Deauville 2021 : dans la peau de personnages marginalisés

Inaugurée deux jours après son homologue vénitien, la 47e édition du festival du cinéma américain de Deauville a débuté vendredi 3 septembre avec la projection de Stillwater de Tom McCarthy. Si ce crossover entre Matt Damon et Marseille est...

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Inaugurée deux jours après son homologue vénitien, la 47e édition du festival du cinéma américain de Deauville a débuté vendredi 3 septembre avec la projection de Stillwater de Tom McCarthy. Si ce crossover entre Matt Damon et Marseille est une 1ère déception dont nous vous parlions déjà au moment de sa projection en hors compétition à Cannes, le film a eu le mérite d’être l’initiateur des deux grandes lignes de force thématiques qui se dégagent nettement des films projetés pendant cette 1ère partie de festival. Se dessine en effet, la persistance de portraits de personnages marginalisés (Pleasure, Blue Bayou, We are living things, Une femme du monde, The Card Counter) auquel s’ajoute souvent l’obstacle d’un deuil douloureux à affronter (Stillwater, Pig, La Proie d’une ombre).

La 1ère grande réussite du festival se nomme Blue Bayou de Justin Chon, déjà passé par la section Un certain regard du festival de Cannes en juillet dernier. Ce mélodrame sur une famille recomposée devant faire face à l’expulsion du père de famille impressionne par l’intensité de sa mise en scène. Bien qu’à certains moments un peu outrancière, celle-ci, d’une incroyable organicité, rappelle la sidération provoquée par les 1ers films de Dolan, un autre grand esthète du mélodrame. En atteste le torrent de larmes que déclenche la dernière scène du film.

Patriarcat

Le lendemain, tous les regards étaient tournés vers Pleasure, plongée acerbe et emphatique dans l’industrie pornographique à Los Angeles. Fruit d’une enquête dans l’industrie du X par sa réalisatrice Ninja Thyberg, Pleasure dresse une étude clinique sur les coulisses du milieu, en même temps que le récit d’apprentissage de son héroïne.

La grande intelligence du film est de déconstruire les lieux communs, de détourner avec malice les poncifs psychologisants sur la profession, tout en exposant les dérives d’un système patriarcal où dire non à une pratique sexuelle vous exclut immédiatement de la meute. À ce que l’on entend dans les couloirs, c’est le film qui a déclenché la réception la plus unanime à ce jour.

Top chef

L’autre grande attente de ce 1er acte du festival se tournait vers Pig avec Nicolas Cage en chasseur de truffes se mettant à la recherche de sa truie kidnappée (?!). Un synopsis wtf et donc forcément intriguant lorsque que l’on sait que l’acteur américain prête ses traits au personnage principal. Curieusement, le film s’écarte assez vite du revenge-movie ultra violent attendu (genre auquel la filmographie de Cage loue une farouche fidélité depuis quelques années) pour dérouler un récit sur le deuil et de la manière dont on peut restituer la présence des êtres perdus.

Passé l’étonnement de la douceur de ton adopté, le film manque cruellement de relief et enfile plusieurs stéréotypes sur le milieu (une scène de cuisine ultra stylisée sur un air de musique classique digne d’un épisode de Top Chef, mais également une discours un peu stérile qui oppose la nouvelle cuisine d’auteur chichiteuse face à la bonne bouffe du terroir authentique dont le personnage de Cage est un fervent défenseur). Le film vaut surtout pour la performance de Cage que l’on n’avait pas vu depuis longtemps aussi fragile et délicat. L’acteur livre une sorte de synthèse des âmes perdues en quête de rédemption d’À tombeau ouvert de Scorsese et du Bad Lieutenant d’Herzog.

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La rédemption, c’est également le grand sujet de The Card Counter, le nouveau film de Paul Schrader présenté dans la section “Premières”. Tout sauf une surprise de la part du scénariste de Taxi Driver et de l’excellent First Reformed qui poursuit cette thématique qui lui est chère, dans une nouvelle variation autour d’un héros en quête de rachat.

Moins éblouissant que son précédent film mais tout de même très réussi, le cinéaste américain livre un film d’une grande maîtrise sur le monde aseptisé et sans sommeil des casinos et mêle l’ultra violence à un grande douceur. Le trio constitué par Oscar Isaac, Tye Sheridan et Tiffany Haddish est particulièrement émouvant.

Côté productions françaises

On retiendra également en compétition, La Proie d’une ombre, film d’horreur impeccable de David Bruckner qui place son auteur parmi les signatures les plus prometteuses du nouveau cinéma d’horreur américain auprès d’Ari Aster et Robert Eggers. Le jeune cinéaste sera d’ailleurs en charge de la réalisation d’un reboot de la franchise Hellraiser, prévu prochainement.

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Cette année, le festival offre une place aux productions françaises grâce à une nouvelle section intitulée “Fenêtre sur le cinéma français”, on retrouve deux propositions de cinéma aux antipodes. Le 1er, Ogre, la nouvelle production portée par le producteur Manuel Chiche avec sa société The Jokers marque le regain d’intérêt du cinéma français pour le genre, mais ne reproduit malheureusement pas les très belles réussites que furent les deux précédentes propositions du studio (La Nuée et Teddy). C’est l’alliage savamment trouvé par ses deux films entre peinture sociale et exploration du film de genre, qu’Ogre ne parvient pas à tisser. Autant sur la description d’un petit village de campagne reclus (qui pouvait laisser présager une métaphore de l’affaire Grégory, mais dont le film ne fera rien) que l’écriture du fantastique, le film échoue sur les deux tableaux à cause d’une mise en scène peu inspirée et d’une écriture fonctionnelle.

D’un tout autre côté du spectre cinématographique, celui d’un certain naturalisme, Une femme du monde, livre le portrait d’une mère prostituée et prouve à quel point son actrice principale, Laure Calamy est tout aussi passionnante lorsqu’elle délaisse sa présence burlesque pour une composition plus dramatique (tout en préservant une trace de la géniale folie qui habitait ses précédents rôles).

Dans les prochains jours, on attendra avec impatience le film de confinement tourné par Christophe Honoré dans les coulisses de sa mise en scène de Le côté de Guermantes d’après Proust à La Comédie-Française et la plongée paranoïaque dans le Hollywood post-Weinstein du petit génie comique Jim Cummings, révélé par Thunder Road, ici même à Deauville en 2018.