Élisabeth Moreno sur l'inclusion des LGBT+: "Toute la société doit être éduquée"

LBGT+ - C’est un ministère dont même ses occupants reconnaissent qu’il est plus celui “de la parole que de l’action”. Nommée le 6 juillet dernier en pleine crise sanitaire à la tête du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes,...

Élisabeth Moreno sur l'inclusion des LGBT+: "Toute la société doit être éduquée"

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La ministre déléguée à l'Égalité femmes-hommes Elisabeth Moreno à l'Elysée le 7 juillet 2020.

LBGT+ - C’est un ministère dont même ses occupants reconnaissent qu’il est plus celui “de la parole que de l’action”. Nommée le 6 juillet dernier en pleine crise sanitaire à la tête du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et l’égalité des chances, Élisabeth Moreno ne désespère pas de faire mentir cette réputation.

Si certains parlementaires et associatifs interrogés par Le HuffPost lui reconnaissent son ”écoute” et son “pragmatisme”, l’ancienne cheffe d’entreprise de 50 ans avance avec prudence dans les sables mouvants de la politique. Peu visible dans les médias, Élisabeth Moreno doit encore sortir de l’ombre de sa prédécesseure, Marlène Schiappa. La semaine dernière, la ministre a changé de braquet en se lançant dans une opération communication sur les sujets LGBT+, enchaînant déplacements, visioconférences, pluie de mails à la presse et de tweets, plus d’une trentaine en cinq jours.

C’est à l’occasion de son déplacement au lycée George Braque, à Argenteuil, où elle était venue visiter une exposition visant à “promouvoir une éducation inclusive et faire reculer les préjugés”, qu’Élisabeth Moreno nous a dévoilé son agenda pour l’égalité, des zones “sans idéologie LGBT+” en Pologne à la PMA pour toutes jusqu’aux cours d’éducation sexuelle.

LE HUFFPOST: L’école en fait-elle assez pour accueillir les élèves LGBT+?

ÉLISABETH MORENO: Commençons par dire que c’est toute la société qui doit être éduquée, sensibilisée, formée et informée sur les questions LGBT+. Ça commence à la maison, ça se poursuit à l’école, puis dans le monde professionnel et dans les médias. Si les mentalités n’évoluent pas, si les personnes ne déconstruisent pas leurs préjugés, on n’y arrivera pas. Car les lois ne font pas tout. Elles sont là pour protéger les personnes et sanctionner quand les droits ne sont pas respectés, mais elles ne vont pas nous apprendre à aimer l’autre.

Ça, c’est pour le constat. Concrètement, que peut faire le gouvernement pour améliorer leur inclusion et lutter contre le harcèlement scolaire?

La première chose à faire est d’aider le corps enseignant à se saisir de ces questions, c’est ce à quoi nous nous attelons avec Jean-Michel Blanquer. Il y a encore dix ans, on ne parlait pas ou peu des questions LGBT+ à l’école. Certains professeurs n’ont jamais entendu parler de ces sujets dans leur formation et ne savent pas comment s’y prendre. Il faut donc trouver les bons outils pour parler sereinement de ces questions, sans choquer. Le ministère de l’Éducation nationale va créer un site internet dédié “Éduquer contre les LGBTphobies” à destination du corps enseignant pour la prochaine année scolaire. 

Nous avons également décidé de rédiger un guide d’accompagnement dédié aux personnes trans. Après le drame de Lille (où une collégienne trans s’est suicidée en décembre dernier, NDLR) et face à la souffrance des enfants trans à l’école, il faut se rendre à l’évidence: l’école n’est pas suffisamment équipée. 

Faut-il aussi s’assurer de la bonne tenue des cours d’éducation sexuelle à l’école?

Oui, car bien que l’éducation sexuelle soit dans les programmes scolaires et obligatoire depuis longtemps, certains établissements ne s’en saisissent pas. Nous avons donc décidé de lancer avec le ministère de l’Éducation nationale un audit pour identifier ces institutions, comprendre quels sont leurs freins et le cas échéant, améliorer son contenu et son déploiement effectif. La lettre de mission a été signée fin septembre 2020 et a démarré en janvier. Les conclusions sont attendues pour juin 2021 pour une mise en œuvre à la rentrée prochaine.

 

Nous devons permettre aux élèves trans d’utiliser leur prénom d’usage (...) que ce soit à l’école, au collège et au lycée

 

Êtes-vous favorable à ce que les élèves trans puissent utiliser leur prénom d’usage à l’école, au collège et au lycée?

Personnellement, je pense que nous devons permettre aux élèves trans d’utiliser leur prénom d’usage, sans qu’il soit nécessaire de toucher à l’état civil, que ce soit à l’école, au collège et au lycée et c’est ce qui est d’ailleurs prévu dans le cadre de notre plan LGBT+. Montrer à la personne qu’on la reconnaît et qu’on accueille sa transition, c’est aussi lui donner la possibilité d’utiliser son prénom d’usage. Beaucoup de collèges et de lycées se demandent si les enfants sont capables de reconnaître leur identité de genre à cet âge-là. Mais on parle d’un prénom, pas d’un changement d’état civil.

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a facilité le changement d’état civil pour les personnes trans, mais elles doivent encore passer devant un juge. Faut-il faire évoluer cette loi?

Je veux d’abord saluer la présence à mes côtés d’Éric Dupont-Moretti lors du lancement du comité de suivi du plan. Le ministère de la Justice est favorable à ce que soit menée une évaluation de la loi sur ce point pour connaître le nombre de demandes, le nombre de décisions favorables et le nombre de refus ainsi que les délais de procédure. 

Ma conviction est que cette loi devrait évoluer et qu’elle va évoluer. Mais c’est une discussion que nous aurons avec le ministère de la Justice après l’évaluation. Par ailleurs, une étude comparée avec les autres pays européens sera également menée.

Votre collègue Clément Beaune n’a pas pu se rendre dans une des 80 zones dites “sans idéologie LGBT+” en Pologne. L’accompagnerez-vous la prochaine fois?

Oui, nous irons en Pologne ensemble dès que ce sera possible. Cela a fait partie de mes premiers échanges avec lui et c’est l’une de mes priorités. En ce qui concerne les droits humains, nous ne pouvons pas accepter en Europe de recul. Si le gouvernement polonais ne respecte pas les libertés, les droits et les valeurs de l’Union européenne, il faut regarder comment sanctionner, notamment financièrement.

Sur les questions internationales, vous vous êtes récemment déclaré “personnellement favorable à la GPA si elle est ‘très encadrée’”. Parliez-vous de la GPA dite ‘éthique’ telle qu’elle existe au Royaume-Uni?

Je tiens à dire en premier lieu que ce sujet ne fait pas partie des promesses de campagne du Président. La priorité à ce stade c’est la PMA pour toutes. Et je suis pleinement mobilisée pour qu’elle devienne au plus vite effective. Ceci étant dit, ce que je voulais dire lorsque je me suis exprimée favorablement à titre personnel concernant une GPA éthique et très encadrée, c’est que dès lors qu’il y a un cadre juridique, cela évite des débordements et des situations très compliquées. La société évolue, les choses bougent, et il faudra bien qu’on ait une discussion sur ce sujet un jour, même si je sais que ça n’arrivera pas tout de suite. Par ailleurs, nous savons qu’il y a des enfants en France nés par GPA et ces enfants doivent être protégés. 

Sur ce dernier point, le gouvernement souhaite pourtant que le parent d’intention adopte son enfant, à rebours des arrêts de la Cour de cassation...

Je ne vois aucune volonté de sanctionner, mais plutôt des recherches de solutions à des questions de société qui n’existaient pas il y a encore quelques années. La GPA reste interdite en France. Dans le même temps, il ne faut laisser aucun enfant sans filiation et le ministère de la Justice est en train de réfléchir à la meilleure manière de procéder sur ce sujet.

Il y a quelques semaines, des milliers d’hommes ont témoigné des violences qu’ils ont subies à travers le hashtag #MeTooGay. Qu’avez-vous pensé de ce mouvement?

J’ai été bouleversée. J’ai voulu commencer par leur dire qu’on les entend et qu’on les croit. Cette libération de la parole est extrêmement précieuse. Il faut protéger ces personnes qui parlent et les accompagner. Parler, c’est le début de la guérison.

Il existe pourtant peu de lieux pour entendre la parole des personnes LGBT+, le 3919 ayant surtout vocation à accueillir la parole des femmes. 

Effectivement. J’ai eu cette discussion avec Françoise Brié, la présidente du FNSF (fédération qui gérait jusque-là le 3919, NDLR), sur le fait qu’il n’était pas forcément très clair que la ligne était également accessible aux personnes gays et lesbiennes. Dans le travail que nous sommes en train de faire pour rendre le 3919 plus accessible et inclusif, nous prévoyons de communiquer pour faire savoir aux personnes LGBT+ qu’elles peuvent elles aussi appeler et être accompagnées.

 

Je souhaiterais que Sciences Po Paris soit dirigé par une femme

 

Une crise interne secoue actuellement la fondation Le Refuge. Allez-vous saisir l’IGAS?

J’ai bien pris bien connaissance des dysfonctionnements dénoncés par l’audit qui a été rendu. Ils sont très divers et très graves pour certains, mais l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) n’est pas forcément la structure la plus adaptée. Les services de l’État sont en tout cas pleinement mobilisés. La Dilcrah, par exemple, suit attentivement la réorganisation en cours et à la bonne mise en œuvre de ce changement, nécessaire. Cette fondation est une structure dont on a besoin et qui a fait ses preuves. 

Souhaiteriez-vous que la présidence du Refuge soit occupée par une femme?

Bien sûr! Comme j’aimerais qu’il y ait plus de femmes à la tête des grandes entreprises du CAC40. Tout comme que je souhaiterais que Sciences Po Paris soit dirigé par une femme. La dernière fois que j’ai eu une réunion avec la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal et les directeurs des Instituts d’études politiques français, il y avait deux femmes et huit hommes. Mais enfin! Est-il normal qu’en 2021 une seule femme dirige une entreprise du CAC40? C’est d’ailleurs pour ça que je pense nécessaire d’avoir des mesures et indicateurs chiffrés pour rééquilibrer tout ça. On part de tellement loin que si nous n’avons pas une volonté forte sur la question du nombre de femmes aux postes stratégiques, on n’y arrivera jamais.

Vous prônez la parité, pourtant sur les 318 héros issus de la diversité que veut honorer Macron, dont Le HuffPost avait dévoilé la liste, seuls 21% sont des femmes…

La démarche du président de la République est juste. L’histoire de la France s’est construite grâce à des personnes françaises extraordinairement impliquées, mais il y avait également des personnes qui n’étaient pas Françaises et qui aimaient profondément ce pays. Est-ce que je suis heureuse de voir ces 21% de femmes seulement? Non! C’est regrettable qu’il n’y en ait pas plus. Et en même temps ça va dans le sens de l’Histoire. Leur contribution a toujours été présente, mais elle n’a pas été suffisamment reconnue. Les femmes sont restées dans l’ombre, invisibilisées du fait d’un système patriarcal ancestral. Le simple fait qu’on se scandalise qu’il y ait si peu de femmes, c’est déjà un succès. Parce que ça veut dire que dans l’esprit des gens, ça n’est plus acceptable.

C’est un peu facile...

Je vous le redis: ce faible pourcentage de femmes est lié à la façon dont l’Histoire a été écrite. Vous connaissez cet adage qui dit que ‘tant que c’est le chasseur qui racontera l’histoire, le chasseur sera toujours le héros’. Tant que nous n’aurons pas suffisamment de femmes qui tiennent le stylo pour raconter des histoires, on se retrouvera toujours dans ce genre de situation. Mais cette liste qu’a proposée la ministre Nadia Hai est un premier tome et je ne désespère pas qu’on arrivera à un meilleur équilibre dans le prochain.

D’ailleurs, avez-vous eu gain de cause sur la panthéonisation de Gisèle Halimi?

Pas encore, mais je suis quelqu’un de très optimiste. Je n’abandonnerai pas parce que je trouve que c’est juste. Sur les 80 personnes au Panthéon, il n’y a que cinq femmes. Je crois que c’est assez parlant.

À voir également sur Le HuffPost: Geneviève Garrigos milite sur un seuil d’âge pour le non-consentement