“Cow”, le documentaire d’Andrea Arnold fait le portrait magnifique d’une vache

Andrea Arnold explique les vaches ainsi : “Les vaches qui paissent dans des étendues vertes. Comme un tableau pastoral, paisible, romantique. Je m’interrogeais sur la réalité de leur vie”. Cet animal qui nous est si familier et que l’on connaît...

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Andrea Arnold explique les vaches ainsi : “Les vaches qui paissent dans des étendues vertes. Comme un tableau pastoral, paisible, romantique. Je m’interrogeais sur la réalité de leur vie”. Cet animal qui nous est si familier et que l’on connaît si mal – l’humain connaît généralement mieux la texture du cadavre des vaches que les vaches elles-mêmes. Le film s’ouvre ainsi sur la plus grande tragédie quotidienne des vaches destinées à produire du lait : la séparation immédiate de la mère et son bébé après vêlage. Pas le temps de s’en remettre, il faut retourner à la traite. Face caméra, les meuglements de Luma sont déchirants. Aucun discours, aucune voix off ne vient s’ajouter aux images brutes d’un film qui s’étire dans une violence sourde et un isolement terrible.

Cow a cette sensibilité et cette grande finesse de dépasser ce qui est maintenant collectivement reconnu (excepté par quelques dingues), à savoir que les animaux ressentent la douleur, la peur, l’affection, la frustration. Le film entend dépasser cet état de fait en allant plus loin qu’une reconnaissance, en adoptant le point de vue de l’héroïne-vache : en épousant le regard d’un être dont on fait le portrait. C’est-à-dire, dont on mesure les parts d’ombre et de lumière, dont on extrait sa singularité même. Cow ne fait que demander : peut-on faire le portrait d’une vache sur 1h30 de cinéma comme on le ferait avec un être humain ?

Une ouvrière au travail

Sans pour autant feindre de pénétrer son esprit ni de lui attribuer des émotions humaines, la caméra d’Andrea Arnold, à hauteur de vache, à hauteur de garrot, de reins, de croupe, est une étude réactive du quotidien de Luma. Elle est filmée comme une ouvrière au travail, manipulée par des mains humaines sans corps, sans visage, dans sa brutalité journalière. Avec des processus de traite où résonnent, dans les entrepôts, des grands tubes pop pour détendre les vaches (quoi de plus lugubre ?) et loin du pamphlet ou du documentaire engagé, Cow suit Luma comme s’écrirait un long poème sur une vie misérable. Quand elle retrouve les prés, pour un instant, elle est absolument sublime.

Une créature de cinéma

Luma est une créature de cinéma, coincée dans un hangar au métal froid. Toute cette horreur admise par une majorité de la population (ou dans un déni résultant de plusieurs décennies de lobbying en faveur des produits laitiers) est ici cinématographiquement intelligible : c’est par les mouvements et les courbes de Luma, par les horizons bouchés, par les lumières de lune qui éclairent l’oeil des vaches, après Red Road, Fish Tank ou Les Hauts de Hurlevent, qu’André Arnold dessine une nouvelle grande figure féminine de cinéma.