D'où vient ce procès en "islamo-gauchisme" qui touche les universités après la gauche?

POLITIQUE - Deuxième round. Après Jean-Michel Blanquer en octobre dernier, c’est Frédérique Vidal qui reprendre à son compte les débats autour de “l’islamo-gauchisme.” Si l’expression en question n’est pas -du tout- nouvelle, elle ne cesse...

D'où vient ce procès en "islamo-gauchisme" qui touche les universités après la gauche?

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

D'où vient ce procès en

POLITIQUE - Deuxième round. Après Jean-Michel Blanquer en octobre dernier, c’est Frédérique Vidal qui reprendre à son compte les débats autour de “l’islamo-gauchisme.” Si l’expression en question n’est pas -du tout- nouvelle, elle ne cesse de gagner en visibilité ces derniers mois depuis l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine notamment.

Quelques jours après l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty, le ministre de l’Éducation nationale regrettait, sur Europe 1, la présence de “ce qu’on appelle communément l’islamo-gauchisme” au sein de la France insoumise ou de l’Unef en dénonçant un “courant” qui “favorise une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène évidemment au pire.”

Quatre mois plus tard, la ministre de l’Enseignement supérieur s’en prend plus précisément aux universitaires. Après avoir estimé, dimanche 14 février, sur Cnews, que “l’islamo-gauchisme” “gangrène” l’université et à fortiori toute la société, Frédérique Vidal a demandé, le lendemain, au CNRS de dresser “un bilan de l’ensemble des recherches” qui se déroulent en France, pour distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme. 

“Aucune réalité scientifique”

Et ce, au risque de susciter l’incompréhension de nombreux marcheurs, le courroux du monde universitaire... et le recadrage du CNRS lui-même. Dans un communiqué très critique, publié mercredi en fin de journée, le Centre national de la recherche scientifique condamne, entre autres une “instrumentalisation de la science” et “les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche.” Pour eux, “l’islamo-gauchisme’, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique.” 

Ce que soutenait déjà Alexis Corbière au HuffPost, le 22 octobre dernier, en des termes différents. “Qu’il dise en détail ce qu’il nous reproche!”, réagissait-il, non sans colère, aux accusations de Jean-Michel Blanquer, en ajoutant: “Il utilise un mot qui a l’avantage de ne rien dire de précis.”

Avant les ministres de l’Éducation nationale ou de l’Enseignement supérieur, c’est Manuel Valls qui accusait ouvertement le mouvement insoumis d’islamo-gauchisme. En exemple, l’ex-premier ministre citait, comme beaucoup de détracteurs de LFI, la participation de la formation mélenchoniste à la marche contre l’islamophobie le 10 novembre 2019. 

Cette manifestation, décidée après l’attentat de Bayonne, avait fracturé la gauche, le PS refusant de défiler aux côtés d’associations et personnages controversés. Est-ce le point de départ des accusations en islamo-gauchisme?

Pas du tout. À vrai dire, ce procès, qui touche aujourd’hui le monde universitaire, dure depuis de longues années. Il trouve sa source dans les mouvements altermondialistes. 

De l’invitation de Tariq Ramadan à débattre avec José Bové au Forum social européen en 2003 à la candidature d’une femme voilée pour le NPA dans le Vaucluse, lors des élections régionales de 2010, toute une partie de la gauche va être accusée, à partir du début des années 2000, de complaisance avec l’islam (puis avec l’islamisme) que ce soit pour des aspirations nobles (la défense des minorités oppressées) ou des desseins contestables (l’électoralisme).

Un terme qui émerge en 2002 en France

L’expression peut également connaître des variantes, à l’image du “islamo-trotskiste” utilité par Marine Le Pen en 2017. Cinq ans plus tôt, le FN avait produit de faux tracts en langue arabe pour entretenir cette accusation.  

L’historien des idées Pierre-André Taguieff -directeur de recherche au CNRS- est l’un des premiers, en 2002, à utiliser le terme pour condamner l’antisionisme dans “la nouvelle configuration tiers-mondiste, néo-communiste et néo-gauchiste, plus connue sous la désignation médiatique de ‘mouvement antimondialisation’” dans son livre La nouvelle judéophobie

Une expression, dont il revendique la paternité, sur laquelle il est revenu le 26 octobre dernier, dans une tribune publiée dans Libération, alors que s’enflammaient les débats autour du fameux islamo-gauchisme. “Que, mise à toutes les sauces, l’expression ait eu par la suite la fortune que l’on sait, je n’en suis pas responsable”, expliquait-il, en défendant la valeur “strictement descriptive” de ses mots: “l’expression ‘islamo-gauchisme’ avait sous ma plume une valeur strictement descriptive, désignant une alliance militante de fait entre des milieux islamistes et des milieux d’extrême gauche, au nom de la cause palestinienne, érigée en nouvelle cause universelle.”

Toutefois, pour l’historien, “ses usages polémiques discutables ne doivent pas empêcher de reconnaître qu’elle désigne un véritable problème.” À savoir: la collusion entre des groupes d’extrême gauche, “se réclamant du marxisme” et des “mouvances islamistes de diverses orientations (Frères musulmans, salafistes, jihadistes).” Une question qui semble bien éloignée des difficultés auxquelles les universités sont actuellement confrontées. 

À voir également sur Le HuffPost“Islamo-gauchisme”: les propos de Vidal suscitent l’incompréhension même chez LREM