Damien Bonnard : “Être sexy n’est pas un truc que je travaille”

Quel est ton critère du sexy ? Est sexy ce qui provoque un bouleversement. Quelque chose de l’ordre du mystère, de l’apparition, de l’éphémère. Quelque chose évoqué plus que montré. Frôler plutôt que toucher. Ce qui m’émeut, c’est la singularité d’un...

Damien Bonnard : “Être sexy n’est pas un truc que je travaille”

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Quel est ton critère du sexy ?

Est sexy ce qui provoque un bouleversement. Quelque chose de l’ordre du mystère, de l’apparition, de l’éphémère. Quelque chose évoqué plus que montré. Frôler plutôt que toucher. Ce qui m’émeut, c’est la singularité d’un corps, sa façon particulière de se mouvoir. Est sexy ce qui transforme le moment. Le sexy, c’est toujours un transport.

Fais-tu des rêves érotiques ?

Ça m’arrive. Mais pas tant que ça. De toute façon, je ne me souviens pas tellement de mes rêves. Pourtant, à côté de mon lit, il y a toujours un carnet et un crayon pour que je puisse les noter. Mais je ne le fais pas régulièrement. J’aimerais tellement être aussi fort que Fellini qui, systématiquement, les dessinait. Et a réussi à construire son art sur ses rêves.

Les pensées érotiques occupent-elles beaucoup de place dans ta vie psychique ?

Elles sont noyées dans un travail global de l’imagination qui me fait construire en permanence des petits scénarios fantasmatiques, mais pas forcément érotiques, dès que je croise quelqu’un, un visage, un regard… un lieu. Je plonge dans le songe, j’imagine, fantasme des vies, des histoires.

Qu’est-ce qui stimule tes sens ?

Au Canada, je suis tombé amoureux d’un arbre, le peuplier baumier. Nous n’en avons pas en Europe. Ses feuilles sont enduites d’une huile très grasse et très odorante. Cette odeur me rendait fou. Je passais mon temps à arracher des feuilles pour les stocker dans mes poches et les sentir toute la journée. Cette odeur me donnait des sensations identiques à une étreinte amoureuse ou à un baiser. C’était comme un shoot. Ça me comblait.

Quels ont été tes modèles en matière de séduction masculine ?

Ado, je m’identifiais à Brandon dans Beverly Hills. Au Prince de Bel-Air, également. Ils me plaisaient, ainsi que beaucoup de filles. Mais bon, en vrai, je n’avais pas grand-chose à voir avec ces gars. [rires] Au collège, j’étais dans une compétition perdue d’avance, les filles étaient toutes amoureuses de Patrick Swayze dans Dirty Dancing et Johnny Depp dans 21 Jump Street.

Être sexy, est-ce ton souci ?

Je cherche plutôt à être à l’aise avec moi-même. M’aimer un peu me suffit. Être sexy n’est pas un truc que je travaille. Je ne saurais même pas ce qu’il faut faire.

Une découverte que tu as faite dans le sexe ?

La différence que cela procure d’avoir des rapports sexuels la nuit ou le jour. La nuit, tu te sens caché, le jour, tu découvres davantage l’autre… J’aime les deux, mais ça n’a rien à voir. Ça transforme, ça enrichit le rapport. Longtemps, j’ai été flippé par les rapports sexuels. Mon frère a été transfusé à partir d’une poche de sang provenant d’une armoire qui contenait du sang contaminé. Sa poche ne l’était pas mais, dès ses 10 ans, il faisait des tests pour détecter le virus du sida. Ça m’a traumatisé. À mes débuts dans la sexualité, j’avais peur, même protégé par un préservatif. Puis j’ai fait des progrès. Je me sens toujours en work in progress. Mais je me protège toujours.

Dans Le Processus de paix, ton personnage dit qu’il se réjouit que son fils et sa fille entrent dans un monde où les rapports hommes-femmes seront plus égalitaires. Est-ce ton cas ?

Je me réjouis de ce point de vue, oui. Mais c’est pris dans un ensemble tellement merdique – les violences et injustices sociales, le désastre climatique, la faillite politique –, alors j’ai un peu de mal à me réjouir totalement. On avance quand même dans un monde de plus en plus violent qui nous éloigne de la beauté, de vies heureuses. Récemment, j’ai lu la Correspondance d’Albert Camus et Maria Casarès. Nos SMS sont ridicules par rapport à leurs échanges. Camus pouvait garder toute une journée une lettre de Casarès dans sa poche pour imaginer ce qu’elle pouvait contenir. La profondeur et la beauté de leurs échanges sont inouïes… bien loin de notre rapport au désir, à l’érotisme, à l’amour aujourd’hui, parfois et souvent bien trop narcissique, et brutal. Voilà. C’est fini ?

Oui…

Alors je voudrais faire une dédicace spéciale à Sade…

La chanteuse ?

Oui… Merci Sade.