Covid long: quand la détresse des malades attire les charlatans

CORONAVIRUS - Des séances de “soins énergétiques”? Des massages pour sentir “l’énergie circuler” à nouveau, qui prennent en charge “la personne dans sa totalité”? Ou pourquoi pas un “régime détox”, à la manière de la star des paramédecines...

Covid long: quand la détresse des malades attire les charlatans

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

En France, environ 400.000 personnes présenteraient des symptômes du Covid long. (photo d'illustration)

CORONAVIRUS - Des séances de “soins énergétiques”? Des massages pour sentir “l’énergie circuler” à nouveau, qui prennent en charge “la personne dans sa totalité”? Ou pourquoi pas un “régime détox”, à la manière de la star des paramédecines coûteuses Gwyneth Palthrow? Tous ces traitements sont aujourd’hui proposés aux personnes souffrant de Covid long, cette affection qui continue des mois après que la maladie a été théoriquement vaincue par l’organisme. 

Depuis un an, le phénomène a pris une grande ampleur dans les pays les plus touchés par le virus: on estime aujourd’hui que 10% des malades du coronavirus seraient touchés par cette affection. En France, cela équivaut à 400.000 personnes. Nombre d’entre elles disent ne pas savoir vers qui se tourner pour espérer une guérison.

La Haute Autorité de Santé, pourtant, a établi après de longs mois de demandes de la part d’associations de patients un document destiné aux professionnels de santé confronté à des malades atteints de Covid long. Des examens approfondis sont recommandés, puis des traitements tournés vers l’amélioration des symptômes, couplés à des efforts de rééducation, notamment respiratoire. Pourquoi donc les offres de soins alternatives de la part de professionnels à la formation parfois douteuse fleurissent-elles toujours? 

Une maladie encore très mal comprise

Le problème, c’est que l’on est loin, très loin d’avoir cartographié cette maladie, une affection restée durant des mois peu étudiée en tant que telle. Aujourd’hui, les études se multiplient à travers le monde à mesure que le nombre de malades atteints de Covid long continue d’augmenter, mais aucune théorie sur l’origine de ce mal n’a pu déjà être prouvée.

“On n’a pas encore les moyens techniques de comprendre cette maladie”, résume Pauline Oustric, présidente de l’association AprèsJ20, créée par des malades du Covid long. En effet, les pistes partent encore aujourd’hui dans des directions très différentes.

Le Covid long pourrait être entraîné par une inflammation à bas niveau du cerveau (d’après une étude britannique parue en février), ou encore une réaction auto-immune de notre organisme, dont les anticorps s’attaqueraient aux cellules de notre cerveau, comme en fait l’hypothèse cet article de la revue Nature.

Mais notre matière grise n’est pas la seule mise en cause. Une étude parue dans le Clinical Medicine Journal y voit plutôt un problème du système nerveux qui ferait notamment baisser la pression du sang; pour d’autres, la responsable serait une molécule présente dans nos cellules, le nicotinamide adénine dinucléotide, dont le dysfonctionnement entraînerait toute une série de symptômes.

À cet éventail de possibilités, vient s’ajouter l’hypothèse du stress post-traumatique: une vision entièrement psychologique de la question largement minoritaire dans le monde médical, mais qui achève de démontrer que plus d’un an après la pandémie, le “pourquoi” de ce fameux Covid long reste entouré de flou. Un flou qui ne peut que désespérer les patients dont les symptômes, eux, sont bien réels.

Des symptômes par dizaines

Si l’origine de l’affection n’est pas claire, les différents symptômes, eux, ont été listés par de multiples études à travers le monde durant les six derniers mois. Ils sont extrêmement nombreux, et la maladie s’abat suivant différentes modalités sur les patients, mais certains d’entre eux sont présents quasi systématiquement. 

Dans une étude parue dans la revue The Lancet et menée sur plus de 1700 patients, 63% des malades décrivaient une fatigue généralisée, et plus de 50% présentaient un problème à la poitrine (gêne respiratoire, douleur...) lors des examens. Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg, et pour les patients, la plus facile à décrire.

Plus de 600 malades atteints de Covid-19 suivis depuis des mois par l’AP-HP ont permis de nommer une cinquantaine de symptômes différents, allant des problèmes urinaires à l’hypoacousie (perte de l’audition), en passant par les nausées ou les bouffées de chaleur. L’inventaire a de quoi faire peur, mais son existence est un grand pas en avant, car il permet de traiter les symptômes, comme l’explique Pauline Oustric: “grâce au bêtabloquants, j’ai beaucoup moins de tachycardie. Et le paracétamol m’aide contre les douleurs.”

Des patients encore trop peu pris en charge

La jeune femme présente encore de nombreux symptômes, notamment une fatigue chronique qui l’empêche de faire un effort sans être immédiatement essoufflée. Elle présente, comme les autres malades, certains symptômes très généraux, et d’autres beaucoup plus précis. Impossible donc d’espérer voir tous les symptômes rapidement détectés par un spécialiste, tant ils sont divers.

Son association réclame la mise en place de centres de prise en charge pour les personnes souffrant de Covid long: des centres pluridisciplinaires où tous les tests nécessaires seront réalisés sur place. Une proposition qui reprend la politique mise en place par les autorités sanitaires britanniques, qui dès le mois d’octobre, ont annoncé la création d’équipes réunissant de multiples spécialistes pour recevoir et tester les patients atteints de cette affection. 

Il y a certes eu des progrès en 2021: le 17 février, l’Assemblée nationale a adopté une résolution reconnaissant les personnes souffrant des symptômes prolongés du Covid-19, un acte fort, bien que symbolique. De son côté, la Haute autorité de santé a publié le guide évoqué plus haut, un geste important pour être pris au sérieux par les médecins, estime Pauline Oustric: “Mais toujours pas de centres, et toujours pas de formation spécifique mise en place pour les médecins”. Résultat, l’espoir fait défaut pour des malades souvent épuisés.

Le mal-être des patients, cible idéale

Sur le forum Doctissimo, où les témoignages s’accumulent, comme celui de cette internaute qui décrit des symptômes qui ont “transformé [sa] vie ”pour le pire, ou cette autre expliquant que malgré des sensations de brûlure à la poitrine et un essoufflement permanent, rien n’a été détecté: “je désespère, quelqu’un ici aurait-il une idée de ce qui m’arrive?” est l’ultime phrase de son message. C’est à ce moment-là qu’il est tentant de se tourner vers des réponses faciles. 

“C’est toute la question du sens que recherche le malade”, analyse Véronique Soussa, psychologue clinicienne et auteur du livre “Médecines complémentaires et alternatives: pour ou contre?”. Certains “guérisseurs” vont ainsi poser un diagnostic, englober les symptômes dans une phraséologie vague et proposer une solution dans le même temps. À l’image de ce thérapeute de Loire-Atlantique qui propose de tout régler en cinq séances, quels que soient les symptômes, les réduisant de fait à des “comportements santé” à changer.

“Les gens qui cherchent peuvent être en grande difficulté, en particulier dans le cas d’une maladie chronique”, explique Serge Guérin, Serge Guérin, sociologue et coauteur du livre. “Et psychologiquement, ça fait du bien de se dire qu’on essaie par soi-même de trouver des pistes” pour soigner sa maladie. Résultat, la tentation est grande d’essayer des traitements alternatifs que l’on aurait, en tant normal, délaissés.

“On l’a vu en bien pire avec la maladie de Lyme”, se rappelle ainsi Véronique Soussa. Complexe à diagnostiquer, cette affection aux symptômes là aussi divers reste aujourd’hui encore très difficile à soigner. La spécialiste se rappelle, à l’époque où la maladie est devenue connue du grand public, des patients “entourés de pseudosciences”. Dans le cas du Covid long, la situation est moins extrême: “On s’est entouré de médecins qui étaient sérieux” pour étudier la maladie, “et pas de parasciences”, juge-t-elle.

Les traitements alternatifs peuvent être efficaces

Praticiens sérieux ou charlatans du bien-être, c’est bien plus là que se situe la différence, plutôt que sur la question des pratiques alternatives. La Haute autorité de santé ne mentionne pas spécifiquement de spécialités, mais note le besoin de “rééducation”, de “réadaptation” et de “soutien psychologique” pour les malades: la porte ouverte à d’éventuelles prescriptions de médecine douce, si le diagnostic est avéré.  

“Seul le médecin est habilité à poser un diagnostic”, rappelle en effet Serge Guérin. Une fois seulement ce dernier posé, “la médecine complémentaire, ou alternative, a tout à fait un rôle à jouer pour soigner certaines douleurs sur le plan de la qualité de vie. Ça peut faire sacrément du bien”. Mais attention, pas question bien sûr d’arrêter pour autant son ou ses traitements. 

Un constat que partage totalement Pauline Oustric: “Je me suis laissée guider par mon médecin, qui m’a proposé des traitements comme l’acupuncture. Mais à chaque fois, les interventions visaient des symptômes précis”, et avec des professionnels reconnus. Dans la jungle des médecines douces, comment savoir si l’on fait le bon choix? Certains actes reconnus par l’État (homéopathie, ostéopathie, acupuncture...) peuvent être remboursés s’ils sont accomplis par des spécialistes conventionnés.

Mais ils sont loin de représenter la variété des pratiques disponibles: “Les hôpitaux eux-mêmes s’appuient sur des spécialités non reconnues. Je discutais hier avec un médecin de l’AP-HP qui pratique l’aromathérapie!” Pour un patient atteint de Covid long, difficile alors de juger du sérieux d’une pratique ou d’une autre, à part en faisant confiance à la recommandation de son médecin.

Il est également nécessaire de garder un œil critique sur la manière dont sont présentés certains traitements: les solutions clefs en main qui proposent un mieux-être généralisé, voire une guérison, en particulier. Certaines thérapies peuvent même engendrer des dérives sectaires, et ce guide de la Miviludes peut aider à y voir clair en cas de doute. Une chose est sûre, “il n’y a pas de solutions miracles” rappelle ainsi Pauline Oustric. Et c’est bien là toute la difficulté pour des malades qui, pour certains, sont épuisés depuis des mois. 

À voir également sur Le HuffPost: Le clip de la campagne de vaccination dévoilé par le gouvernement