Déconfinement: l'aération sera-t-elle le nerf de la guerre?
CORONAVIRUS - Aérer pour mieux déconfiner. Emmanuel Macron réunit ce jeudi 15 avril en début de soirée une partie du gouvernement pour réfléchir aux modalités d’une réouverture progressive attendue par tous. Et l’attention du gouvernement pourrait...
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CORONAVIRUS - Aérer pour mieux déconfiner. Emmanuel Macron réunit ce jeudi 15 avril en début de soirée une partie du gouvernement pour réfléchir aux modalités d’une réouverture progressive attendue par tous. Et l’attention du gouvernement pourrait se porter sur la question de l’aération des espaces clos, essentielle pour lutter contre la propagation du Covid-19, mais encore sous-exploitée.
Dans un éditorial publié le 7 avril par la revue médicale britannique BMJ, quatre experts d’universités du monde entier appelaient ainsi à “mettre l’accent sur la ventilation” en particulier dans les centres de soins, les lieux de travail et les écoles car “les plus petites particules (exhalées par les personnes infectées, NDLR) peuvent rester en suspension dans l’air pendant des heures et représentent une voie importante de transmission”.
“On est bien plus susceptible d’être infecté dans une pièce dont les fenêtres ne peuvent pas s’ouvrir ou qui ne dispose pas d’un système de ventilation”, c’est-à-dire de renouvellement de l’air, rappellent ces quatre spécialistes des virus et de la circulation de l’air.
Vérifier le risque d’infection grâce au CO2
On le sait, à l’extérieur, les risques de contamination par le Sars-Cov2 sont moindres. Ce n’est pas le cas dans les espaces clos, et c’est la raison pour laquelle salles de spectacles, cinémas ou salles de sport sont fermés depuis de longs mois maintenant.
Pour envisager leur réouverture, comme s’apprête à le faire le gouvernement, tout l’enjeu est donc de savoir dans quelles proportions le virus y circule, afin de définir un protocole adapté. Ce qui, selon une étude de l’université du Colorado parue le 7 avril, pourrait facilement être fait en analysant le taux de CO2 présent dans une pièce.
Dans cette étude, les chercheurs ont créé un modèle mathématique permettant d’analyser comment une personne infectée exhale des virus et du CO2, comment d’autres personnes présentes dans la pièce inhalent et expirent, et comment les virus et les gaz s’accumulent dans l’air d’une pièce ou sont au contraire éliminés par ventilation.
Les résultats sont sans appel: “peu importe l’espace que vous partagez, s’il y a moins de CO2, il y a moins de risque de contamination”, explique Jose-Luis Jimenez, co-auteur de l’étude.
Attention, il n’est pas question ici de dire que la présence du CO2 entraîne davantage de risques de contamination. Seulement, si, par manque d’aération, une pièce est surchargée en CO2, elle a d’autant plus de chance d’être également surchargée en particules virales si une personne infectée (par exemple asymptomatique et qui ignore son infection) s’y trouve ou y est passée.
Les scientifiques prennent ainsi l’exemple d’une salle de sport, où le niveau de CO2 diminue de 2800 à 1000 PPM (partie par million, la mesure utilisée pour calculer le taux de pollution dans l’air): dans cette situation, le risque d’être infecté par le Sars-COV2 diminue d’un quart.
Les auteurs de l’étude mettent cependant en garde sur un biais: en fonction de l’activité pratiquée dans la pièce, le ratio peut augmenter ou baisser. Dans une salle des spectacles où le public rit, crie ou discute, les risques seront toujours plus élevés que dans une librairie où tout le monde est silencieux et porte un masque.
N’oubliez pas d’ouvrir vos fenêtres
Pour évacuer le CO2 et le Sars-COV2 par la même occasion, le 1er réflexe à avoir est donc d’ouvrir les fenêtres le plus souvent possible. Cela serait même plus utile que de se focaliser sur le nettoyage des surfaces, où le risque de contamination apparaît de plus en plus faible, bien qu’existant, comme le soulignait dès janvier la revue Nature.
Une directive que l’on retrouve aussi dans le protocole sanitaire du ministère de l’Éducation nationale mis à jour le 1er février, qui annonce une “aération renforcée” dans les espaces communs. “L’aération des locaux est la plus fréquente possible. Les salles de classe ainsi que tous les autres locaux occupés pendant la journée sont aérés au moins 15 minutes le matin avant l’arrivée des élèves, pendant les intercours, pendant chaque récréation, au moment du déjeuner (en l’absence de personnes) et pendant le nettoyage des locaux. Une aération de quelques minutes doit également avoir lieu toutes les heures”, est-il précisé.
Voilà pour la consigne, assez claire. Mais dans les faits? Alors que les températures remontent doucement, il semble de plus en plus facile de s’y conformer. Sur le papier.
Pour de nombreux syndicats enseignants, la réalité du terrain est bien moins évidente. Interrogée par Le HuffPost, la secrétaire générale Sgen-CFDT regrette qu’au-delà de la consigne, rien n’a vraiment été fait pour favoriser l’aération. “Cela fait un an que l’on soulève la question” de la rénovation des fenêtres dans les salles qui n’en disposent pas, détaille Catherine Nave-Bekthi. En vain. “Il y a un certain nombre de propositions faites depuis un certain temps et sur lesquels les travaux n’ont pas été conduits suffisamment, ni par l’état ni par les collectivités locales”, reproche-t-elle.
Capteurs de CO2 et purificateurs d’air
Difficile aujourd’hui d’imaginer rénover toutes les fenêtres des écoles de France d’ici à la rentrée des vacances de Printemps. Éventuellement, cela pourra être engagé pour la rentrée de 2021/2022. Mais dans les salles de classe et ailleurs, des alternatives offrent une solution de repli.
À commencer par les fameux “détecteurs de CO2”, réclamés par les syndicats enseignants dans une pétition commune pour préparer la rentrée d’avril-mai et déjà signée par près de 30.000 personnes. Une fois les salles de classe équipées, cela permettrait de savoir à quel moment aérer ou d’aménager les cours pour éviter des salles trop chargées en élèves, en CO2 et donc potentiellement en particules virales.
Autre option, également réclamée par les syndicats de l’enseignement: le recours aux purificateurs d’air, une solution “a minima” mais qui ne serait pas totalement inefficace. Au mois de mars dernier, une étude commandée par le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez avait établi que ces appareils - disponibles sur le marché à partir de quelques centaines d’euros - permettaient de piéger les particules virales. Enfermées dans le purificateur, elles deviennent inertes au bout de 48h, délai à partir duquel l’appareil peut être nettoyé. L’ancien patron du parti LR avait alors interpellé Jean-Michel Blanquer pour réclamer la généralisation du dispositif.
Pour l’heure, rien n’a été annoncé à ce sujet. En novembre 2020, déjà questionné sur la mise en place des purificateurs, le ministère de l’Éducation nationale avait balayé le sujet en citant une étude qui n’avait pas donné de résultats “probants”. Une affirmation rapidement remise en question: l’étude citée par le ministre, réalisée par l’ANSES en 2017 soit avant la pandémie, se concentrait sur un certain type de détecteurs, bien différents de ceux conseillés dans le cadre de l’épidémie de Covid, comme l’expliquait Libération. Et dès le mois de juin 2020, des scientifiques rattachés à l’université de Harvard estimaient que les purificateurs équipés de filtres “HEPA” capturaient 99,97% des particules en suspension.
Depuis, le ministre ne s’est exprimé que très rarement sur le sujet. Interrogé sur RMC/BFMTV le 19 mars dernier, Jean-Michel Blanquer a simplement évoqué des initiatives “au cas par cas”, décidées par les collectivités locales.
Une façon de renvoyer la balle dans le camp de ces dernières... à moins qu’Emmanuel Macron ne décide de faire de l’aération un des piliers de la stratégie du déconfinement en imposant détecteurs de CO2 et aération d’ampleur dans tous les espaces clos, de façon stricte et à l’échelle nationale.
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