépistage massif” dans les écoles à la rentrée, à l’aide de tests salivaires, ainsi que l’envoi de 3500 doses supplémentaires du vaccin Pfizer-BioNTech.

Mais ces mesures restent insuffisantes pour que le confinement local fonctionne, juge Catherine Hill. Alors qu’environ 50% des cas sont aujourd’hui des asymptomatiques d’après elle, tester uniquement les cas symptomatiques et les cas contacts “ne sert à rien, fustige-t-elle, puisque chaque personne est testée trop tard et a le temps de contaminer d’autres gens.” L’unique solution efficace est donc le dépistage massif assorti d’un confinement: “Il faut confiner pour tester, par le biais du pooling”, martèle-t-elle. Le “pooling” consiste à tester non pas chaque prélèvement réalisé, mais un mélange de plusieurs d’entre eux. Lorsqu’un test est positif dans le lot, tous les prélèvements sont testés un par un pour isoler le cas positif.

Un point de vue partagé par Morgane Bomsel, chercheuse CNRS à l’Institut Cochin. “Le confinement local ne peut pas être l’unique réponse à une hausse des contaminations, estime-t-elle auprès du HuffPost. L’objectif est d’éviter que l’épidémie reparte, or pour cela, il faut tester massivement”, déplore-t-elle. 

À Pékin, confinement local et dépistage massif 

Les exemples de confinement locaux efficaces à l’étranger vont également dans ce sens. La Chine a notamment été le premier pays à instaurer des confinements localisés au début de la pandémie, à Wuhan par exemple, avant d’être établi dans plusieurs villes. À Pékin (22 millions d’habitants), chaque période de flambée des cas a donné lieu à un reconfinement local strict assorti d’une campagne de dépistage massif. Du 11 au 20 juin notamment, 2,3 millions de personnes ont été testées, après le recensement de 36 nouveaux cas, jusqu’à ce que la ville affiche le “zéro cas” en juillet.

La stratégie a également fait ses preuves à Melbourne, en Australie, où un confinement de 5 jours a été déclaré le 12 février dernier,en plein Open d’Australie, après l’émergence d’un foyer de contamination du variant britannique du Covid-19. Des milliers de tests ont été effectués en un temps record. La semaine dernière, une fois la menace d’une flambée des contaminations écartée, les six millions d’habitants enfermés chez eux ont enfin pu reprendre une vie normale. 

Une question se pose toutefois en France: comment mobiliser autant de personnes, sans mesures coercitives? Au Havre, où une stratégie de dépistage massive a été lancée en décembre dernier, seulement 11% de la population s’est présentée dans les lieux de tests en 6 jours, alors que le seuil de 50% était espéré. C’est au prix d’une grande fermeté que les confinements ont été efficaces en Chine. De telles privations de libertés sont-elles réellement envisageables en France? 

“Le virus n’a pas de frontières”

Par ailleurs, comme l’a souligné la chercheuse Morgane Bomsel, un reconfinement local comme dans les Alpes-Maritimes doit s’accompagner d’une fermeture des frontières. Or, si le département des Alpes-Maritimes a annoncé un contrôle renforcé sur les voies ferroviaires, routières et aériennes, les frontières ne seront pas fermées pour autant. “Le virus n’a pas de frontières, pointe Morgane Bomsel. Pour que les stratégies de confinement locaux soient efficaces, il faudrait prendre les mesures de manière concertée entre les pays européens”. 

Enfin, une accélération de la campagne vaccinale est également nécessaire pour endiguer l’épidémie de Covid-19 dans les Alpes-Maritimes, comme le réclament des élus locaux depuis plusieurs jours. Ces demandes semblent avoir été entendues, puisque le préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzales a annoncé ce lundi que 4500 doses supplémentaires du vaccin Pfizer arriveraient dans la journée et que des milliers de vaccins AstraZeneca seront également mis à disposition pour vacciner les personnes âgées de 50 à 64 ans présentant des comorbidités. “Il est évident que l’ensemble de ces mesures permettront une amélioration, un effet”, nuance Morgane Bomsel. Mais seront-elles suffisantes? “Je crains que non”, répond la chercheuse. 

Dans les rangs politiques, la mesure du confinement local est d’ailleurs loin de faire l’unanimité. “Ce ne sont pasdeux week-ends de confinementqui vont freiner la pandémie, a notamment pointé Jean Leonetti, maire (LR) d’Antibes au Monde. Pour lui, l’unique bonne méthode aurait été “un confinement strict, tout en vaccinant massivement”, juge-t-il.

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