Dupond-Moretti explique son revirement sur les cours criminelles

POLITIQUE - “Réveille-toi Éric!” Le ministre de la Justice a sans doute eu vent de l’interpellation de l’avocat Frank Berton dans la matinale de RMC. Il a, en tout cas, tenu à expliquer aux détracteurs de son projet de réforme, dont fait partie...

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Éric Dupond-Moretti explique son revirement sur les cours criminelles, qui crispent le monde de la justice

POLITIQUE - “Réveille-toi Éric!” Le ministre de la Justice a sans doute eu vent de l’interpellation de l’avocat Frank Berton dans la matinale de RMC. Il a, en tout cas, tenu à expliquer aux détracteurs de son projet de réforme, dont fait partie son ancien collègue au barreau de Lille, son changement de pied sur les cours criminelles départementales.

Après avoir vilipendé leur expérimentation quand il était encore avocat -en juin 2020 sur le plateau de l’émission “On n’est pas couché” par exemple-, Éric Dupond-Moretti prévoit maintenant de les généraliser, entre autres sujets épineux détaillés ce mercredi 14 avril en marge du Conseil des ministres.

Mises en place pour désengorger les assises, ces cours criminelles jugent en 1ère instance des crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion, majoritairement des viols, et sont composées de cinq magistrats professionnels, sans jury populaire.

De quoi faire craindre à certains, comme le garde des Sceaux jadis, la disparition des cours d’assises et “l’effacement du peuple d’un processus judiciaire dont il est pourtant le cœur battant”, selon les mots de Frank Berton, dans une tribune au vitriol publiée ce mercredi dans Libé.

Garanties présidentielles

“La cour d’assises ne sera pas supprimée, elle est revitalisée”, lui a répondu en substance le ministre de la Justice, sans nommer son ancien compagnon de route, mais en répétant que les avocats, “peut-être pas ceux qui causent le plus”, sont favorables aux cours criminelles.

Éric Dupond-Moretti reconnaît cependant avoir eu de nombreux doutes, en tant que ténor du barreau abonné aux cours d’assises, quant à la pertinence de ce nouveau dispositif. “J’ai eu très peur dans ma vie d’antan de ces cours criminelles, j’avais la conviction, pour ne pas dire la certitude, que ces cours criminelles allaient dévorer la cour d’assises traditionnelle et qu’elles allaient à terme les remplacer”, a-t-il expliqué, en écho à ce qu’il disait sur le plateau de France 2 il y a un peu plus d’un an, quand il qualifiait de “folie” l’initiative lancée par sa prédécesseure Nicole Belloubet. 

Autant de réserves levées à son arrivée place Vendôme. “D’abord, j’ai obtenu des assurances du président de la République, qui aime le jury populaire. La cour d’assises demeure en place pour les affaires les plus graves, et elle juge en appel les décisions qui auront été rendues par les cours criminelles départementales”, a-t-il expliqué ce mercredi en détaillant son texte.

Selon le ministre, “un certain nombre d’éléments” viennent de surcroît attester que ces “cours criminelles fonctionnent bien.” “D’abord, les remontées que nous avons eues de la part des magistrats, mais de la part également de beaucoup d’avocats, qu’on entend peut-être moins que d’autres”, a ainsi ajouté Éric Dupond-Moretti, mettant également en avant les taux d’appel différents, 21% pour les cours criminelles, 32% pour les cours d’assises traditionnelles, comme la preuve de la “satisfaction” des justiciables.

“Je suis là pour construire, pas pour détruire”, a-t-il ajouté. “Qu’auraient dit ces avocats si, d’un revers de manche, j’avais balayé tous ces arguments. On aurait dit ‘mais il est irresponsable, voilà une juridiction qui marche, qui va plus vite’”, a-t-il enfin répondu à une journaliste qui le questionnait sur les mots particulièrement rudes employés par certains de ses anciens collègues, dans la presse, à son égard.

“On s’attaque à un fondement de la justice”

Car au-delà des magistrats, brouillés avec leur ministre depuis sa nomination ou presque, plusieurs avocats médiatiques, connus du grand public, s’attachent à porter la réplique au garde des Sceaux. “On s’attaque à la participation du peuple au rendu de la justice, qui est un fondement de notre justice et un acquis révolutionnaire”, estime par exemple Christian Saint-Palais, le président de l’Association des avocats pénalistes, dans une entrevue à franceinfo, publiée ce mercredi.

Selon lui, la généralisation des cours criminelles au détriment de la cour d’assises sera contre-productive pour l’ambition du texte d’Éric Dupond-Moretti, à savoir renouer la confiance des Français envers leur justice. “Dans les sondages, nos concitoyens se disent nourris de sentiments de défiance à l’égard de leurs juges et de la justice. Quand ils viennent participer dans les cours d’assises, ils découvrent ce qu’est le travail d’un magistrat et la complexité à déterminer la juste peine”, veut-il croire.

À ce sujet, le texte du garde des Sceaux prévoit justement de rétablir une certaine “souveraineté populaire.” Ainsi, aux assises, les six citoyens tirés au sort et les trois magistrats professionnels ne pourront prononcer un verdict qu’à condition d’obtenir une majorité parmi les jurés populaires. Ce n’était plus le cas depuis 2011.

Pas de quoi rassurer Franck Berton pour autant. Cette autre figure connue des prétoires ne décolère pas quant au changement de pied de son ancien “compagnon de banc.” “Il a oublié sa robe, il en a le droit”, tonne désormais dans les médias celui qui voyait, en juillet 2020, la nomination d’Éric Dupond-Moretti comme “le signe d’une nouvelle époque concernant l’approche de la justice.” Il n’avait sans doute pas cela en tête.

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