Covid-19: le vaccin (à lui seul) ne suffira pas à éradiquer le coronavirus
CORONAVIRUS - “Tout miser sur le vaccin est un pari hasardeux”: dans Le JDD de ce 11 avril, l’épidémiologiste Antoine Flahaut donne le ton dans cette nouvelle phase de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Le directeur de l’Institut de santé...
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CORONAVIRUS - “Tout miser sur le vaccin est un pari hasardeux”: dans Le JDD de ce 11 avril, l’épidémiologiste Antoine Flahaut donne le ton dans cette nouvelle phase de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Le directeur de l’Institut de santé globale de Genève énonce ici une vérité désagréable, mais que les 1ers mois de la campagne vaccinale ont souvent occultée.
Si vacciner massivement est une condition nécessaire pour l’élimination du virus, elle ne sera pas suffisante à l’heure où les variants ont remplacé le virus d’origine. Le variant britannique, qui représente aujourd’hui plus de 80% des nouvelles contaminations en France, est plus contagieux que son grand frère, avec un effet de hausse sur le taux de reproduction (R) estimée entre 0,4 et 0,7. Conséquence de cette agressivité, la transmission va plus vite que les efforts de vaccination. En d’autres termes, la “course” vaccinale est en passe d’être perdue, comme le montrent les chiffres de la maladie en France.
Les variants, nouvelle montagne à franchir
Un constat qui ne touche pas que l’Hexagone. Sur CNN, le 9 avril, l’immunologue américain Anthony Fauci avertissait que le nombre de cas de Covid-19, comme en Europe, semblait rester à un palier “dangereusement élevé”: encore une fois, en raison des variants, non seulement britannique, mais aussi brésilien et sud-africain.
Les États-Unis sont pourtant, au même titre que le Chili en Amérique, l’un des champions de la vaccination face à la pandémie, avec plus d’un tiers de ses citoyens ayant déjà reçu au moins une injection (contre 14% en France). Pourtant, le nombre de cas est en hausse très nette depuis plusieurs semaines. Rassérénés par une campagne vaccinale menée sur les chapeaux de roues, les Américains ont relâché leurs efforts, alors que le virus se mettait à toucher une nouvelle frange de la population.
Le CDC américain le confirme en effet: aujourd’hui dans les services d’urgences américains, il y a plus de 25-49 ans que de 65 ans et plus. Malgré tout, avec plus de 55.000 cas par jour, le rajeunissement est loin d’être suffisant pour expliquer cette remontée. Même constat en France, où, à la fin mars, 40% des patients admis en réanimation avaient moins de 60 ans.
L’immunité collective, de plus en plus un mirage
Résultante directe de cette double dynamique d’un virus plus agressif et qui s’étend à des classes d’âge plus jeunes, le niveau nécessaire pour atteindre l’immunité collective a été recalculé. L’institut Pasteur, en prenant en compte la dangerosité nouvelle des variants, vient de donner sa propre estimation: il faudrait, pour relâcher en toute sécurité les mesures de contrôles, que 70% des 0-64 ans (enfants inclus, donc) et 90% des plus de 65 ans soient vaccinés.
Cette modélisation donne une idée du chemin à accomplir, mais aussi du problème fondamental dans la course contre le virus. Au rythme où se développent les variants, rien ne dit que cet objectif, déjà très élevé, de vaccination soit suffisant pour en finir avec l’épidémie. Une étude israélienne disponible en prépublication depuis le 8 avril (encore en cours de contrôle avant publication dans une revue) montre en effet que les principaux variants connus tendent, plus que la souche d’origine, à résister aux anticorps issus de la vaccination.
Heureusement, cette résistance ne se fait qu’à la marge, et les vaccins ont démontré jusqu’ici leur efficacité. Mais rien ne permet d’augurer de l’avenir, et des caractéristiques des variants futurs. Seuls, les vaccins sont une arme insuffisante, la stagnation des cas dans le monde entier le prouve, et comme l’indique un article paru dans la revue Nature, la marche vers l’immunité collective ne pourrait être plus qu’un mirage, d’autant que l’on ne connaît toujours pas la durée d’immunité post-vaccinale.
La “suppression maximum” du virus, solution à long terme
Face à ce constat, plusieurs personnalités du monde médical ont tapé du poing sur la table, en réclamant début avril dans une tribune que l’on passe à une stratégie dite de la “suppression maximum” du virus. En clair, il faut tout faire pour faire baisser la circulation du virus tout en allant vers l’immunité. Ces professionnels demandent donc que les États continuent de faire appliquer des mesures de distanciation et de prévention sanitaire, en plus d’une politique vaccinale menée efficacement.
Cette demande n’a en soi rien de nouveau, et rappellera même à certains une certaine “stratégie de l’emmental” popularisée à l’automne 2020. Contre le Covid-19 en pleine remontée, l’infectiologue Karine Lacombe avait décrit les différentes actions à accomplir contre le virus comme autant de tranches de fromages trouées.
Distanciation sociale, masques, ventilation, dépistage, traçage de contacts... autant de solutions qui font baisser la transmission sans la stopper. Il en est de même pour le vaccin, qui viendrait finalement ajouter une tranche supplémentaire au sandwich, mais certainement pas s’y substituer. C’était d’ailleurs le constat fait à la mi-mars par une équipe de chercheurs en étudiant le cas britannique: “la vaccination seule”, écrivaient-ils, “est insuffisante à contenir le virus” si le reste des mesures sanitaires est abandonné.
Tant que le virus circulera, il faudra donc faire avec des mesures de contrôle de la maladie. Rien dans ce constat ne remet en cause l’importance fondamentale de la vaccination ni son apport dans la protection des personnes fragiles. Mais la contagiosité nouvelle du Covid nous obligera, encore pendant des mois, à “vivre avec”, s’en pouvoir s’en remettre aux seules vertus du vaccin.
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