Déprogrammation de soins: il est acceptable de mourir de tout sauf du covid-19

Taux d’incidence, courbes des hospitalisations et de l’occupation des lits de réanimation... En France, il est dorénavant acceptable de mourir d’à peu près tout, sauf de la COVID-19. Les déprogrammations de soins font tout juste des entrefilets...

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Un patient sous assistance respiratoire dans le service de soins intensifs de l'hôpital de Valenciennes le 6 avril 2021. (Photo by DENIS CHARLET/AFP via Getty Images)

Taux d’incidence, courbes des hospitalisations et de l’occupation des lits de réanimation... En France, il est dorénavant acceptable de mourir d’à peu près tout, sauf de la COVID-19. 

Les déprogrammations de soins font tout juste des entrefilets dans la presse écrite et sont évoquées, de temps en temps, lors de journaux télévisés qui préfèrent se gargariser de manière quotidienne des courbes d’infection, des courbes d’hospitalisation ou autres courbes d’occupation des lits de réanimation, relatives à l’évolution de la COVID-19. 

Mais si vous mourez d’un cancer parce qu’on ne programme plus de soins, dans quelle courbe rentrez-vous? 

 

Si vous êtes en détresse respiratoire à cause de la COVID-19, vous êtes hospitalisé et soigné. Mais si vous êtes en détresse respiratoire parce que vous avez un cancer des poumons, vous restez chez vous.

 

Mon père, qui se meurt doucement d’un cancer des poumons, et dont les soins viennent d’être déprogrammés pour la troisième fois, m’a posé la question de savoir comment on comptabilisera son décès, puisqu’il est sous assistance respiratoire depuis plusieurs mois. 

Si, comme lui, vous avez 76 ans et que vous êtes en détresse respiratoire à cause de la COVID-19, vous êtes immédiatement hospitalisé et soigné. 

Mais si vous êtes en détresse respiratoire parce que vous avez un cancer des poumons, vous restez chez vous avec des solutions d’oxygénothérapie à domicile. Et advienne que pourra.  

Vous n’arrivez plus à respirer? C’est à cause de la COVID-19? Non? Alors circulez, il n’y a rien à voir! Il n’y a, devrait-on plutôt dire, rien qu’on ait envie de voir. 

Mon père, et tous ceux en France dont les pathologies lourdes nécessitent des soins hospitaliers vont mourir dans l’indifférence générale. Parce qu’ils ne souffrent pas au bon moment. Il aurait fallu être malade plus tôt, ou plus tard. Mais pas maintenant. 

Des malades abandonnés à eux-mêmes 

En tant que maire, en tant qu’élu, je pense aussi à ceux dont la santé mentale se détériore. À tous ceux que je vois dépérir, qui remplissent les permanences sociales de leur détresse mentale, ou encore à ceux qui errent sans but dans nos rues et qui doivent être placés d’office en hôpital psychiatrique. 

Depuis mars 2020 et le 1er confinement, plusieurs études ont mis très clairement en évidence que la dépression et les troubles anxieux ont augmenté de façon inquiétante. Y compris chez ceux qui n’en souffraient pas auparavant. 

Les jeunes, les personnes sans emploi et celles en situation de précarité sont particulièrement concernés. Mais les enfants sont également très durement touchés. Depuis le début de la crise sanitaire, un Français sur cinq a, par exemple, envisagé de se suicider. 

 

Mon père, et tous ceux en France dont les pathologies lourdes nécessitent des soins hospitaliers vont mourir dans l’indifférence générale.

 

Or aujourd’hui, la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques est catastrophique. Tout d’abord parce qu’il s’agit de maladies stigmatisées dont on ne cause pas. La santé mentale renvoie encore trop souvent à la folie dans l’inconscient collectif. Elle est aussi moins “visible”, moins “palpable”. Qu’est-ce finalement que la souffrance psychologique par rapport à la souffrance physique? Tu veux te suicider? Mais enfin, secoue-toi mon vieux! 

Les délais d’attente peuvent par ailleurs être extrêmement longs pour avoir accès à des soins spécialisés. Sans compter la qualité des prises en charge qui est extrêmement variable et les retards fréquents de diagnostic qui entraînent une véritable perte de chance pour les malades. 

Les troubles mentaux, l’autre scandale sanitaire

La surmortalité des personnes touchées par les troubles mentaux est un véritable scandale sanitaire. Il est généralement admis que les personnes atteintes de maladies psychiatriques sévères meurent en moyenne entre 13 et 16 ans plus tôt que le reste de la population. 

Pas grave ont été à dire certains médecins. Ces personnes seront soignées plus tard. Nous en ririons presque si ce n’était pas aussi tragique. Le secteur de la psychiatrie est, en France, totalement asphyxié. Au bord de l’abîme. Comme le soulignaient Jean de Kervasdoué, économiste de la santé et Daniel Zagury, psychiatre dans une tribune publiée dans Le Monde le 1er juillet 2020, “la situation de la psychiatrie en France est passée de grave à catastrophique”. Et c’est peu de le dire. 

Pour ajouter à la déliquescence d’un secteur essentiel à notre système de santé, les psychologues en ville ne sont par ailleurs pas remboursés. Nous sommes donc légitimement en droit de nous demander quel avenir se dessine pour les très nombreux Français souffrant psychologiquement de la gestion de cette crise sanitaire.  

À ne pas se soucier des conséquences graves et profondes de la crise sanitaire en cours sur la santé mentale des Français et sur la prise en charge des pathologies autres que le COVID-19, notre gouvernement aurait-il décidé d’abandonner une partie de nos concitoyens à leur propre sort? À la guerre, puisqu’il paraît que nous sommes en guerre, on n’abandonne pas ses soldats!

 

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