En Afghanistan, le retrait des Américains ouvre un boulevard à la realpolitik de la Chine

La realpolitik a peut-être plus que jamais ses raisons que la politique occidentale ignore de plus en plus chaque jour. Il est loin le temps où l’Occident triomphant cherchait non seulement à renverser des dirigeants autoritaires, y parvenait,...

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Un membre de la garde d'honneur militaire chinoise tient un drapeau rouge à l'occasion d'une cérémonie d'accueil du chef de l'exécutif afghan, Abdullah Abdullah, à Pékin en Chine, le 16 mai 2016. (Photo credit NICOLAS ASFOURI/AFP via Getty Images)

La realpolitik a peut-être plus que jamais ses raisons que la politique occidentale ignore de plus en plus chaque jour. Il est loin le temps où l’Occident triomphant cherchait non seulement à renverser des dirigeants autoritaires, y parvenait, exportait la démocratie, et se mettait les nouveaux régimes de son côté. Il est loin aussi le temps où une guerre engagée par les Américains débouchait forcément sur une victoire et le triomphe des valeurs universalistes et parfois faussement démocratiques de Washington et de l’Europe.

Ce que l’on constate depuis quelques années sur le nouvel échiquier géopolitique mondial, c’est de plus en plus de situations catastrophiques d’échec et mat pour les responsables occidentaux, qui à l’image de leur porte-étendard américain, ont longtemps cherché à défendre des valeurs démocratiques universelles qu’ils imaginaient pouvoir apporter à des pays qui n’auraient attendu que cela. Un à un, les grandes situations de crises mondiales, du Sahel à l’Afghanistan en passant par la Syrie prouvent le contraire. Et l’arrivée en grande pompe de Pékin à Kaboul, au moment où les derniers soldats US s’en vont, en est la dernière démonstration la plus frappante.

 

La Chine a un agenda politique clair: l’impérialisme depuis la Mer de Chine jusqu’au vieux continent, en passant par les Amériques jusqu’aux confins de la mer jaune et de l’Australie.

 

La Chine s’est toujours cartographiée au milieu du monde. Elle a aujourd’hui un agenda politique clair, pour allier le texte à la parole, et qui vise à l’impérialisme depuis la Mer de Chine jusqu’au vieux continent, en passant par les Amériques jusqu’aux confins de la mer jaune et de l’Australie. L’objectif de la Chine est loin de celui qu’imaginait l’intellectuel Francis Fukuyama, qui la voyait rejoindre progressivement les rives démocratiques de l’Occident.

Il n’en est rien et cela lui réussit, dans un monde qui s’autoritarise et se populise, donc pourquoi changer? En crise avec Canberra, avec les Européens, avec ses voisins asiatiques, avec l’Inde, le régime communiste est aussi en proie à des tensions inédites d’un point de vue économique avec Washington. Là où l’extension géographique et territoriale ou mentale est bloquée, la Chine poursuit sa conquête mondiale dans des pays autoritaires, des continents instables, ou des pays en guerre. C’est à peu près la même stratégie dont a usé Moscou avec la Syrie par exemple: dans un régime fort confronté à la guerre civile, et devant le refus de Barack Obama d’intervenir contre Daech et contre Bachar Al Assad, la Russie de Poutine a très bien compris son intérêt historique, politique, géopolitique et économique à venir sauver le régime de Damas et combattre Daech pour s’implanter de nouveau fortement au Moyen-Orient. La Chine profite du même mécanisme, déjà en Afghanistan depuis l’annonce du retrait américain d’un pays où Washington n’est parvenu à peu près à rien en 20 ans, et comble du comble, ouvre un boulevard au régime chinois, qui pour ses intérêts à conquérir le “heartland” eurasiatique que représente le pivot afghan, aura déjà oublié que Kaboul avait en son temps tué le dernier chef communiste du pays. La realpolitik a ses raisons que la mémoire ne pourrait entraver.

 

L’objectif de la Chine est loin de celui qu’imaginait l’intellectuel Francis Fukuyama, qui la voyait rejoindre progressivement les rives démocratiques de l’Occident.

 

Il se passera sûrement la même chose au Sahel, quand la France aura fini d’évacuer ses troupes présentes au Mali, incapables de venir à bout des groupes djihadistes locaux, d’Al Qaïda, et de l’État islamique entre autres. C’est “le temps des prédateurs” (Odile Jacob, 2020), pour paraphraser l’ouvrage de François Heisbourg. 

Comme aux Nations Unies avec son veto, Pékin pourra jouer la politique de la chaise vide et surtout remplir le vide abyssal qui s’offre à elle depuis que les Occidentaux quittent un à un des terrains politiques à feu et à sang livrés aux guerres civiles, à l’effondrement de l’État et à la montée de clivages sociétaux explosifs. Ce que peut Pékin, et qui pose de plus en plus de problèmes à l’Occident moralisateur, c’est se rapprocher par des alliances parfois contre-nature de régimes en place bien contraires aux valeurs démocratiques- ce qui en soi n’est aucunement un problème pour la dictature chinoise bien sûr- et avec encore moins de complexes que ne le faisait la Russie jusqu’à maintenant.

La Chine est là pour mettre en place ses nouvelles routes de la Soie, qui de Pékin à l’Europe, lui permettront une mainmise économique majeure sur tous les terrains où elle a déjà posé ses valises de capitaux. Mais pas que: l’Afghanistan ne peut basculer dans une nouvelle guerre civile au risque de contrecarrer ses plans. Il faut donc sécuriser le pays, et se rapprocher de ceux qui vont bientôt prendre le pouvoir inexorablement. Et ce sont les Talibans qui font une percée fulgurante depuis quelques semaines, de Kandahar vers Kaboul, comme jamais. Leur retour est annoncé depuis des mois. L’Occident a failli là où l’Empire du Milieu qui devient un Empire externalisé réussira sûrement. Stabiliser au nom de la realpolitik, asservir les pays à ses propres intérêts, comme l’a fait Moscou avec Damas, lorsque la Russie a voulu maintenir pour elle cette fenêtre ouverte vers la Méditerranée, et y acheminer notamment son gaz naturel. Vu le glissement du monde vers l’autoritarisme, le populisme, condamnant en gros la démocratie à une peau de chagrin américaine et européenne, la Chine a de beaux jours devant elle, ne reculant devant rien pour placer ses pions. Pendant que Paris et Washington protestent contre ces régimes mais quelque part aussi contre eux-mêmes et leur incapacité à avoir anticipé ce glissement du monde, la Chine a avancé en silence, sans faire de bruit. Elle est désormais partout.

 

L’Occident a failli là où l’Empire du Milieu qui devient un Empire externalisé réussira sûrement.

 

Comment bloquer dorénavant cet entrisme qui s’apparente à une nouvelle invasion politique, économique et culturelle mondiale, à un basculement du monde? Difficile à dire, tant la probable stabilisation de l’Afghanistan par la force politique et militaire chinoise pourrait donner des gages à la Chine qui en échange amènera business, capitaux, et prospérité, comme en Afrique, là où les Occidentaux n’ont hélas laissé que chaos et guerres civiles.

 

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