Cuba, l'équation impossible

CUBA - La crise Covid a créé de nombreux soubresauts sociaux en Amérique latine. Mais bien que Cuba, la “Mayor des las Antillas”, située à moins de 300 kilomètres des États-Unis, vit depuis plusieurs jours des manifestations historiques, il...

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WASHINGTON, DC - 18 JUILLET : Un manifestant se rassemble avec d'autres personnes en solidarité avec les protestations à Cuba devant la Maison Blanche le 18 juillet 2021. Les protestations interviennent dans le cadre des manifestations à Cuba concernant le manque de nourriture, le rythme des vaccinations Covid-19 et le gouvernement. (Photo par Stefani Reynolds/Getty Images)

CUBA - La crise Covid a créé de nombreux soubresauts sociaux en Amérique latine. Mais bien que Cuba, la “Mayor des las Antillas”, située à moins de 300 kilomètres des États-Unis, vit depuis plusieurs jours des manifestations historiques, il serait illusoire de se limiter à cette seule lecture simpliste. Bienvenue dans un pays où tous les ingrédients d’une crise sociale et économique explosive convergent depuis déjà bien longtemps.

À commencer par le facteur le plus ancien: sa relation conflictuelle avec les États-Unis et un embargo imposé depuis 1962 malgré la condamnation régulière et quasi unanime de la communauté internationale aux Nations-Unies. À cette asphyxie économique historique s’ajoute le durcissement toujours en vigueur de ce blocus par Donald Trump avec de graves conséquences, dont la paralysie des investissements étrangers, ou encore la chute de plus de 70% des touristes étatsuniens avec la fermeture des croisières et la suspension des vols vers plusieurs régions du pays. On le voit, l’économie ne peut plus compter sur ce relais de croissance ni sur le dollar pour importer ses produits essentiels. Rapidement les pénuries déjà bien connues de la population cubaine se sont aggravées et généralisées sans que le gouvernement n’ait la moindre marge de manœuvre économique.

L’histoire

Historiquement, Cuba est toujours parvenu à trouver un relais géopolitique lui permettant de survivre. Mais la Russie d’aujourd’hui n’est pas l’URSS d’hier, la Chine n’a pas le même intérêt que son ancien frère communiste à Cuba et le voisin bolivarien est plus préoccupé par sa propre survie qu’à celle de Cuba. L’île de José Martí se retrouve seule, sans appui de poids.

Plus récemment, avec la mort de Fidel Castro en 2016 puis la retraite politique de son frère Raul en avril 2021, le régime castriste perd ses figures tutélaires. Leur aura incontestable était le ciment du système cubain. Certes, ils étaient critiqués, mais les Cubains nourrissaient un profond respect pour ceux qui, armes à la main ont défait une dictature puis résisté aux États-Unis. La pierre angulaire de ce système n’existant plus, un vide politique s’est créé, et face à lui, une nouvelle génération, connectée, avide de nouvelles perspectives. Bien conscient de ce paramètre, Raul Castro est exceptionnellement sorti de sa retraite pour appuyer un gouvernement fragilisé par son manque de légitimité révolutionnaire.

Mais le manque de légitimité des successeurs des Castro n’est pas l’étincelle d’une jeunesse qui aurait subitement profité de cette faiblesse politique. Non, le brasier était déjà là, sous les pieds du nouveau président cubain Miguel Diaz Canel, lorsque poursuivant les réformes économiques entreprises par Raul Castro, celui-ci n’a pas vu que la société n’était plus la même. La libéralisation de l’économie a provoqué une rupture du pacte social pourtant essentiel dans l’imaginaire cubain. Les inégalités jadis très faibles se sont subitement creusées. Il n’a pas vu non plus que sa politique d’unification du système monétaire aggraverait davantage ces inégalités et que son succès ne dépendait que d’un seul facteur: la disponibilité de liquidités en dollars. Un risque dont Cuba paye aujourd’hui les conséquences. Sans tourisme, sans investissement et donc sans dollars, l’économie tourne à vide et l’inflation ne cesse de grimper.

Le Covid

La crise Covid n’aura fait que raviver les braises encore chaudes de cette fragilité sociale et économique. Le malaise économique et social est donc bien plus profond qu’une réelle volonté de transformation politique dont aucune alternative au régime castriste n’a d’ailleurs été prévue ni pensée.

Face aux récents évènements, le président cubain Miguel Diaz Canel a reconnu à la télévision, les difficultés auxquelles fait fasse la population, mais tout en appelant les défenseurs de la révolution au combat dans les rues. Cet appel à la confrontation reflète le peu de marge de manœuvre du gouvernement et puise dans le réflexe démodé de défense de la révolution. La situation devrait s’apaiser dans les prochains jours avec l’annonce de nouvelles mesures gouvernementales.

Mais avançons-nous vers un point de non-retour sur l’île? Nombreux sont ceux dans les rues de La Havane a comparer cette période a celle du “periodo especial” des années 90’ suite à la chute de l’URSS. Si des changements doivent avoir lieu, ils doivent se faire dans l’apaisement, le dialogue, le respect des droits humains. La répression n’aura pour seule conséquence que celle de la division, ce que cherchent d’ailleurs de nombreux représentants de la droite dure aux États-Unis et en Amérique latine, non sans intérêts économiques et financiers. Le choix de la brutalité ne fera que remettre en cause les avancées de ces dernières années sur le plan commercial et de la coopération internationale permises par une politique d’ouverture d’Obama mutuellement bénéfique.

Chaque société évolue, les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque jeune génération est dans le droit de rêver, de penser et d’avancer différemment. Des jeunes qui depuis peu observent, s’inspirent et côtoient le monde via internet. Ils aspirent eux aussi à des lendemains meilleurs. Une révolution est l’action réelle de changement, la concrétisation légitime des espérances, mais parfois l’intouchable dogme –quel qu’il soit -, finit par étouffer les talents et les espoirs propres des débuts.

À voir également sur Le HuffPost: À Cuba, le gouvernement veut “défendre la révolution coûte que coûte” face aux manifestants