“El (Tourments)” de Luis Buñuel : la paranoïa discrète de la bourgeoisie

Mexique, début des années 1950. Galván De Montemayor, la bonne quarantaine, est un homme qui porte beau et un fervent catholique. Quand le film commence, il assiste un prêtre dans la cérémonie du lavage des pieds, qui a lieu traditionnellement...

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Mexique, début des années 1950. Galván De Montemayor, la bonne quarantaine, est un homme qui porte beau et un fervent catholique. Quand le film commence, il assiste un prêtre dans la cérémonie du lavage des pieds, qui a lieu traditionnellement tous les jeudis saints (juste avant Pâques), et qui rappelle la scène où Jésus, avant son dernier repas et en signe d’humilité, lava les pieds de ses apôtres.

Le prêtre lave, essuie, puis embrasse successivement les pieds des enfants de chœur. Galván De Montemayor, un peu distrait, égare son regard sur les pieds des fidèles présents. Des pieds de femmes semblent lui plaire, il lève son regard et découvre une jolie jeune femme qui semble troublée par l’attitude insistante de Montemayor… Mais elle disparaît à la fin de la messe et il perd sa piste.

Gloria Milalta, c’est son nom, va pourtant devenir sa femme, après une cour très assidue de la part de ce grand bourgeois propriétaire foncier, dont elle apprendra plus tard qu’il était encore vierge lorsqu’il l’a épousée. Mais le fétichisme des pieds suggéré dans la scène d’ouverture n’est qu’une vétille, l’un des moindres défauts de Montemayor. Très vite, son épouse va découvrir un homme jaloux, très jaloux. Mais personne ne la croit. Il va sombrer progressivement dans une terrible paranoïa.

Inspiré d’un roman autobiographique

Librement inspiré d’un roman qu’on dit autobiographique (!) de l’écrivaine Mercedes Pinto, El dresse avec une extrême précision le portrait d’un homme qui sombre peu à peu dans le sentiment de persécution, dans l’idée que tout le monde le trahit et se moque même de lui. La bourgeoisie et l’Église, deux institutions patriarcales dont Montemayor est un membre important, un notable éminent, ne voient rien de sa folie ou la nient malgré les déclarations de Gloria.

Buñuel, après la brillante scène d’ouverture décrite plus haut, va mettre en scène des petits scénarios fantasmatiques et sadiques où la folie de son héros – Buñuel disait qu’il avait mis beaucoup de sa propre personnalité en lui – va s’exprimer.

Lors d’une scène de clocher effrayante (qui rappelle d’ailleurs Vertigo d’Hitchcock), Montemayor, à l’ombre du battant phallique de la cloche (comme la tête de Fernando Rey dans Tristana), exprime à son épouse toute sa détestation pour les humains. On voit aussi diverses activités avec des aiguilles, soit pour tenter de crever l’œil d’un éventuel voyeur – souvenez-vous d’Un chien andalou, le tout 1er film de Buñuel, où on le voit, lui-même, découper l’œil d’une femme avec un rasoir –, soit pour tenter de coudre le sexe de sa femme (on ne sait pas trop, on imagine, c’est tout le génie de Buñuel).

Film clinique tragique, El, dit-on toujours, était parfois projeté par Jacques Lacan à ses étudiants. Ajoutons que c’est aussi un film très drôle, d’un humour très noir, bien sûr. Et le film d’un grand cinéaste. Luis Buñuel y témoigne d’un sens du découpage et de la composition qui font mouche à chaque plan.

El (Tourments) de Luis Buñuel, en salles le 2 novembre.