Depuis Toronto, Hot Garbage s’échine à hybrider son rock psyché

“Digging in a hole, down into the ground”, s’échappent des vapeurs psychédéliques d’Easy Believer, titre de Hot Garbage sorti en 2020. En pleine crise sanitaire et marasme social, donc. Sans doute ce morceau – et l’invitation à plonger sous...

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“Digging in a hole, down into the ground”, s’échappent des vapeurs psychédéliques d’Easy Believer, titre de Hot Garbage sorti en 2020. En pleine crise sanitaire et marasme social, donc. Sans doute ce morceau – et l’invitation à plonger sous terre qu’il insuffle – résumerait-il à lui seul ce qui compose l’identité même du groupe de Toronto : couleur psyché, fulgurances heavy, fil d’Ariane résolument post-punk. 

Une musique avec laquelle Alessandro Carlevaris (guitare), sa sœur Juliana (basse), Dylan Gamble (claviers) et Mark Henein (batterie) nous embarquent en terres arides et crépusculaires, réuni·es sous le blason post-cataclysmique de Hot Garbage. On s’imagine louvoyer entre les débris d’un monde en décrépitude à leur écoute, cédant volontiers à la langueur grisante qui émane de chacun des morceaux. Leur musique est décidément dans l’air du temps.

Avant-garde québécoise 

Signé chez Mothland – label de Montréal qui s’évertue, depuis 2020, à prendre sous son aile la fine fleur de l’avant-garde musicale locale, de la dream pop jusqu’à l’art-punk – Hot Garbage se construit au cœur d’une scène alternative canadienne qui offre, dès lors que l’on prend la peine d’y farfouiller, une flopée de belles découvertes. Il n’a d’ailleurs pas fallu bien longtemps pour que Juliana, la bassiste, nous vante les mérites de ses comparses québécois·es lors de notre échange.

“Il y a une très grande communauté de musique locale ici en ce moment, composée de gens qui se soutiennent les uns les autres

À commencer par celles et ceux également inscrit·es sous la bannière de Mothland : les punks de Red Mass, Atsuko Chiba et son post-rock (avec qui Hot Garbage partagera la scène des Inrocks Super Club, le 29 mai prochain), le shoegaze de Karma Glider et celui de Yoo Doo Right, étoffé d’éléments kraut… “Ce sont tous de bons amis à nous”, sourit la musicienne, visiblement fière d’appartenir à une lignée aussi prometteuse. Fière que Hot Garbage ait été repéré par l’équipe du label, aussi. “On leur fait confiance et on respecte vraiment leurs goûts, donc d’un point de vue personnel, ça nous a fait du bien de savoir qu’ils croyaient en nous en tant que groupe”, dévoile-t-elle. Et d’ajouter : “C’est devenu comme une famille pour nous.”

Hot Garbage marche ainsi dans les pas des formations ayant déjà balisé le chemin une poignée d’années auparavant. “Metz, Cindy Lee, Kali Horse… Il y a une très grande communauté de musique locale ici en ce moment, composée de gens qui se soutiennent les uns les autres”, se réjouit Juliana. Et la musicienne en sait quelque chose, elle qui travaille en parallèle en tant que programmatrice.

Biberonné·es au (classic) rock 

La musique, c’est une affaire de famille. On le glissait plus haut, Alessandro – le guitariste du groupe – et Juliana sont frère et sœur. Cette dernière se plaît à rembobiner : “Notre père était passionné de classic rock, il jouait même un peu quand il était plus jeune et il nous faisait toujours écouter des trucs comme Black Sabbath, Led Zeppelin ou les Beatles”. “Il nous a beaucoup soutenu quand on a commencé à s’intéresser à la musique, il m’a emmenée à des cours de piano assez jeune, a offert une guitare à mon frère…”, poursuit-elle, admettant que sans “son soutien et ses encouragements”, ni elle ni Alessandro n’auraient peut-être continué dans cette trajectoire. 

Pour autant, la bassiste admet que tous deux “[n’ont] pas beaucoup joué ensemble en grandissant”, à part “pour déconner à la maison, jamais sérieusement et dans aucun autre groupe”. Entre-temps, il et elle ont eu leur phase grunge, hardcore et emo, avant de s’en remettre aux musiques des années 1960-1970, puis de s’éloigner davantage du mainstream au profit d’une culture alternative que Juliana juge plus stimulante. Jusqu’à former Hot Garbage. 

En 2015, Alessandro rassemble deux potes du lycée et un claviériste tout juste rencontré, pour lancer un nouveau projet musical. Ils cherchent un·e bassiste, sa sœur se propose. Les trois gars hésitent un peu – elle n’en avait jamais vraiment joué jusqu’alors – mais finissent par accepter. “À l’époque, je ne jouais que de la guitare, mais finalement c’est un peu pareil !”, s’amuse Juliana.

“Écrire ce qui nous semble authentique à un instant donné”

En une (presque) décennie d’explorations psyché, le quatuor a signé une poignée de disques (deux EP et deux albums) – dont Precious Dream, long format paru en janvier dernier et imprégné des tourments de l’année 2020. “Il a été écrit pendant la pandémie, c’est un album unique en ce sens”, analyse Juliana, “c’était une période de grands changements, d’incertitude et de solitude, tout cela a assombri nos textes”. Et de poursuivre : “On veut juste écrire ce qui nous semble authentique à un instant donné, en puisant dans ce qu’on écoute et ce qu’on absorbe, nos inspirations artistiques comme ce qui se passe dans nos vies.” 

Quitte à polir la texture psyché de leurs débuts pour accentuer les touches heavy “avec des chansons un peu plus courtes, plus simples, dans une direction plus post-punk”. Un virage pas forcément intentionnel, dit-elle : “C’est juste qu’on change, nous, donc la musique change avec le temps.”

Une évolution qui se ressent également en studio, où Hot Garbage a fait le choix de s’entourer du producteur (et membre du groupe Holy Fuck) Graham Walsh. “Un type vraiment génial”, loue Juliana, qui explique avoir découvert son travail en écoutant More, l’un des disques de New Fries – elles·eux aussi Torontois·es – mixé par ses soins, justement. “Je me suis tout de suite dit que la production était vraiment folle, le style m’intéressait vraiment, alors je l’ai contacté.” “Il s’est montré vraiment ouvert à l’idée de travailler avec nous”, se souvient-elle.

Être en tournée pour toujours

Si les quatre musicien·nes ont apprécié prendre le temps de parfaire le son de leur dernier disque, il était temps pour le groupe de regagner les scènes – histoire d’éprouver à nouveau les sensations uniques qui s’y vivent. “J’aime le cycle et l’équilibre entre studio et live, mais le mixage, le réglage très fin des détails lors de l’enregistrement, c’est un peu trop pour moi”, badine Juliana. Et de justifier, d’une voix enjouée : “Toute ma vie tourne autour de la musique live […] Je ne suis pas une grande aficionada de la musique enregistrée, mais j’adore les concerts, je peux y aller tous les soirs… Je pourrais probablement être en tournée pour toujours si c’était possible, donc je dirais que c’est là où mon cœur penche.”

C’est cette flamme qui les a poussé·es à explorer les scènes françaises et allemandes l’année dernière – avant la sortie de Precious Dream, donc – juste pour “aller vivre ça”. “On était tellement excité·es d’arriver en Europe, on n’avait pas encore d’album à défendre, mais on est quand même venu·es […], c’était tout simplement incroyable”, s’émerveille encore la bassiste.

Elle se souvient d’ailleurs de leur toute 1ère date à Paris, où le groupe s’était produit au Supersonic : “On était tellement impressionné·es par l’hospitalité et la façon dont l’équipe s’était souciée de nous […], on s’était senti·es apprécié·es, considéré·es et le public était tellement génial qu’on a vraiment hyper hâte de revenir chez vous !” Et nous, de les accueillir.