“Eaux profondes” mais sans grand enjeu pour Ben Affleck et Ana de Armas

Adrian Lyne a affolé les années 1980 et 1990 avec une poignée de thrillers érotiques qui ont redéfini l’image trop sage du couple américain, en y combinant les ingrédients du sexe, de la jalousie et de la manipulation (Neuf semaines et demi,...

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Adrian Lyne a affolé les années 1980 et 1990 avec une poignée de thrillers érotiques qui ont redéfini l’image trop sage du couple américain, en y combinant les ingrédients du sexe, de la jalousie et de la manipulation (Neuf semaines et demi, Liaison fatale, Proposition indécente).

Comme chez d’autres cinéastes de cette génération (Verhoeven en tête avec Basic Instinct), la libido des personnages figure le moteur du suspense. L’autre particularité de ses films étant une tendance marquée à érotiser ses acteurs, comme dans Flashdance, son 1er succès, sommet de kitscherie eighties dont l’interprète principale, Jennifer Beals, malgré sa coiffure moutonnante, reste l’événement le plus mémorable.

Il faut que tout change pour que rien ne change

Le cinéaste remet ça aujourd’hui, vingt ans après Infidèle. Depuis son dernier film, en effet, beaucoup de temps a passé. Mais dans la tête d’Adrian Lyne, rien n’a changé. Et le réalisateur de L’Échelle de Jacob (seule incursion dans le genre fantastique, une réussite) va appliquer à la lettre le même programme que les fictions sulfureuses qui ont fait son succès. À savoir : un couple empêtré dans des jeux de pouvoir et de codépendance érotico-mortifère. Le prétexte lui est fourni par l’adaptation d’un livre de Patricia Highsmith (romancière de Monsieur Ripley et L’Inconnu du Nord-Express), déjà auparavant porté à l’écran par Michel Deville, avec Isabelle Huppert et Jean-Louis Trintignant (Eaux profondes, 1981).

C’est ce qui frappe le plus dans ce portrait d’amants enlisés dans des histoires de tromperies, qui vont peu à peu basculer dans la suspicion et le meurtre : sa parfaite imperméabilité à notre époque. Lyne tricote une intrigue exactement comme si depuis les nineties, le monde n’avait pas changé, le couple hétéronormé ne s’était pas remis en cause et les gens ne possédaient pas d’ordinateur chez eux. Ce décalage d’un genre avec son temps a presque quelque chose de fascinant. Il flotte dans son coin, comme une petite machine désamarrée de tout.

Cette déconnexion est une porte ouverte à tous les poncifs, enfermant mari et femme, justement, dans des stéréotypes de genre : d’un côté la mère au foyer qui s’ennuie et flirte avec tous les hommes qui passent à sa portée ; de l’autre le mâle impuissant et jaloux qui se met à disjoncter. Dans ce type d’intrigue, la moindre des subtilités serait au moins de laisser planer un doute sur la véracité des faits (délire ou réalité ?). Ou d’aller au bout de cette logique perverse, en montrant comment le crime peut devenir un jeu (ce qui est le cas dans le roman). Mais Eaux profondes pêche par paresse, ou manque de nerf, et s’enlise dans un thriller sans enjeu, mou et pataud.

Malgré tout, on doit reconnaître à Lyne un désir inentamé pour ses interprètes. Si on s’attache tout de même à cette histoire, c’est grâce à la manière dont sa caméra tourne amoureusement autour du couple formé par Ben Affleck et Ana de Armas (actrice cubaine aperçue dans Blade Runner 2049, Mourir peut attendre ou encore Cuban Network d’Olivier Assayas.) Après Mickey Rourke, Kim Basinger, Michael Douglas ou encore Demi Moore, qui doivent au cinéaste l’éclosion de leur sex-appeal, les deux acteurs dégagent une aura sensuelle affolante, et leur petit jeu du chat et de la souris, claquemuré dans une maison bourgeoise d’une banlieue de la Nouvelle-Orléans, fonctionne à merveille. Dommage qu’à force d’ellipses et de pudeur, ce film soi-disant sulfureux ne compte aucune scène de sexe valable à se mettre sous la dent.

Eaux profondes d’Adrian Lyne, en exclusivité sur Prime Video le 18 mars.