Covid-19: pourquoi un couvre-feu à 18h pourrait être efficace
CORONAVIRUS - Métro, boulot, dodo: c’est le programme (presque) annoncé pour les habitants d’une partie de l’est et du sud-est de la France, qui vont basculer ce dimanche 10 janvier sous le régime du couvre-feu à 18h pour faire face à la remontée...
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CORONAVIRUS - Métro, boulot, dodo: c’est le programme (presque) annoncé pour les habitants d’une partie de l’est et du sud-est de la France, qui vont basculer ce dimanche 10 janvier sous le régime du couvre-feu à 18h pour faire face à la remontée des cas de Covid-19.
Après 15 départements début janvier (en rouge foncé sur la carte) et tandis que trois sont toujours surveillés de près (en jaune), huit préfectures ont choisi de recourir à cette mesure, face à des indicateurs d’évolution de l’épidémie dans le rouge. Sont concernés dès ce dimanche l’Allier, le Cher, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Côte d’Or, le Vaucluse, les Alpes-Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône (en rouge clair), avant le Var et la Drôme mardi (en violet).
La mesure, plébiscitée par le gouvernement, a aussi ses détracteurs: scientifiques et élus — notamment à Marseille — sont sceptiques et soulignent par exemple que le couvre-feu appliqué pour la première fois fin octobre n’avait pas empêché un deuxième confinement quelques semaines plus tard.
Alors ramener le couvre-feu de 20h à 18h peut-il vraiment casser la dynamique de “troisième vague” en cours dans ces territoires? En tous cas, cela pourrait la ralentir… avant un éventuel reconfinement.
Interrogé sur cette possibilité ce dimanche, le ministre de la Santé Olivier Véran a affirmé que la France prenait des “mesures proportionnées” face à une “croissance lente de la circulation du virus”, et “s’il y a lieu de prendre des mesures supplémentaires (ce sera) si nous constatons que le virus reprenait une course folle sous la forme d’une vague, ce qui n’est pas le cas à l’heure à laquelle je vous parle”.
Le couvre-feu, une mesure utile
Ce que l’on a appris de ces derniers mois, c’est que le couvre-feu fonctionne… tout en restant moins décisif qu’un confinement total pour casser les chaînes de contamination. Interrogé par le quotidien La Dépêche sur le couvre-feu mis en place le 17 octobre, l’épidémiologiste Pascal Crépey expliquait ainsi: “Il est vrai que cette mesure a été instaurée peu de temps avant le reconfinement [du 30 octobre, ndlr]. Mais le couvre-feu, et même les couvre-feux (le 17 octobre puis élargi le 24 octobre à d’autres départements) ont permis de casser la courbe épidémique avant que le confinement prenne le relais pour décroître encore plus fortement la dynamique de l’épidémie”.
Une analyse appuyée par une étude du CNRS sur l’impact des mesures françaises face à la deuxième vague. Les chercheurs ont ainsi montré que la deuxième semaine de couvre-feu, à laquelle ont dû se soumettre les habitants de 54 départements, a puissamment “décéléré l’accélération”. En d’autres termes, la croissance exponentielle de l’épidémie a cessé lorsqu’il a été interdit de circuler entre 21h et 6h du matin. Une décroissance rapide a ensuite eu lieu, mais l’Hexagone entier était alors placé en confinement.
Un déclin particulièrement sensible, note l’étude, pour les 60 ans et plus, dont la vitesse de contamination a diminué d’un quart chaque semaine de couvre-feu. Pour cette population à risque, l’efficacité du couvre-feu est telle que le confinement total n’a eu qu’un impact “légèrement plus positif”. Pour les 59 ans et plus en revanche, c’est bien la quarantaine qui a marqué le tournant le plus décisif, mais le couvre-feu a lui aussi eu un effet sensible, et entamé la dynamique de déclin.
La mesure est donc utile, ces derniers mois l’ont montré. Mais la période des fêtes a contrecarré cet effet positif, dans une France où le taux de reproduction effectif est désormais de 1,16 et le nombre de nouveaux cas quotidiens dépasse les 10.000 par jour, voire frôle les 20.000. Durcir encore le couvre-feu en interdisant toute activité dès 18h peut-il avoir un impact? Des éléments permettent de le penser.
Les contaminations hors clusters visées
Pour connaître l’impact réel d’une interdiction de circuler aussi tôt dans la journée, l’expérience manque. Rares sont les pays à avoir imposé de rentrer chez soi à un tel horaire durant la pandémie: Guyana, Zimbabwe, Jamaïque... mais aussi la Guyane française. Au mois de juin dans ce département particulièrement touché par l’épidémie, il a été interdit de sortir de chez soi de 17h à 5h, pour un résultat jugé efficace par les spécialistes.
Mais d’autres données récentes peuvent avoir influencé le gouvernement. Pendant des mois, une grande partie des contaminations était en effet dans l’angle mort de l’épidémie: les clusters identifiés puis tracés par les autorités de santé n’étant responsables que de 10% des contaminations. Le 17 décembre pourtant, une étude de l’Institut Pasteur est venue éclairer les 90% restants sous un jour nouveau.
Des milliers de malades du Covid ont ainsi répondu à un questionnaire: hors du foyer (qui représente un tiers des contaminations), les cas de Covid ont eu lieu dans le cercle familial (33%), dans le milieu professionnel (29%) et dans le milieu amical (21%). Dans les faits, cela correspond à des repas de famille, aux interactions dans l’entreprise et au temps passé entre amis. Ces deux heures supplémentaires de contrainte s’attaquent frontalement à la première et la troisième source de contamination.
Casser les rassemblements informels
Il s’agit notamment de lutter contre le retour des “apéros sauvages” qui fleurissent parfois à l’extérieur des bars, en général à la limite de la légalité. Comme le relevait le Midi Libre le 21 décembre, ces rassemblements pour boire un verre et grignoter (ce qui veut dire sans masque) ont lieu avant la fin du couvre-feu et continuent parfois longtemps après. Avec un couvre-feu dès six heures du soir, il est quasi-impossible de se retrouver légalement après le travail. Difficile aussi d’aller prendre un verre dans un appartement avant de filer à l’heure du confinement.
Dans la ligne de mire de cette mesure, il y a aussi la zone d’ombre de l’étude de l’Institut Pasteur elle-même. Ainsi, 35% des personnes infectées interrogées ne connaissaient pas l’origine de leur contamination. Ce couvre-feu renforcé, avec son effet boulot-dodo excluant toute activité annexe, limite au maximum les occasions de socialisation avec des inconnus, ainsi que la découverte de lieux nouveaux: en plus de limiter le risque d’infection, cela doit améliorer considérablement la traçabilité de la maladie.
Enfin, ces deux heures supplémentaires poussent indirectement à agir sur l’autre grand lieu de la contagion: le milieu professionnel. L’obligation d’être chez soi à 18h, c’est une contrainte pour l’employeur et son salarié, si ce dernier n’est pas déjà en télétravail. Autrement dit, cette mesure force la main à ceux qui ne sont pas déjà en télétravail, et ils sont nombreux: les études les plus récentes estiment que seuls 15% des Français travaillent aujourd’hui de chez eux. S’il leur est interdit de circuler après 18h, cette proportion pourrait bientôt augmenter.
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