Droits des femmes: les propositions chocs d'Olivier Faure pour le PS
POLITIQUE - Parler de sexualité, de règles, de consentement et de violences sexuelles avec un responsable de parti pour y consacrer une interview entière, l’affaire n’est pas fréquente. C’est le choix que nous avons fait en révélant les propositions...
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POLITIQUE - Parler de sexualité, de règles, de consentement et de violences sexuelles avec un responsable de parti pour y consacrer une interview entière, l’affaire n’est pas fréquente. C’est le choix que nous avons fait en révélant les propositions du Parti socialiste pour les droits des femmes, à la veille du 8 mars 2021, journée internationale des droits des femmes.
Olivier Faure estime que ces questions sont aussi importantes “que la dette publique ou la guerre en Syrie”. Il dévoile des propositions pour le moins détonantes dans le paysage politique actuel: rendre accessible gratuitement les protections périodiques pour les femmes en situation de précarité avec, pourquoi pas, la création d’usines publiques qui les fabriqueraient; offrir un congé parental unique obligatoire pour les deux parents de 9 semaines et rallonger celui de la femme avant l’accouchement; dispenser et sanctionner des cours d’éducation à la sexualité et au consentement au collège et au lycée; consacrer 1 milliard par an au budget d’un ministère des Droits des femmes de plein exercice.
Enfin, le premier secrétaire du PS reprend à son compte la formule des associations féministes “on te croit” quand elles vont en justice ou dénoncent des violences sexuelles. Entretien garanti sans tabou.
On s’est donné rendez-vous pour parler des droits des femmes à l’occasion du 8 mars, c’est inédit pour un premier secrétaire du PS, non?
J’espère que non. Le combat des socialistes s’est toujours confondu avec le féminisme. Léon Blum, le premier, a revendiqué une vie sexuelle et affective libre pour les femmes. C’est le Front populaire, qu’il dirigea, qui fit entrer quatre femmes dans un gouvernement alors qu’elles n’avaient pas encore le droit de vote. C’est François Mitterrand qui a nommé Yvette Roudy, première ministre des Droits de la femme. C’est Lionel Jospin qui a imposé la parité en politique...
Pourquoi aviez-vous envie de parler de féminisme et des droits des femmes?
De #MeToo aux revendications émergentes comme l’accès aux protections périodiques, ou la reconnaissance du burn-out parental, des difficultés de la période post-partum, du deuil périnatal ou de l’endométriose, j’ai la conviction qu’une révolution dans les mentalités est en cours.
Jusqu’ici, ces sujets essentiels dans la vie des femmes n’étaient pas jugés légitimes ou suffisamment nobles. Pour moi, ils doivent être évoqués au même titre que la dette publique ou la guerre en Syrie. La puissance des mouvements sociaux ou d’opinion, la présence plus nombreuse des femmes en politique, l’arrivée d’une nouvelle génération à l’âge des responsabilités, peut tout changer. J’ajoute que ce qui concerne les femmes doit intéresser la société tout entière. La libération des femmes permet aussi la libération des hommes.
Jusqu’ici, ces sujets essentiels dans la vie des femmes n’étaient pas jugés légitimes ou suffisamment nobles. Pour moi, ils doivent être évoqués au même titre que la dette publique ou la guerre en Syrie
Que voulez-vous dire?
Lorsque l’on crée des droits pour les uns, ce n’est pas synonyme de retrait pour les autres. Si je prends l’exemple du Pacs, revendiqué originellement par la communauté homosexuelle, et bien les couples hétérosexuels aussi en ont profité. C’est la même chose avec les droits des femmes: in fine, ils servent aussi aux hommes, prisonniers d’un modèle viriliste trop exclusif. Aujourd’hui, penser la question du genre pour éviter les assignations, c’est une façon d’ouvrir des possibles pour toutes et tous.
Quelles propositions concrètes comptez-vous porter?
Je veux que les femmes puissent être réellement considérées comme les égales des hommes. Cela passe par l’égalité salariale mais aussi des mesures qui ont longtemps semblé anodines, mais qui conditionnent la vie des femmes. J’ai vu que Frédérique Vidal voulait rendre gratuites les protections périodiques pour les étudiantes, c’est une bonne chose. C’est toujours mieux que l’attaque scandaleuse contre les libertés académiques, mais ce n’est pas suffisant. Autour de 10% de collégiennes et lycéennes n’y ont pas accès, ce qui pénalise leur scolarité. Quand Marlène Schiappa dénonce les jeunes filles qui ne vont pas à la piscine pour des raisons supposées religieuses, peut-être devrait-elle d’abord s’interroger sur la précarité menstruelle. Je le vois dans ma circonscription: dans les épiceries solidaires, le sujet m’est chaque fois pointé.
C’est très rare d’entendre un responsable politique parler de ces sujets...
Je suis un fils, un mari et un père. Et je crois que ce n’est pas un sujet tabou pour la génération qui vient, mais pour celle qui est en train de partir. Lors de la précédente législature, les députés socialistes ont tenté de baisser la TVA sur les protections périodiques, mais le ministre du Budget craignait que les entreprises en bénéficient sans répercuter une baisse du coût. Pourtant, il faut avancer. Toutes les femmes en situation de précarité doivent y avoir accès gratuitement, avec, pourquoi pas, des usines publiques qui les produisent. Le moment des premières douleurs est un moment particulièrement difficile pour les jeunes filles. Un moment où tout se mêle. Si on y ajoute la précarité et le fait d’être empêchées d’aller à l’école, c’est insupportable. Le message que l’on envoie dès l’entrée dans la vie de femme, c’est celui d’une évolution asymétrique à celle des hommes. D’abord on s’absente de l’école parce qu’on a peur d’être moquée pour un vêtement taché, puis plus tard on accepte d’être moins payée parce qu’il faudra peut-être s’interrompre pour une grossesse. Les mentalités doivent évoluer. Le corps des femmes, leurs cycles, leurs douleurs ne peuvent plus être des tabous.
Toutes les femmes en situation de précarité doivent avoir accès gratuitement aux protections périodiques, avec, pourquoi pas, des usines publiques qui les produisent.
Le Parti socialiste avait-il du retard sur ces questions, on se souvient notamment des affaires DSK ou Marchal-Beck?
Ce n’est pas la même génération qui est aux affaires. Nous prenons cette question très au sérieux. Aux dernières élections municipales, nous avons sanctionné trois candidats pour des affaires de violences sexuelles ou conjugales réelles ou supposées ce qui nous a coûté la perte de deux mairies, mais nous avions le devoir d’agir. Des référents du PS formés sur tout le territoire sont désormais en mesure de recevoir des témoignages. Le sujet des violences sexistes et sexuelles dépasse hélas la seule sphère politique. Une main aux fesses, ce n’est pas un geste amical, un baiser volé ce n’est pas de la tendresse. Les allusions lourdes et répétées, ce n’est pas de la séduction. Et, évidemment, profiter de son pouvoir pour imposer des relations sexuelles, c’est un viol.
Que proposez-vous pour le congé de paternité qui vient d’être allongé par Emmanuel Macron à un mois avec une semaine obligatoire?
Tant que le congé parental n’est pas égalitaire et obligatoire, les femmes continueront à s’occuper des enfants et les hommes à poursuivre leurs carrières. C’est mathématique. Je suis pour le congé parental unique, comme le Parlement européen l’avait suggéré, avant d’être bloqué par Emmanuel Macron. On peut discuter de sa durée, mais la commission conduite par Boris Cyrulnik suggérait 9 semaines. C’est vraiment le minimum, et il faut le rendre obligatoire pour le second parent. S’agissant du congé de maternité avant l’accouchement, il devrait, dans la mesure du possible, être allongé pour la santé des mères et des bébés. Le confinement a vu une baisse drastique du nombre de prématurés.
Beaucoup de pères veulent être pleinement investis dans leur paternité. Il faut que tous les pères sachent changer une couche, faire un biberon, prendre rendez-vous chez le pédiatre et veiller un enfant malade. On ne naît pas mère, on le devient. Pour les pères c’est encore plus vrai. Il n’est plus acceptable que certains pères soient là juste pour les sourires et jouer à quatre pattes.
Enfin, je veux qu’on parle du burn-out parental, un immense tabou. Il ne correspond pas à l’image d’Épinal. Mais l’impossibilité d’en parler et d’être accompagné peut conduire à des violences sur les enfants. Être parents n’est pas inné. Il faut les déculpabiliser et les guider dans ce grand bouleversement. Tout comme il faut respecter celles et ceux qui ont fait le choix de ne pas devenir parents et les extraire de cette pression sociale qui pèse sur eux.
Une main aux fesses ce n’est pas un geste amical, un baiser volé ce n’est pas de la tendresse. Les allusions lourdes et répétées, ce n’est pas de la séduction. Et, évidemment, profiter de son pouvoir pour imposer des relations sexuelles, c’est un viol.
Comment analysez-vous les mouvements #MeTooinceste et #MeToogay qui continuent, trois ans après MeToo?
Ces mouvements sont essentiels et je veux les accompagner politiquement, comme nous l’avons fait avec la proposition de loi de ma collègue députée Isabelle Santiago. Ce texte voté en première lecture à l’Assemblée contre l’avis du gouvernement permet aux victimes de ne plus avoir à prouver leur absence de consentement dès lors qu’elles ont moins de 15 ans, ce seuil d’âge étant repoussé à 18 dans les cas d’inceste.
Olivier Duhamel, Richard Berry, PPDA, Gérard Depardieu… Depuis le début de l’année, de nombreuses femmes ont pris la parole pour dénoncer le comportement de personnalités : comment analysez-vous cette accélération des témoignages ou des plaintes?
J’ai trouvé le livre de Camille Kouchner (“La familia grande” au Seuil, NDLR) très émouvant et éprouvant, tout comme le témoignage poignant de mon collègue député Bruno Questel. Pourquoi tout vient en même temps? Parce qu’on a tout tu en même temps. Je partage le slogan des féministes qui pose le présupposé “on vous croit”. Le mensonge n’est pas impossible. À la justice de trancher. Mais la première réaction que nous devons avoir, c’est de croire. La parole doit être accueillie avec bienveillance sinon l’omerta a de beaux jours devant elle.
S’agissant de cette multiplication d’accusations visant des personnalités, je crois que ces femmes cherchent autant la reconnaissance de leur préjudice que la fin d’un système. Se taire c’est vivre avec l’idée que d’autres victimes peuvent s’ajouter à la liste.
On peut discuter de sa durée, mais 9 semaines de congé parental, obligatoire pour les deux parents, c’est vraiment le minimum.
Quelles sont les autres réformes que vous préconisez ?
Il faudra qu’on se penche sur une politique publique d’éducation à la sexualité et au consentement au collège et au lycée. Comme on l’a fait avec l’instruction civique. La sexualité, ça ne s’apprend pas en découvrant un film porno sur Internet. À l’école, on n’apprend pas seulement un métier, on y devient aussi citoyen. Je souhaite que ces cours soient sanctionnés d’une manière ou d’une autre dans les programmes.
Vous voulez qu’il y ait une note?
Pourquoi pas? Il ne doit pas y avoir de matières “secondaires”. L’éducation artistique, musicale, l’instruction civique, l’éducation à la sexualité et au consentement, tout participe à l’initiation qui permet de passer de l’adolescence à l’âge adulte.
C’est un programme présidentiel…
Oui! D’ailleurs nous réfléchissons à une sorte de “gender editor” (rédacteur en chef chargé des questions de genre dans la presse, NDLR) pour évaluer chaque proposition de notre programme et son implication sur les inégalités femmes-hommes. Une fois élus, chaque loi présentée au Parlement devra préciser dans son étude d’impact l’effet qu’elle produit sur les femmes. Le “Ségur de la Santé” a méprisé les sages-femmes qui n’ont pas obtenu l’augmentation qui correspond à leurs responsabilités. Pourquoi? Parce qu’elles font partie de ces métiers invisibilisés parce que très majoritairement féminisés.
Si la gauche est élue, le budget pour le ministère des droits des Femmes sera de 1 milliard d'euros
Si la gauche était élue, quel serait le budget alloué aux droits des femmes chaque année?
Le même que celui des Espagnols: 1 milliard. J’ajoute que le ministère redeviendrait de plein exercice.
Un grand débat clive le féminisme en ce moment entre “universalisme” et “intersectionnalité”. Vous reconnaissez-vous dans une de ces deux catégories?
Je trouve ce débat en partie absurde. Je suis un universaliste, et c’est la raison pour laquelle je me bats pour que les hommes et les femmes aient des droits identiques. Mais je ne suis pas hermétique à ce qu’apportent les études intersectionnelles qui viennent interroger une universalité parfois très théorique. Qui peut aujourd’hui nier que la vie est moins facile quand on est une femme, noire et pauvre que quand on est un homme blanc et riche? Il y a des cumuls qui accentuent les discriminations et les inégalités.
Sur la question des violences obstétricales par exemple, ce sujet existe: vous pouvez vous faire maltraiter par votre gynéco parce que vous êtes une femme, quelle que soit votre couleur de peau. Mais il se trouve qu’il y a aussi des spécificités pour les femmes noires, par exemple, parce que des préjugés racistes viennent biaiser un diagnostic. Il faut en tenir compte et former l’ensemble des personnels médicaux à ce sujet.
La conséquence des discriminations ne peut pas conduire à considérer qu’il faudrait un médecin noir pour les personnes noires ou un médecin blanc pour les blanches. Cela reviendrait à renoncer à notre commune humanité. Je refuse toute forme d’essentialisation qui est en réalité une assignation à identité, et une forme d’apartheid.
Qui peut aujourd’hui nier que la vie est moins facile quand on est une femme, noire et pauvre que quand on est un homme blanc et riche?
Dans nos colonnes, au lendemain de l’annonce de sa candidature, Jean Luc Mélenchon a tendu la main à tous les partis, dont le vôtre, pour mettre en débat son programme: allez-vous en parler avec lui?
Tous les mois depuis janvier, nous mettons en débat une partie de notre projet, thème après thème. Toutes ces propositions sont mises en ligne sur le site www.rdv2022.fr. Je constate que cette méthode fait des petits et je m’en félicite. Mais travailler à un contrat de coalition, c’est aussi accepter de renoncer à faire de sa candidature un préalable.
Najat Vallaud-Belkacem a dit récemment à la revue “Zadig” : “On a besoin d’une femme féministe à la tête de l’État”, partagez-vous cette vue ?
Le temps des femmes est venu. Depuis 1958, il n’y a eu qu’une seule femme Première ministre, Édith Cresson. Aucune femme n’est entrée à l’Élysée. Et disant cela vous comprendrez aussi que je ne souhaite pas que la première soit issue des rangs de l’extrême droite...
Si l’on prend juste les partis de gauche, pas une femme n’est dirigeante...
Il n’y a pas actuellement de femmes à la tête des principaux partis de gauche, mais tous les partis de gauche ont eu des présidentes: Martine Aubry pour le PS, Cécile Duflot à EELV et Marie-George Buffet pour le PCF. Je suis un homme, mais la direction du PS est paritaire et les femmes n’occupent pas des strapontins. Nos maires sont pour une large part des femmes. Et ma mission achevée, je serais ravi de laisser ma place à une femme.
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