Empoisonné puis incarcéré, Alexeï Navalny devient une figure face à Poutine pour l’Europe et au-delà
Le retour d’Alexeï Navalny à Moscou, après un changement d’aéroport effectué quelques minutes avant l’atterrissage, a replacé la Russie sur les Unes des journaux du monde. Au-delà de la suite concrète de la détention du –désormais incontestable–...
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Le retour d’Alexeï Navalny à Moscou, après un changement d’aéroport effectué quelques minutes avant l’atterrissage, a replacé la Russie sur les Unes des journaux du monde. Au-delà de la suite concrète de la détention du –désormais incontestable– premier opposant à Vladimir Poutine, ou de ses appels à manifester le 23 janvier partout dans le pays, une chose est sûre: la perception occidentale du pays de Poutine va passer à partir de maintenant inéluctablement par le prisme Navalny.
Depuis la tentative d’assassinat, attribuée par le site d’investigation Bellingcat aux services secrets russes, le 20 août 2020, et jusqu’à son retour à Moscou le 17 janvier 2021 à bord d’un avion de la compagnie aérienne Pobeda (“Victoire”), Alexeï Navalny s’est vu transformer d’un opposant à Poutine à l’avenir incertain, en un poids lourd de la politique russe. Loin de le faire taire, comme l’espéraient probablement les commanditaires de l’utilisation du Novitchok, cet attentat domestique avait fourni à Navalny une aura de martyr de Poutine, et une occasion en or de démontrer son courage et sa prise de position civile, et civique.
Bon communicant, Navalny crée des symboles et des éléments d’accroche pour la partie active de la population russe. Ses investigations sur le pouvoir corrompu, dont la dernière en date a paru hier (19 janvier 2021 –vue 1 million de fois rien que pendant la première heure de sa mise en ligne), se partagent à une vitesse qui fait grincer les dents, y compris de jalousie, aux plus puissantes machines de propagande étatique russes. Pourtant, tout cela ne suffit bien évidemment pas: comme le souligne Vladislav Inozemtsev, fin analyste des réalités slaves, pendant que les vidéos de la Fondation anti-corruption de Navalny accumulent des millions de vues, de likes, et de partages, ses appels à manifester ne mobilisent que quelques milliers de personnes seulement. Dans cette “société sans citoyens”, le capital médiatique, qui n’existe que pour la population éduquée, connectée, et largement pro-démocratique, n’est pas facilement convertible en des solutions tangibles. Ayant en face des autorités de plus en plus désabusées, le roi de plus en plus nu qui ne cache plus, ou guère, que les lois et les forces de l’ordre ne sont que des instruments de son pouvoir quasi-absolu, les retweets des supporters ne suffiront probablement pas.
Navalny devient, presque malgré lui, une référence pour les chancelleries occidentales, un appui dans leur volonté de voir la Russie changer de cap.
Les discussions enflammées embrasent certes les réseaux russes. D’un côté, les “pessimistes” –pour eux, Navalny ira en prison, la vis sera encore plus serrée, et l’Occident fera ce qu’il fait toujours si bien: regarder ailleurs quand l’économie le demande. Avec eux, croisent le fer les “optimistes”, qui “se sont réveillés dans un nouveau pays”, et qui croient que les jours de Poutine au Kremlin sont déjà comptés.
L’avenir, comme nous le savons, n’est pas un objet de connaissance: nul ne saura prédire ce qui se découlera du retour de Navalny dans les jours, les semaines, et les mois à venir. Si l’année 2020 nous a appris une chose, c’est qu’il faut accepter avec humilité la nature contingente de la politique et des dynamiques sociales.
Cela étant dit, un constat peut déjà être fait. Le séjour de Navalny en Allemagne, qui plus est sur l’invitation d’Angela Merkel, renforcé par le front uni et vraisemblablement coordonné des réactions occidentales à son arrestation diligente, souligne l’importance que prend la figure de Navalny pour l’Europe et les États-Unis. Survivant d’une attaque d’une violence étonnante même pour les connaisseurs de Vladimir Poutine, Navalny a gagné un crédit de confiance extraordinaire en Occident –ne serait-ce que par défaut d’autres options. Cet horrible événement, qui pour des raisons tristement évidentes ne verra aucune enquête officielle ouverte sous le gouvernement russe actuel, a permis à Navalny de devenir ce que l’Europe cherchait depuis longtemps: un interlocuteur russe parallèle à Vladimir Poutine. Navalny devient, aujourd’hui, un “numéro de téléphone” alternatif de Russie: et un numéro crédible, soutenu (ou en tout cas suivi) par une frange non négligeable de la population, et presque officiel. L’importance de ce fait n’est pas ignorée à Moscou: aujourd’hui, à sa première session de l’année, la Douma –la chambre basse du parlement– s’est lâchée sur Navalny qui ne serait qu’un espion étranger, un agent discrédité à la solde des services secrets occidentaux.
Il y a donc un avant et un après dans cette histoire.
L’avant, c’est quand Vladimir Poutine pouvait expliquer à Emmanuel Macron que Navalny n’était qu’un “simple trublion sur Internet” indigne de l’intérêt des Jupiter de ce monde.
L’après, où il devient, presque malgré lui, une référence pour les chancelleries occidentales, un appui dans leur volonté de voir la Russie changer de cap.
On ne peut pas prédire l’avenir de la Russie, mais on peut, au moins, en envisager désormais un différent.
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