Dominique A : “Ce que j’aime chez Tord Gustavsen, c’est son rapport à la spatialisation du son”

Une lubie récente Au contraire de Josh Haden ou de Bridget St John, ma lubie pour Tord Gustavsen est récente. Cet été, j’ai beaucoup écouté de disques du label ECM, et particulièrement ceux de ce pianiste norvégien. Quand je sors d’une expérience...

Dominique A : “Ce que j’aime chez Tord Gustavsen, c’est son rapport à la spatialisation du son”

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Une lubie récente

Au contraire de Josh Haden ou de Bridget St John, ma lubie pour Tord Gustavsen est récente. Cet été, j’ai beaucoup écouté de disques du label ECM, et particulièrement ceux de ce pianiste norvégien. Quand je sors d’une expérience de studio, qui était en l’occurrence symphonique avec l’Orchestre de chambre de Genève puis atmosphérique en version trio, j’ai souvent tendance à me tourner vers tout autre chose en tant qu’auditeur. Par nécessité de sortir d’un mode d’écoute, j’aime bien explorer d’autres voies musicales.

The Ground en boucle

Parmi les nombreux enregistrements de Tord Gustavsen, les albums que je préfère sont ceux en trio. Je suis très sensible à cette configuration piano/contrebasse/batterie. Depuis longtemps, à la maison, j’avais l’album The Ground [2005], que je me suis mis à écouter en boucle au début de l’été. Depuis, j’ai appris que ce disque avait eu un succès inattendu dans les charts pop en Norvège, ce qui ne m’étonne qu’à moitié. Car The Ground est un album très mélodique avec des thèmes rapidement identifiables, ce qui peut parfois faire défaut dans la musique instrumentale empruntée au jazz. Pour quelqu’un comme moi qui vient du rock et de la pop, je suis le client parfait. L’approche de Tord Gustavsen me rappelle parfois celle de Mark Hollis.

Cheminement d’auditeur

Pour être franc, j’ai de plus en plus de mal à écouter des disques de pop-rock. Et je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question d’âge, mais plutôt d’un cheminement d’auditeur un peu évident, qui rejoint d’ailleurs mes désirs d’une certaine pratique musicale. Je préfère quand le son respire plutôt que lorsqu’il est écrabouillé sous la production. Et ce n’est pas seulement l’histoire du silence. C’est plutôt l’idée que la musique se fraie un chemin jusqu’à nos oreilles, sans les assaillir. Ce que j’aime en particulier chez Tord Gustavsen, c’est son toucher magnifique de pianiste et son rapport à la spatialisation du son.

Contemplation crépusculaire

Il y a un autre disque du Tord Gustavsen Trio que j’affectionne particulièrement, c’est The Other Side, un album datant de 2018 où il adapte des thèmes de Bach sans dénaturation ni ruse, mais en y apportant sa sensibilité. Ce sont autant de disques qui m’ont accompagné cet été lors d’un périple in situ, en découvrant les îles Lofoten, au nord de la Norvège. Même si les paysages y sont moins sauvages qu’au Groenland, je suis très attiré par cette minéralité. Il y a un côté matin du monde toujours saisissant. Tord Gustavsen a accompagné ma contemplation du soleil de minuit, entre le long crépuscule et une aube progressive. J’avais l’impression d’une vraie symbiose entre la majesté de la musique et des lieux. J’ai même eu du mal à écouter autre chose pendant un long mois, ce qui est très rare pour moi. J’ai fini par revenir à la raison pour acheter d’autres disques d’ECM. [sourire]

​​​​​​Le jazz d’ECM

Selon moi, le label ECM est le 4AD du jazz : il y a ce même rapport à la mélancolie et à la monochromie. Manfred Eicher, le fondateur d’ECM, est souvent décrié pour son utilisation intrusive de la réverbération, et il a effectivement un côté Ivo Watts-Russell [cofondateur du label 4AD]. Je serais d’ailleurs curieux de connaître les goûts de Tord Gustavsen, car je pressens chez lui cette double culture qui en fait, à mes oreilles, le musicien de jazz idéal.

Quelques lumières (Cinq7/Wagram). Sortie le 18 octobre.