Covid-19: quel impact aura le déconfinement? Ce qu'en disent les modèles

SCIENCE - Quatre étapes pour dessiner l’avenir sur soixante jours. C’est ce à quoi devrait ressembler le calendrier de déconfinement esquissé par Emmanuel Macron. L’entrevue du chef de l’État doit paraître ce vendredi dans la presse quotidienne...

Covid-19: quel impact aura le déconfinement? Ce qu'en disent les modèles

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SCIENCE - Quatre étapes pour dessiner l’avenir sur soixante jours. C’est ce à quoi devrait ressembler le calendrier de déconfinement esquissé par Emmanuel Macron. L’entrevue du chef de l’État doit paraître ce vendredi dans la presse quotidienne régionale, mais les principales annonces ont déjà été dévoilées ce jeudi 29 avril.

Les 3 et 19 mai, puis les 9 et 30 juin, les multiples restrictions mises en place pour endiguer l’épidémie de Covid-19 devraient donc être progressivement allégées, puis levées. Toutes ces mesures seront nationales, “sauf situation sanitaire départementale dégradée”, précise le quotidien Les Dernières Nouvelles d’Alsace, qui évoque un seuil d’incidence de 400.

Car c’est tout le problème: si les Français veulent logiquement en finir avec les restrictions et interdictions, l’épidémie de coronavirus n’a pas disparu. Certes, la troisième vague de l’épidémie de Covid-19 semble contenue par les multiples restrictions qui touchent l’ensemble de la France. Certes, quasiment toutes les courbes sont à la baisse. Mais cette baisse est encore fragile et, surtout, plus lente que lors des précédents confinements.

“Si la baisse continue comme prévu, il faudra 8 semaines pour diviser par deux l’occupation des lits en réanimation”, explique au HuffPost Samuel Alizon, directeur de Recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses. Si la pente est lente, c’est parce que le taux de reproduction (R effectif, le nombre de personnes contaminées par un infecté en moyenne) est encore relativement élevé.

“Avec un R à 0,75, comme lors du précédent confinement, il faut deux semaines pour diviser par deux, mais aujourd’hui, nous estimons que le R est autour de 0,9”, précise le chercheur. Son équipe vient de mettre en ligne sur Twitter, en attendant une publication plus officielle, trois scénarios montrant à quoi pourrait ressembler l’évolution de l’épidémie de Covid-19 avec le déconfinement à venir, en fonction de différentes hypothèses. Quelques jours plus tôt, le 26 avril, l’Institut Pasteur publiait également plusieurs “scénarios de levée des mesures de freinage”.

Analysées conjointement, ces modélisations, qui ne sont pas des prédictions, permettent de mieux comprendre les conditions nécessaires pour que nous passions un été serein, mais aussi les risques d’une reprise épidémique après une ouverture trop importante.

Un risque de rebond

Ces différents modèles proposent de nombreuses hypothèses, certaines optimistes, d’autres franchement déprimantes. Du côté des équipes de Samuel Alizon, trois scénarios très simples et basiques ont été imaginés. “Ce qui est important, c’est le nombre moyen de contacts entre les personnes dans des situations à risque, sans masque”, explique le chercheur.

Premier scénario: les mesures de déconfinement progressives sont légères et n’augmentent pas tant que ça le taux de reproduction du virus. Dans cette situation, il faudra attendre mi-juin pour que les réas passent sous la barre des 3000 personnes, le fameux seuil de déconfinement de décembre.

Dans le deuxième scénario, les contacts augmentent un peu, de même que le R effectif, qui passe à 1,05. Étonnamment, dans cette situation, pas de vague épidémique. Logique en réalité: c’est l’effet de la vaccination, qui permet de diminuer mécaniquement le nombre de personnes contaminables. Malgré tout, les réas seront encore au-dessus du seuil de 3000 d’ici juillet. “Il faut rappeler qu’on a actuellement des déprogrammations dans les hôpitaux, difficile donc de voir dans ce scénario une bonne nouvelle”, note Samuel Alizon.

Le troisième scénario, le plus pessimiste, imagine un début de relâchement limité le 3 mai, puis “un relâchement plus prononcé le 17 mai”, avec un R effectif passant à 1,2. Cela peut sembler beaucoup, mais il faut rappeler qu’au mois d’août 2020, il était de 1,3. “Le rythme de vaccination prévu ne suffirait plus et on aurait une remontée de l’épidémie en juin et une situation critique en juillet”.

L’impact du vaccin et du variant

Du côté de l’Institut Pasteur, les scénarios des équipes de Simon Cauchemez ont exploré plus d’hypothèses, rendant les choses un peu plus compliquées à assimiler, mais plus précises. Pour résumer, les chercheurs ont créé des projections à partir de ces paramètres:

  • L’évolution du R effectif à partir du 15 mai (de 1 à 1,3, en fonction du relâchement des restrictions, avec un R effectif à 1,3 à partir de juillet, similaire à la situation de l’été dernier)
  • La contagiosité du variant anglais (V1), entre 60% et 40% plus contagieux que la souche originelle du Sars-Cov2
  • La vitesse de vaccination, entre 350.000 et 500.000 doses par jour
  • L’efficacité du confinement sur la baisse de l’épidémie

L’ensemble de ces hypothèses est ensuite résumé dans les graphiques ci-dessous. Les courbes pleines représentent les estimations principales du modèle sur la baisse à venir des hospitalisations dues aux mesures de restriction et celles en pointillés une situation où la baisse est plus faible que prévu.

Les scénarios de l'évolution de l'épidémie de Covid-19 suite au déconfinement, selon le modèle de l'Institut Pasteur

Cela fait beaucoup de scénarios difficiles à appréhender. Cela permet surtout de comprendre que si le futur de l’épidémie n’est évidemment pas prédictible, il dépend beaucoup de notre réaction en tant que société.

Même avec un variant moins contagieux que prévu, le risque de rebond épidémique existe si les mesures de freinage sont relâchées trop tôt. À l’inverse, avec un variant anglais 60% plus contagieux, seule une diminution progressive et très légère des restrictions (couplée à une vaccination importante) ouvre la voie à un été encourageant.

Des modèles imparfaits, mais très efficaces

Au global, ces scénarios permettent de voir qu’une quatrième vague n’est pas obligatoire, mais qu’elle reste clairement possible. Bien sûr, il est également envisageable que rien ne se passe comme prévu. Les limites aux modèles sont nombreuses: impact du climat sur la circulation virale, vitesse et efficacité de la vaccination, prises de risques limitées individuellement même sans restrictions officielles...

Pour autant, il faut bien se rappeler que si les scénarios se “trompent” parfois, voire souvent, les modèles, eux, sont rarement faux. Emmanuel Macron avait ainsi critiqué les modèles qui avaient prévu une explosion des cas en janvier sans confinement. Une manière de justifier sa position attentiste, qui a pourtant contraint le gouvernement à confiner tardivement, quand nos voisins commençaient tout juste à esquisser un déconfinement fragile et progressif.

“Début janvier, il y avait beaucoup d’incertitude avec le variant anglais, je peux donc comprendre qu’on puisse faire le pari qu’un couvre-feu allait suffire. Pour autant, les modèles de l’époque comparaient des scénarios soit avec un contrôle strict, soit sans aucun contrôle. Or, le couvre-feu, c’est une mesure de freinage. Il est donc logique que les modèles prévoyant une explosion si on ne faisait rien se soient révélés faux”, rappelle Samuel Alizon. “Sauf que les modèles ont été mis à jour début février, et que depuis, ça colle”, rappelle le chercheur.

C’est d’ailleurs ce qu’expliquent les chercheurs de l’Institut Pasteur dans leur notre avant de dévoiler leurs scénarios. La courbe rouge ci-dessous représente une projection: le nombre de lits en réanimation occupés dans le temps. Elle a été calculée le 8 février. Les points noirs représentent le nombre réel de lits occupés chaque jour avant que le modèle fasse ses calculs, les points blancs montrent ce qu’il s’est réellement passé.

Les hospitalisations pour Covid-19 calculées par l'Institut Pasteur le 8 février comparées à la réalité de l'épidémie

Comme on peut le voir, la réalité a suivi de près la projection, jusqu’à ce que la vague soit stoppée par les confinements mis en place, au départ dans certains départements le 21 mars, puis sur l’ensemble du territoire début avril.

Les modèles ne prédisent pas le futur. Ils permettent de comprendre ce qui risque de se passer en fonction de différentes hypothèses. “Il faut se rappeler que l’un des moments où le taux de reproduction a été le plus élevé en France depuis le déconfinement de mai 2020, c’était au moins d’août. Sauf que le niveau de circulation du virus étant très bas, la croissance exponentielle semblait faible”, rappelle Samuel Alizon. “Une épidémie est parfois contre-intuitive, c’est normal, et c’est à ça que servent les modèles: à nous aider à comprendre ce qui peut se passer”.

A voir également sur Le HuffPost: comment contrôler une épidémie, mode d’emploi