“Crock of Gold”, un dernier verre pour la route avec Shane MacGowan de The Pogues

“I’ve got a really good constitution.” Nous sommes en 2012 et Shane MacGowan, saoul, rencarde un journaliste australien venu lui demander, un brin goguenard, s’il lui arrive de se soucier de sa santé. La même année, ce bon vieux Shane monte...

“Crock of Gold”, un dernier verre pour la route avec Shane MacGowan de The Pogues

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“I’ve got a really good constitution.” Nous sommes en 2012 et Shane MacGowan, saoul, rencarde un journaliste australien venu lui demander, un brin goguenard, s’il lui arrive de se soucier de sa santé. La même année, ce bon vieux Shane monte sur la scène de l’Olympia, clope au bec et la dégaine pliée en deux d’un vétéran de la guerre, pour l’un des derniers concerts des Pogues. Un souvenir tenace.

De l’alcool, il en sera beaucoup question dans le nouveau film de Julien Temple (déjà aux manettes d’un certains nombre de documentaires, dont l’incontournable L’Obscénité et la fureur : la véritable histoire des Sex Pistols), consacré à ce personnage culte et édentée de la scène punk londonienne qu’est Shane MacGowan.

Tiocfaidh ár lá (Notre jour viendra)

Le tour de force réalisé par Temple aura d’ailleurs été de réussir à convaincre cette vieille canaille irlandaise de répondre aux questions de divers intervenants (Bobby Gillespie dans une scène hilarante que l’on croirait piquée au Coffee and Cigarettes de Jarmusch, sa femme Victoria Mary Clarke, ou encore Johnny Depp, également co-producteur du film) et de mobiliser un nombre impressionnant d’images d’archive, d’extraits de films et de séquences animées, notamment celles signées Ralph Steadman, fidèle compagnon de route d’un certain Hunter S. Thompson, au service d’un récit retraçant l’itinéraire d’un Paddy en quête d’un retour à sa terre.

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Un verre de pif à la main, Shane apparaît à l’écran amoindri et maugréant, laissant parfois échapper un rire glaçant aux allures de grognement de flûte irlandaise éraillée. Des souvenirs édéniques d’une enfance passée dans la ferme familiale du comté de Tipperary à ses 1ères pintes de Guinness dès l’âge de 6 ans (“Si vous leur donnez assez quand ils sont jeunes, ils n’abuseront pas plus tard”, avaient l’habitude de dire les vieux du village), Temple tire les instants les plus poignants, chaque anecdote étant entrecoupée d’un plan sur le regard mélancolique de MacGowan.

Embrasse mon cul

Son arrivée à Londres avant l’âge de 10 ans est une autre paire de manches, ce bon vieux Shane refusant d’en discuter avec Bobby Gillespie. “Ok, de quoi veux-tu causer, alors ?” lâche le leader de Primal Scream, avec le flegme qu’on lui connaît. Le recours aux vieilles entrevues d’ivrogne glanées par Temple devient à nouveau indispensable. Au programme : bastons, discriminations, hôpital psychiatrique, jusqu’à ce jour glorieux où il se rend à un concert des Sex Pistols. De vieilles images témoignent de sa présence au 1er rang. C’est le moment où, après une énième dépression, il retrouve foi en Dieu.

Après un passage par la case fanzine (il monte le titre Bondage) et la création du groupe punk The Nipple Erectors (aux côtés de Shanne Bradley), il finit par fonder The Pogues, d’abord baptisé Pogue Mahone, soit “embrasse mon cul” en irlandais. Là encore, Temple réussit à montrer comment Shane MacGowan, romantique éperdu, cristallise encore et toujours les instants fondateurs de sa vie. Ses racines irlandaises et le punk (Shane rejette l’après-punk et les tendances new wave) se retrouvent exaltés dans ce projet musical qui fera de lui une star, jusqu’à ce que le rythme soutenu des tournées, l’alcool et la drogue ne fassent voler en éclat le groupe, qui n’en peut plus des jérémiades d’un MacGowan en perdition, dégouté de ce qu’est devenue sa musique.

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La République

Outre le portrait d’un type sans ratiche, Julien Temple trace les grandes lignes du conflit opposant la couronne britannique à l’Irlande, à travers le regard vitreux de Shane, qui révèle à la fin regretter de ne pas s’être engagé dans l’IRA, (l’Armée républicaine irlandaise), au lieu de jouer au punk erratique. A ce titre, la rencontre au début du film avec Gerry Adams, ancien président nord-irlandais de Sinn Féin (parti politique prônant la réunification des deux Irlande), restera l’un des moments forts du film de Temple. Notamment parce qu’il y est question des racines celtiques de Shane MacGowan et d’un souvenir traumatisant, dont on ne dévoilera rien ici, qui le poussera à écrire le morceau The Dune pour Ronnie Drew, fondateur des Dubliners.

Hasard du calendrier, les éditions de L’échappée publient ces jours-ci Confessions d’un rebelle irlandais, autobiographique de l’iconique Brendan Behan, écrivain taulard, grand soifard devant l’éternel et role model pour Shane et toute une génération de rockeurs irlandais à la recherche d’un pot rempli d’or, ce trésor métaphorique.

Crock of Gold : A Few Rounds with Shane MacGowan de Julien Temple (Nitrate Film/Infinitm Nihili)