Covid-19: l'isolement obligatoire pour les cas positifs, est-ce efficace?
SCIENCE - Pour tenter d’empêcher une 4e vague épidémique en France à l’automne, Emmanuel Macron a annoncé une extension drastique du pass sanitaire, rendant la vaccination quasiment obligatoire à terme. Pour ce faire, un changement législatif...
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SCIENCE - Pour tenter d’empêcher une 4e vague épidémique en France à l’automne, Emmanuel Macron a annoncé une extension drastique du pass sanitaire, rendant la vaccination quasiment obligatoire à terme. Pour ce faire, un changement législatif est nécessaire. Mais ce qui a étonné dans l’avant-projet de loi dévoilé par l’AFP mercredi 14 juillet, c’est la mention d’un isolement obligatoire pour les personnes positives au Covid-19.
En effet, le texte qui a été soumis au Conseil d’État souhaite que l’isolement de 10 jours puisse être contrôlé par la police et la gendarmerie. Le projet prévoit le maintien d’une autorisation de sortie entre 10h et 12h, ainsi que des adaptations possibles concernant “la poursuite de la vie familiale”, “la condition particulière des mineurs”, ou encore le cas de personnes dont la sécurité serait menacée pendant leur isolement.
Cette contrainte, non annoncée par le président de la République, est surprenante, car elle fait un peu figure de serpent de mer. Déjà, en novembre dernier, lors du second confinement, le gouvernement voulait un débat sur les contrôles de l’isolement. Finalement, ce volet sera enterré, remplacé par un accompagnement renforcé des malades.
Il faut dire que dans les pays où le contrôle de l’isolement existe, comme l’Italie, la Suisse, la Belgique ou encore l’Angleterre, la situation sanitaire n’est pas spécialement différente de ce qui se passe en France. Difficile de savoir pourquoi, mais ce qui est clair, c’est que la contrainte peut avoir des effets pervers parfois contre-intuitifs.
La loi et l’esprit de la loi
“Il existe une abondante littérature scientifique sur ‘l’économie du crime’ montrant que les gens réagissent à la punition et à la coercition”, expliquait en novembre au HuffPost Fabio Galeotti, chercheur CNRS au laboratoire Groupe d’Analyse et de Théorie Economique. “La raison est simple: les gens ne veulent pas payer d’amende ou être punis. La loi peut également aider à définir quelle est la norme.”
Dans une étude publiée le 12 août, le scientifique et ses collègues ont analysé l’impact sur le comportement du 1er confinement. “L’introduction de lois coercitives sur la distanciation physique lors du 1er confinement a contribué à changer les comportements aussi parce qu’elles ont changé la perception des normes”, explique-t-il.
Mais les choses sont loin d’être si simples et plusieurs effets de bord peuvent apparaître, surtout dans le cas particulier de l’isolement des malades et des personnes contacts. D’abord, car la loi doit être perçue comme légitime. Lors du 1er confinement, le pays se retrouve pris par surprise par la vague de Covid-19 et cherche un cap. “Mais si la loi n’est pas considérée comme entièrement légitime, elle peut se retourner contre vous, nous en avons la preuve dans de nombreuses études”.
La 1ère chose à laquelle on pense, c’est la stratégie de contournement: si l’isolement devient obligatoire, contrôlé, il y a un risque que les personnes malades mais peu symptomatiques ne se fassent pas tester. Ou encore qu’une personne positive ne déclare pas ses cas contacts à l’Assurance maladie. Mais il y a bien plus étonnant.
Quand la loi “autorise” la déviance
Un exemple frappant cité par le chercheur: dans une école israélienne où certains parents étaient souvent en retard, une amende a été mise en place. Le résultat, totalement contre-intuitif? Le nombre de retards a augmenté.
Jusque-là, la plupart des parents qui arrivaient à l’heure le faisaient sans contrainte, car ils considéraient que c’était leur devoir. La mise en place d’une amende, pour ces personnes respectueuses des horaires, rendait possible de transgresser la norme. “Si les gens interprètent la punition comme un prix à payer pour se comporter de manière égoïste, ils n’auront pas honte de le faire”, résume Fabio Galeotti. “Il faut faire très attention quand on introduit une sanction, elle doit être accompagnée d’une campagne de légitimation pour contrebalancer les effets négatifs potentiels”, estime le chercheur.
L’autre possibilité, évidemment, c’est de récompenser le bon comportement plutôt que de punir le mauvais. D’ailleurs, dans son avis du 3 septembre consacré aux stratégies d’isolement, le Conseil scientifique ne retenait pas la possibilité de mesures contraignantes. Il recommandait plutôt “une double stratégie de droits et de devoirs, alliant la promotion du devoir de solidarité (par l’auto-isolement) à des mesures fortes de compensation”. Une stratégie qui révise “fondamentalement l’approche jusqu’alors suivie”. Depuis, le Conseil scientifique n’a pas réabordé la question.
Préserver le lien social et la santé mentale
Le 9 octobre, six des chercheurs siégeant dans ce comité publiaient une tribune dans le Lancet rappelant leur proposition et déplorant que le gouvernement français “n’ait pas encore adopté les incitations que nous recommandions”. Parmi les compensations, le rapport envisageait un arrêt de travail sans délai de carence. Celui-ci a finalement été mis en place... le 15 novembre, mais seulement jusqu’au 31 décembre. Le Conseil scientifique imaginait également une prime de compensation pour les professions indépendantes ou qui n’ont pas de revenu fixe, ainsi qu’une “prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales, etc.) si nécessaire”.
La mise en place d’un isolement forcé pose d’autres contraintes. “Il y a un problème de logistique: si on a des centaines de milliers de cas par semaine, on ne va pas tous les mettre à l’hôtel”, estime Xavier Briffault, chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé au CNRS. “Et les maintenir à domicile nécessiterait des vérifications, comme avec un arrêt maladie, ce qui demanderait des ressources humaines dont nous avons besoin ailleurs”.
Plutôt que de contraindre, le chercheur recommande plutôt de former les gens “sur la manière correcte de se protéger, de disposer d’outils efficaces, notamment dans le milieu familial”, regrettant que ce type de stratégies ne soient pas assez explicitées de façon opérationnelle pour éviter les contaminations au sein du foyer.
Pour rendre l’isolement plus acceptable et plus suivi, peut-être faudrait-il d’ailleurs abandonner le terme? “L’objectif n’est pas de s’isoler, mais de ne plus contaminer. Il faut préserver le lien social tout en empêchant la contamination”, recommande Xavier Briffault, qui s’alarme du risque sur la santé mentale. “Isoler de façon coercitive des gens qui viennent d’apprendre qu’ils sont contaminés, c’est très pathogène. La santé mentale, ainsi que la préservation du lien social, doivent être des priorités”. Autant d’éléments qui seront, espérons-le, débattus par les causementaires.
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À voir également sur Le HuffPost: ce que dit l’étude de l’Institut Pasteur citée par Macron qui décrit la 4e vague