Covid: le variant Delta est déjà là, pourquoi la France ne l'a pas vu plus tôt
SCIENCE - Le 10 mai, l’OMS rajoutait à sa liste des souches du coronavirus jugées préoccupantes un nouveau variant, découvert en Inde et qui sera ensuite baptisé Delta. Quelques jours plus tôt, de 1ers cas sporadiques avaient été découverts...
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SCIENCE - Le 10 mai, l’OMS rajoutait à sa liste des souches du coronavirus jugées préoccupantes un nouveau variant, découvert en Inde et qui sera ensuite baptisé Delta. Quelques jours plus tôt, de 1ers cas sporadiques avaient été découverts en France. Un mois et demi plus tard, le variant Delta représenterait quelque 10% des nouveaux cas de Covid-19, selon les dernières données de Santé publique France (SPF).
La semaine passée, le chiffre était deux fois plus faible, moins de 5%. Et avant cela, aucune donnée ne permettait de savoir que le variant Delta représentait plus d’un cas sur cent. Pourquoi? Parce que la France est clairement en retard dans la chasse aux variants, comme nous l’expliquions début mai.
Même ces chiffres récents autour du variant Delta ne peuvent pas être pris comme des certitudes. Interrogé sur ces problèmes par Le HuffPost, Santé publique France rappelle que les ambitions françaises en termes de surveillance des variants et des mutations sont toujours là et pointe du doigt, pour les retards actuels, des problèmes avec les laboratoires. Mais la réalité est plus complexe et plus déprimante que cela.
Une France borgne sur les variants
Il serait faux de dire que la France est totalement aveugle face au risque d’émergence d’un variant plus contagieux sur le territoire. Mais sa vue est loin d’être claire. Les 10% de variant Delta proviennent d’un nouveau système de “criblage” des tests positifs, qui permet de cerner certaines mutations clés, présentes sur les principaux variants inquiétants.
Mais ces nouveaux dispositifs sont très récents et remplacent un ancien système de criblage, qui permettait surtout de voir la progression des variants Alpha (anglais), Beta et Gamma (brésilien et sud-africain). Pour mieux cerner Delta, les autorités de santé ont choisi de changer totalement la politique de criblage.
Le problème, c’est que depuis début juin, aucune donnée n’était disponible. Les 4,6% de variant Delta annoncés par Santé publique France le 18 juin étaient les 1ères. “Des données statiques plus détaillées pourraient arriver d’ici la semaine prochaine”, précise Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à Santé publique France (SPF).
L’ensemble des données détaillées ne sera rendu public que “prochainement”, à une date indéterminée. Une des rares études françaises, menée par l’équipe du chercheur Samuel Alizon, à avoir tenté de cerner l’évolution de Delta en France avec ces nouveaux tests a pu le faire... en travaillant directement avec un laboratoire qui a débuté plus tôt que prévu les nouveaux criblages.
Du côté du séquençage des génomes de coronavirus, plus précis et permettant de voir tout type de variant, les retards sont encore plus criants. Dans son point hebdomadaire du 24 juin, Santé publique France partage les données de la dernière enquête “flash”, censée montrer l’état de la situation dans le pays. Sauf que celle-ci date du 11 juin. Et que la précédente a été réalisée le 25 mai. Entre les deux, le variant Delta est passé de 0,8% à 7% des cas. Pire, le criblage comme les enquêtes Flash ne sont pas représentatifs. Seuls 12% des tests positifs du 11 juin ont été séquencés. Sur la semaine du 14 au 20 juin, seuls 45,2% des tests ont été criblés.
Bruno Coignard précise qu’à partir de cette semaine, les enquêtes Flash seront réalisées toutes les semaines. Il affirme également “travailler de façon étroite avec le ministère de la Santé pour rappeler aux laboratoires que la participation aux enquêtes Flash est obligatoire, notamment lors d’une réunion avec les syndicats des laboratoires”.
Pointés du doigt, les laboratoires privés répondent
Dans le même temps, le directeur de l’Assurance maladie Thomas Fatome s’est plaint auprès des présidents de laboratoire sur le rythme du criblage. Dans un mail que Le HuffPost a pu consulter, il estime que la proportion de tests criblés n’est “pas satisfaisant” et brandit une sanction: la possible “mise en place d’un dispositif visant à imposer un malus significatif pour toute PCR positive non criblée”.
Le retard français, la faute au privé? “La participation au séquençage des enquêtes Flash n’a jamais été obligatoire jusqu’à la semaine dernière. Et tout cela n’a été précisé qu’oralement pour le moment”, répond Lionel Barrand, biologiste médical, président du Syndicat national des Jeunes Biologistes Médicaux. “Concernant le criblage, tous les fournisseurs n’ont pas les kits à disposition. Je viens par exemple de recevoir le mien alors qu’il devait m’être livré le 7 juin”.
Le docteur François Blanchecotte, président du syndicat national des Biologistes, rappelle également que le rappel à l’ordre est simplement oral, qu’il n’y a pas encore de véritable “bâton”. “Et pour le séquençage, je réclame, comme d’autres, de permettre aux laboratoires privés qui sont en capacité de réaliser du séquençage depuis des mois. L’ouverture commence à peine, avec un cahier des charges extrêmement complexe. Et cela n’aura pas lieu avant fin juillet”, déplore-t-il.
Du côté de SPF, on confirme cette date de fin juillet pour “compléter le séquençage avec d’autres plateformes”, explique Bruno Coignard. Une bonne chose à long terme, même si ce sera trop tard pour la surveillance du variant Delta. Reste surtout à voir quelle sera l’efficacité du dispositif.
Grandes ambitions, petites réalisations
Car début mai, alors que le consortium français chargé du séquençage patinait depuis des mois, l’objectif de SPF était d’avoir 10.000 génomes de coronavirus analysés par semaine, contre moins de 5000 à ce moment. Depuis, les choses n’ont pas trop changé, comme le montre ce graphique.
“Les 10.000 séquences par semaine restent une cible. Nous prévoyons toujours de rendre accessibles à tous les données du séquençage”, précise-t-il. Mais ces promesses existaient déjà début mai. Et les choses n’ont pas énormément évolué depuis. “Il y a un peu plus de données partagées aujourd’hui sur Gisaid, la plateforme internationale de séquençage, mais c’est loin d’être optimal”, précise un chercheur spécialiste de la question, qui souhaite rester anonyme.
“De plus, la surveillance génomique devrait se faire en continu, pas uniquement sur des enquêtes Flash focalisées sur une seule journée toutes les semaines. Surtout, tant que les métadonnées complètes ne sont pas accessibles, il est impossible de réaliser des analyses correctes. Or, Santé publique France n’en produit pas non plus et se contente de commenter l’évolution en pourcentage d’une année à l’autre, c’est le degré zéro de l’analyse”, déplore le scientifique.
Si l’on regarde la situation outre-Manche, la comparaison n’est pas flatteuse. Au Royaume-Uni, 60% des cas sont séquencés. En parallèle, un travail de criblage est également réalisé. Sans aucun changement de mécanisme depuis décembre 2020, avec pourtant un suivi du variant Delta très efficace.
Aujourd’hui, les autorités britanniques connaissent le variant de 80% des cas du pays. Les délais sont également plus courts. Tout cela permet de mieux cerner la transmissibilité du virus, son impact sur la population vaccinée ou non, etc. Des choses que nous ne pourrions même pas faire en France, car il est actuellement impossible de croiser les bases de données des vaccinés et des personnes testées positives. Sans même causer du type de variant à l’origine de la contamination.
Certes, le Royaume-Uni est le meilleur élève en la matière. Il est donc logique de ne pas faire aussi bien. Mais ce constat était déjà dressé il y a six mois et depuis, peu de choses ont changé. Surtout, malgré une surveillance si efficace, notre voisin se retrouve finalement submergé par le variant Delta, qui est en train de créer une nouvelle vague épidémique aux implications incertaines.
Avec un taux de vaccination plus faible et une surveillance bien plus lâche, il faut espérer que notre traçage des contacts soit extrêmement efficace pour réussir à juguler la progression du variant Delta afin de laisser le temps aux Français de se protéger en se vaccinant.
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