Dans sa procédure, Parcoursup abandonne les candidats à la réorientation - BLOG

PARCOURSUP - Rares sont les statistiques permettant de saisir l’ampleur et le profil des étudiants en réorientation au sein des filières de l’enseignement supérieur. Pourtant, les flux des candidats souhaitant changer de formation sont loin...

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Le cas des candidats en réorientation révèle ainsi les dysfonctionnements de la plateforme et du nouveau système d’affectation qui a été pensé pour trier les bacheliers sur la base de l’anticipation de leurs chances de réussite dans les formations selon une logique adéquationniste.

PARCOURSUP - Rares sont les statistiques permettant de saisir l’ampleur et le profil des étudiants en réorientation au sein des filières de l’enseignement supérieur. Pourtant, les flux des candidats souhaitant changer de formation sont loin d’être négligeables, ils grossissent chaque année au point d’être devenus “un phénomène de masse, qui affecte tous les types d’étudiants, quel que soit leur profil scolaire, quelle que soit leur filière de formation” comme le pointe le rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR).

Malgré l’ampleur du phénomène, ces candidatures à la réorientation constituent un impensé et une faille de la procédure Parcoursup, mise en place en 2018, les critiques se concentrant sur certains critères de classement, tels que le lycée d’origine.

Avant et après Parcoursup

Avant de rendre compte de la pénalité que subissent les candidats à la réorientation dans les classements Parcoursup, un rappel sur le traitement de leurs candidatures avant cela est utile. Avant 2017, un quota limité de places leur était réservé et leur dossier faisait l’objet d’un examen qualitatif à l’entrée de chaque formation. À compter de janvier 2017, il est annoncé que leurs candidatures seraient désormais considérées comme celles des nouveaux bacheliers. Outre le nombre croissant de néo-bacheliers, cette modification de la procédure d’affectation a participé à saturer la précédente plateforme APB (Admission Post Bac), exacerbant ainsi les critiques à son encontre sur le tirage au sort à l’entrée des formations dites sous-tensions. C’est dans ce cadre que la nouvelle plateforme Parcoursup voit le jour et impose aux formations (y compris celles qui n’étaient pas sélectives comme les licences universitaires) d’examiner et de classer l’ensemble des dossiers des néo-bacheliers, des candidats en réorientations ou de ceux en reprise d’études. Pour ce faire, elles ont à leur disposition un logiciel d’aide à la décision ou un tableur leur permettant d’automatiser (partiellement ou en totalité) le traitement des candidatures.

L’analyse de la position des candidats en réorientation dans les classements Parcoursup des différentes formations de l’enseignement supérieur (comparativement à celle des néo-bacheliers) permet de pointer (au-delà du seul cas des réorientés) les limites d’un système, présenté à tort comme juste, humain et méritocratique.

D’après le bilan de la Cour des comptes, le MESRI compare et calcule “la performance d’affectation d’APB et de Parcoursup uniquement sur la part de propositions acceptées par les néo-bacheliers en classe de terminale […] Comme [les autres candidats] ne sont pas pris en compte [cette] mesure […] conduit à une surévaluation importante de la performance globale du service public d’accès à l’enseignement supérieur, les néo-bacheliers présentant un taux d’affectation largement supérieur aux autres catégories de candidats” (2020, p. 48). Oublier les réorientés dans les statistiques contribue donc à dissimuler certaines failles du système, explicitées ci-après.

Des recherches récentes montrent que la pénalité que connaissent les candidats en réorientation dans les classements Parcoursup persiste à autres caractéristiques scolaires contrôlées. Quand on compare les candidatures de même type de baccalauréat et de même mention, celles en réorientation sont moins bien classées que celles des nouveaux bacheliers. Dans l’une des universités franciliennes enquêtées, l’écart moyen entre ces deux profils est de 584 places, loin d’être marginal donc. Cette pénalité ne se justifie pas au regard de leurs chances de réussite. En effet, toutes les analyses menées auprès de ce public soulignent à quel point les bifurcations opérées dans l’enseignement supérieur offrent à des étudiants en apparence peu dotés scolairement et socialement (bacheliers technologiques ou professionnels, sans mention ou boursiers) un nouvel élan dans l’enseignement supérieur. Pour s’en convaincre, dans l’université précitée, les bacheliers sans mention ayant connu une réorientation ont un taux de passage dans le niveau supérieur plus élevé de 6 points que les autres étudiants aux parcours linéaires. Autrement dit, ils réussissent mieux.

Pourquoi alors les candidats en réorientation sont-ils pénalisés dans les classements Parcoursup?

Cela tient, à la fois, au fonctionnement du nouveau système et aux représentations négatives affectant les parcours non linéaires propres au système scolaire français. Explicitons le fonctionnement de la plateforme et le traitement des dossiers.

Au regard du nombre de candidatures reçues, les commissions d’examen des vœux dans l’enseignement supérieur ne sont pas en mesure d’étudier au cas par cas tous les dossiers. Un logiciel est donc utilisé pour les traiter. Le principe (inspiré des méthodes de scoring utilisées dans les assurances) repose sur le calcul d’un score synthétique à partir des notes de lycée, l’objectif étant d’ordonner les candidats selon leurs chances de réussite dans le cursus d’après leurs performances scolaires dans le secondaire. En plus de ces notes, les commissions d’examen des vœux disposent de rubriques remplies par les équipes pédagogiques du lycée, comme l’autonomie et la capacité à s’investir.

Le logiciel d’aide à la décision permet aux commissions qui le souhaitent de transformer ces informations en notes qui, combinées aux moyennes de terminale et 1ère, permettent d’affiner le score pour chaque candidat. En l’absence de lycée de rattachement, ces rubriques ne sont pas renseignées, c’est le cas des candidats en réorientation. Ils échappent alors aux tris automatisés. Seule une lecture au cas par cas des dossiers (rarement envisageable au regard du nombre de candidatures) offre la possibilité de les intercaler dans les listes construites par l’algorithme. En plus des informations manquantes de la fiche avenir, les réorientés, comme d’autres types de candidats, peinent à entrer dans les cases des fichiers ou à se laisser standardiser.

Citons le cas de Guillaume, qui de nationalité française a poursuivi toute sa scolarité secondaire en Angleterre, et a fait part à la formation à laquelle il a postulé des difficultés à utiliser les formulaires proposés, les champs n’étant pas adaptés au système scolaire britannique. Si les réorientés ne bénéficient pas de la même attention, évoquons malgré tout le cas médiatique de cet étudiant “diagnostiqué HPI (haut potentiel intellectuel)” recalé de Parcoursup sous prétexte qu’il avait sauté la classe de 1ère (ce qui a empêché l’algorithme de tourner). Pour les réorientés comme pour ce type de candidats, les notes du secondaire ne sont pas remontées automatiquement par les établissements et sont donc peu considérées par les commissions. En outre, les compétences acquises (savoir-être et savoir-faire assimilés depuis le bac) par les étudiants en réorientation durant leur(s) année(s) de transition sont largement invisibilisées, celles-ci ne rentrant pas non plus dans les cases.

Le cas des candidats en réorientation révèle ainsi les dysfonctionnements de la plateforme et du nouveau système d’affectation qui a été pensé pour trier les bacheliers sur la base de l’anticipation de leurs chances de réussite dans les formations selon une logique adéquationniste. D’après Romuald Bodin et Sophie Orange, le principe sur lequel se fonde Parcoursup “vise à prédire le futur en se fondant sur le passé [scolaire] d’un individu, qui plus est réduit à quelques indicateurs composites” (2019, p. 217). À moins d’accepter un service public de l’enseignement supérieur, qui soumet les jeunes à la logique assurantielle du scoring -insuffisante à saisir la richesse des trajectoires et l’enrichissement que les étudiants tirent de leur passage dans l’enseignement supérieur -, il y a urgence à repenser en entier notre système d’affectation.

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