Covid-19: un an, douze mois, trois cent soixante-cinq jours… zéro certitude - BLOG

COVID-19 — Chaque jour, les chiffres s’égrènent: contaminations, incidence, R0, taux de positivité des tests, mortalité. Chaque jour, deux cents, trois cents, quatre cents morts… A-t-on encore seulement conscience de ce que ça représente, trois...

Covid-19: un an, douze mois, trois cent soixante-cinq jours… zéro certitude - BLOG

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Combien de larmes coulées? Combien d’étudiants sombrés dans la solitude et la précarité? Combien de nuits d’angoisses et d’insomnies pour des soignants épuisés, des profs malmenés, des travailleurs sociaux dépourvus de solutions?

COVID-19 — Chaque jour, les chiffres s’égrènent: contaminations, incidence, R0, taux de positivité des tests, mortalité. Chaque jour, deux cents, trois cents, quatre cents morts… A-t-on encore seulement conscience de ce que ça représente, trois cents morts par jour? Ce qui me fait peur, c’est que nous y sommes désormais habitués. Comme si leur publication était devenue anodine, insignifiante, banale, presque normale. Chaque jour, trois cents nouvelles familles déchirées, qui perdent l’un des leurs. Trois cents vies, hommes ou femmes, jeunes ou âgés, qui s’éteignent dans un dernier souffle. Trois cents duels perdus contre un virus plus fort qu’eux… Aurions-nous oublié qu’un mort est une personne, un souffle, un esprit, une histoire et non pas qu’un chiffre? Réalisons-nous seulement que ce virus a ôté la vie à 90.000 personnes en France?

Est-il seulement “normal” de s’être habitué à ce point à ces décomptes morbides? Qu’y a-t-il donc de normal aujourd’hui? On s’est habitués à ces chiffres que l’on égrène, mais qui tombent dans un océan de lassitude, de fatigue, presque d’indifférence. Le temps est devenu long, infini, anormalement répétitif. Un an. Un an, sans restaurant, sans cinéma, sans théâtre, sans culture. Un an que l’on se jauge, que l’on se juge pour savoir qui a contaminé l’autre, qui n’a pas respecté les protocoles sanitaires, qui a pu être le contaminateur de l’autre. Un an sans vie familiale, sociale ou associative, sans autre surprise que celle de l’attente inexorable d’un potentiel reconfinement, de nouvelles mesures restrictives, de mauvaises nouvelles. Un an que nous attendons des jours meilleurs, témoins impuissants d’une déferlante que l’on n’imaginait pas il y a de cela quelques mois.

Un an… Drôle de bougie, le virus ayant invité à la fête ses amis variants, déguisés en trublions d’un carnaval plus médiatique que festif.

Un an, douze mois, trois cent soixante-cinq jours… zéro certitude

Combien de larmes coulées? Combien d’étudiants sombrés dans la solitude et la précarité? Combien de nuits d’angoisses et d’insomnies pour des soignants épuisés, des profs malmenés, des travailleurs sociaux dépourvus de solutions?

Si la grande majorité des données ne sont pas encore connues, d’autres commencent à émerger. On savait que l’on avait perdu du temps dans le dépistage de certains cancers? Le chiffre est tombé cette semaine: ce ne sont pas moins de 93.000 personnes qui souffriront d’une perte de chance liée à un retard diagnostique.

On se doutait que l’impact psychologique serait majeur? Tant que la vague épidémique n’est pas terminée, difficile d’évaluer le nombre de dépressions réactionnelles, de troubles anxieux, d’idées suicidaires, de troubles addictifs en rechute. Parce que les évoquer serait faire aveu d’échec et accentuerait la morosité ambiante. Les dénombrer soulignerait le choix qui a été celui des pouvoirs publics depuis des décennies de laisser la psychiatrie en souffrance. Cet état de mal-être latent, prégnant, c’est un petit garçon de 5 ans qui s’en est fait, à ses dépens, le plus grand ambassadeur. Je l’ai vu s’effondrer en larmes lorsque j’ai annoncé à sa maman qu’elle avait le Covid. À mes mots, j’ai lu la peur dans ses yeux, des angoisses, des images d’hôpital, de mort, une crainte viscérale de se retrouver orphelin.

Un an déjà que cette crainte n’a pas d’âge, pas de sexe, pas de religion, pas de région…

Un an à devoir faire des choix, à prendre des décisions “les moins pires possibles”. À priver les grands-parents de leurs petits enfants pour les protéger au risque de les faire souffrir de solitude. Un an à taire des diagnostics, des pronostics, à soulager la détresse. Qu’elle m’a émue cette femme de 70 ans sur le point de perdre son papa! Il avait contracté le virus, à 93 ans. Elle a choisi de ne pas lui dire. Pour le protéger, elle avait choisi de ne pas prononcer le nom de celui dont on entend désormais parler matin, midi et soir. Elle lui a tu le nom de celui qui a accaparé le devant de la scène médiatique, celui qui pourra se targuer d’avoir mis à mal nos sociétés, nos modes de vie, nos certitudes. Il fait partie de ceux qui se sont éteints cette semaine, en silence, en toute discrétion, sans faire de bruit, sans autre conséquence que les larmes de ses proches et s’est ajouté au décompte quotidien des gens disparus. Je pense à elle, je pense à lui et je comprends que rien, dans cette année passée, n’aura été “normal”.

Cela a beau faire un an, je crois malgré tout que je ne m’habituerai jamais à cette anormalité. Et finalement, je me demande si cette anormalité n’existait pas bien avant le virus. Je me demande si les choses ont vraiment changé. Et plus j’y réfléchis, plus je comprends qu’en fait rien n’a changé, nous sommes revenus au chacun pour soi qui préexistait à l’épidémie, à la pressurisation inhérente au travail, aux dividendes qui prévalent sur l’intérêt individuel.

“Liberté, Égalité, Fraternité”: douces utopies gravées sur les frontons de nos mairies, grandes oubliées de la crise?  

Les files d’attente des Restos du Cœur n’auront jamais été aussi longues qu’en ce moment, et je ne pense sincèrement qu’il n’y a pas de quoi en être fier…

Les migrants continuent de mourir en mer, sans plus personne pour même l’évoquer, il n’y a, a priori, pas de quoi en être fier non plus…

L’Aide Médicale d’État continue à se faire détricoter en catimini…

Les fermetures de lits hospitaliers continuent avec des projets de “Groupes Hospitaliers Universitaires”, sortes de mastodontes visant à centraliser les expertises, détricotant encore un peu plus le maillage territorial hospitalier…

Le Conseil Scientifique a, lui, tout bonnement disparu ou presque… le politique a repris le dessus. Plus inquiétant, les extrêmes continuent à occuper les plateaux de télévision, à déblatérer leur haine, leurs clichés et leur méfiance de l’autre… Les individualités se placent: il faut commencer à placer ses pions sur un échiquier qui prépare la présidentielle à venir.

Non, finalement rien n’a changé depuis un an

Il faut donner l’illusion que tout est sous contrôle quand tout n’est que bricolage. Que l’on me traite d’oiseau de mauvais augure, nous serons vraisemblablement en retard sur le passeport vaccinal… comme nous l’avons été sur les masques et sur les vaccins. Dernière ironie en date : la désignation des étudiants en médecine pour effectuer les tests salivaires en milieu scolaire… Quelle belle façon de rester sur la ligne de crête du « en même temps » ! Pour ne pas hérisser le courroux des enseignants, solliciter des étudiants déjà débordés ! Faire une nouvelle fois, des économies en pressurisant les personnels soignants, non, rien n’a changé…

Seule lumière au tableau :  l’arrivée du vaccin, seule porte de sortie de crise actuellement disponible ! Je prêche pour ma paroisse bien sûr, mais je suis fière de commencer cette semaine à vacciner. Fière d’être médecin généraliste et de demeurer l’une des pierres angulaires du système de soins, fière de participer à cette protection collective qu’attendent tant nos patients !

Alors oui, c’est long. Vous en avez marre. Nous en avons tous marre. Fatigués. Usés. Las. Mais ayons confiance, nous finirons par sortir de cette crise. Grâce à vous tous. Grâce aux vaccins. Grâce aux masques. Grâce aux gestes barrières. Grâce à votre intelligence collective. Mais nous n’oublierons pas les failles de gestion de crise, et j’espère que nous saurons nous rebeller afin que plus jamais tant d’anormalité reste la norme.

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