Du sable radioactif du Sahara: cet autre grain de sable dans les relations franco-algériennes

DEVOIR DE MÉMOIRE - Dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie remis à Emmanuel Macron fin janvier, l’historien Benjamin Stora préconisait la reconnaissance officielle par la France de l’assassinat de l’indépendantiste algérien...

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DEVOIR DE MÉMOIRE - Dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie remis à Emmanuel Macron fin janvier, l’historien Benjamin Stora préconisait la reconnaissance officielle par la France de l’assassinat de l’indépendantiste algérien Ali Boumendjel. C’est chose faite depuis le 2 mars.

Dans un communiqué publié nuitamment par l’Élysée, Emmanuel Macron a reconnu, 64 ans après les faits, la responsabilité de l’armée française qui “a torturé et assassiné” l’avocat du FLN en mars 1957. Un meurtre maquillé à l’époque en suicide, comme l’avait avoué en 2000 le général Paul Aussaresses, ancien responsable des services de renseignement français à Alger.

En l’absence de réaction officielle en Algérie, c’est en regardant les JT francophones de la télévision d’État ce mercredi 3 mars que l’on peut appréhender, dans un premier temps, la façon dont la nouvelle a été reçue sur l’autre rive de la Méditerranée, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessus. “Un autre pas est franchi” : cette formule concise, répétée dans les éditions de la mi-journée et du soir de Canal Algérie, traduit à la fois la satisfaction de constater une réelle avancée dans les relations franco-algériennes et sous-entend qu’il reste encore un bout de chemin à parcourir avant de tourner la page de 132 années de colonisation.

“Macron ne présente pas d’excuses”, dira plus explicitement le commentaire du sujet consacré à Ali Boumendjel diffusé dans le journal de 19 heures. Depuis Paris, le 12/13 de France 3 a rappelé certaines critiques émises en Algérie à la lecture du rapport Stora car ’il ne recommande pas que la France s’excuse pour les actes commis pendant la période coloniale”.

Un “phénomène météorologique” très politique

À Alger, dans le studio du JT de midi, immédiatement après avoir conclu sa brève par l’annonce de l’entretien à l’Élysée du président français avec les petits-enfants d’Ali Boumendjel, la présentatrice a abordé sans transition un tout autre sujet. En apparence du moins. Car ce n’est qu’à la fin de son lancement décrivant un “phénomène météorologique rare” que se révèle le lien évident avec le sujet précédent.

“L’Europe a connu il y a quelques jours un phénomène météorologique assez rare : un nuage orange porteur de particules venu tout droit du grand Sahara qui a envahi notamment plusieurs villes françaises”, rappelle-t-elle d’abord. Mais pourquoi évoquer ce 2 mars un phénomène déjà observé début février? “Le nuage n’a pas transporté que des particules de sables”, poursuit la journaliste qui pointe “des traces radioactives détectées lors de son passage”. Et alors que tout laisse à penser que le JT va développer un angle scientifique, l’annonce de la cause de cette radioactivité laisse entrevoir un reportage à la tonalité autant historique que politique. “Les scientifiques sont formels : cette radioactivité vient des essais nucléaires de la France coloniale opérés en Algérie”, conclut la présentatrice.

Rarement mentionnées dans les JT français, archi dominés ces derniers mois par la situation sanitaire, les conséquences encore perceptibles aujourd’hui des essais nucléaires menés par l’armée française dans le désert algérien, pendant et après la colonisation, ont en revanche retenu l’attention de la rédaction de Canal Algérie. Si le commentaire du reportage, déjà diffusé le 28 février, précise d’emblée que “les traces radioactives” du sable porté par les vents jusqu’en Europe “ne sont pas dangereuses” pour la santé, il ne manque pas de sévérité à l’égard de l’ancienne puissance occupante.

Images chocs d’enfants nés malformés

Estimés à moins d’une vingtaine, ces essais nucléaires destinés à perfectionner la bombe atomique française sont ainsi qualifiés de “crime contre les Algériens que la France continue d’occulter”. Et de pointer “les effets radioactifs engendrés [qui] continuent et continueront encore de causer cancers, handicaps et stérilité”, principalement dans le sud de l’Algérie où l’armée française a réalisé ses opérations dont certaines n’ont été révélées que tardivement.

Des images chocs d’enfants nés avec des malformations illustrent ensuite les répercussions de cet “héritage macabre”. Conclusion sans appel de la télé algérienne : “que la France nettoie ces sites comme la Russie l’a fait à Tchernobyl en 1986 et le Japon à Fukushima en 2011″.

En démantelant ses installations militaires à partir de 1966, soit quatre ans après l’indépendance de l’Algérie, l’armée française a quitté les lieux en laissant derrière elle des débris enterrés sous le sable dont les fortes radiations affolent encore aujourd’hui les compteurs Geiger, comme en témoignent des reportages réalisés par France 3 en décembre 2020 et en 2007. L’Algérie et la France ont tardé à mettre en place des procédures évaluant les conséquences sur l’homme et son environnement des anciens sites militaires français laissés à l’abandon mais toujours accessibles aux populations locales qui viennent notamment récupérer des métaux comme le cuivre.

Si l’Élysée a répondu favorablement à la recommandation du rapport Stora sur la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel, la préconisation d’accélérer la coopération franco-algérienne sur les lieux des essais nucléaires en Algérie n’a, pour le moment, pas été suivi d’effet. Comme le rapporte Le Point, le gouvernement algérien a annoncé fin août 2020 que les instances chargées de cartographier la dangerosité des sites radioactifs afin de planifier une décontamination ne reprendront leurs travaux qu’après la pandémie.

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