“DJ Mehdi : Made in France”, que penser de la série documentaire d’Arte ?

C’est l’histoire d’un documentaire dont l’idée a germé dans la tête de son réalisateur une semaine après la mort accidentelle de DJ Mehdi, le 13 septembre 2011. Thibaut de Longeville a souhaité retracer l’histoire de son pote, rencontré en...

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C’est l’histoire d’un documentaire dont l’idée a germé dans la tête de son réalisateur une semaine après la mort accidentelle de DJ Mehdi, le 13 septembre 2011. Thibaut de Longeville a souhaité retracer l’histoire de son pote, rencontré en 1996 via Kery James. Pour lui, c’est une évidence : il faut expliquer l’ingéniosité du producteur français, le montrer en train de bricoler son propre sampler à seulement 12 ans, expliquer le processus de création derrière des morceaux devenus iconiques.

Pourtant, Thibaut de Longeville l’affirme aujourd’hui sans trembler : “Un tel documentaire n’aurait jamais dû voir le jour.” Parce que la famille de Mehdi Faveris-Essadi, par pudeur, ne préfère pas s’exposer. Et parce que Netflix, Amazon Prime, Canal+ ou Apple TV+, pourtant séduites par le projet, ont toutes fini par botter en touche. Prétexte : malgré les tubes, DJ Mehdi reste un producteur, c’est-à-dire un homme de l’ombre, moins identifié du grand public que les grands noms avec lesquels il collaborait.

Un récit “qui vient vraiment de l’intérieur”

Il faudra attendre septembre 2021 pour que Arte, tombée sous le charme, ait la curiosité et l’intelligence de produire le documentaire. À une condition, toutefois : transformer ce qui est alors un 90 minutes en une série de six épisodes. Le pari est audacieux, l’ambition folle. La longueur du projet, elle, paraît totalement justifiée.

C’est là l’opportunité pour Thibaut de Longeville et son studio 360 Creative de prendre le temps de expliquer un récit “qui vient vraiment de l’intérieur”, de privilégier le temps long, le déploiement d’un storytelling, certes chronologique, mais qui s’autorise malgré tout des écarts, ne serait-ce que pour plonger dans les coulisses d’un morceau (Tonton du bled du 113, Appelle-moi Rohff de Rohff, Signatune, etc.) ou se remémorer des aventures collectives – voir en cela les épisodes 2 et 6, consacrés en grande partie à la Mafia K’1 Fry et à Ed Banger.

Au bon vieux temps

Après avoir acté la collaboration avec Arte, Thibaut de Longeville, qui gérait autrefois l’image du label Espionnage, laboratoire musical de DJ Mehdi, dit avoir eu au moins trois certitudes. La 1ère : il lui fallait jeter son script de 90 minutes, recommencer à écrire et être à la hauteur d’un tel projet, le 1er “à être aussi conséquent en France pour un artiste qui ne soit pas Claude François ou Johnny”.

Le deuxième : DJ Mehdi étant quelqu’un d’assez discret, il lui fallait miser sur des images d’archives relativement puissantes, qu’elles proviennent de ses propres fichiers – comme ce fameux concert d’Ideal J à l’Élysée Montmartre, à une époque où il filmait tout de “façon candide” – ou qu’elles aient été dénichées au fin fond d’une cave de personnes extérieures à son entourage.

Vient alors en tête cette scène où l’on voit DJ Mehdi, Kery James et les membres d’Ideal J, âgés d’à peine 14-15 ans, répéter en studio : “Là, on est en 1992, et ces séquences sont issues d’un reportage de 26 minutes diffusé par Canal J, pour les besoins de l’émission Les Petits Futés, resitue Thibaut de Longeville, qui a cherché pendant sept ans à entrer en contact avec le réalisateur. Dans ce reportage, on voyait tous ces petits gars jouer au basket, aller à la piscine, se rendre à la cantine, ou même Kery James en train de garder sa petite sœur. Ces archives sont tellement précieuses.”

Beaucoup m’ont dit : ‘Si ce n’est pas toi, je ne le fais pas !’”

Enfin, la troisième certitude : il compte bien s’appuyer sur le témoignage de personnes qu’il connaît, et qu’il sait pouvoir convaincre. “Beaucoup m’ont dit : ‘Si ce n’est pas toi, je ne le fais pas !’ Tout simplement parce que les gars, indépendamment de leur amour pour Mehdi, ont beaucoup de pudeur et refusent de se montrer en position de vulnérabilité en face de n’importe qui.” Il faut voir, en effet, Kery James et Rim’k se livrer avec sincérité, quitte à fondre en larmes face caméra. “Il faut dire aussi que les entretiens duraient plusieurs heures, parfois six ou huit, avec tout ce que cela suppose d’anecdotes, de vieux souvenirs. C’est naturel de craquer.”

Deux mondes qu’a priori tout oppose réunis par DJ Mehdi

Toutes ces séquences face caméra, quoique jamais dénuées d’émotions et de confessions sincères, ancrent le documentaire dans un format traditionnel. Elles appuient surtout la capacité de DJ Mehdi à réunir deux mondes qu’a priori tout oppose : le rap et la musique électronique, la banlieue et le centre-ville parisien, les diggers et les clubbers.

“Il est l’un des rares artistes grâce auquel tu peux connecter les points entre différents univers”, confirme Thibaut de Longeville. Quitte, parfois, à susciter l’incompréhension au sein de son entourage. Ainsi, quand DJ Mehdi tente d’expliquer au 113 sa passion pour la musique des Fab Four, la réponse de Mokobé se veut claire, limpide : “Je n’en avais rien à foutre des Beatles”, clame-t-il à plusieurs reprises.

C’est là l’un des points forts de cette série documentaire : se servir des mix opérés par DJ Mehdi pour expliquer une histoire qui aille au-delà de sa vie personnelle, comme celle du rap français des années 1990 et de la French Touch 2.0 au début de la décennie suivante. Deux mouvements qui incarnent à merveille leur époque respective, et que l’on prend plaisir à redécouvrir ici via le propos des principaux intéressé·es, y compris Justice, Chromeo, Santigold, A-Trak et Riton, invité·es à s’exprimer pour évoquer ce qu’est devenue la vie de DJ Mehdi au croisement des années 2000 et 2010 : un mélange de fêtes et d’hommages à la house originelle, une succession de dates à l’international, des excès, un quotidien de rockstar, et un tas d’autres choses que l’on aurait aimé prendre le temps de découvrir davantage – toute cette période étant condensée sur un épisode, le dernier.

Impossible, pour autant, de faire la fine bouche. DJ Mehdi : Made in France est une œuvre complète, touchante, indéniablement nécessaire pour comprendre les évolutions musicales des vingt ou trente dernières années. Alors, comme le dit Xavier de Rosnay : “Rien que pour ça, merci Mehdi !”

DJ Mehdi : Made in France, de Thibaut de Longeville, disponible sur la plateforme d’Arte à partir du 12 septembre.