En les élevant, j'ai laissé mes filles s'épanouir. Maintenant qu'elles le sont, à mon tour - BLOG

cinquante-deux ans. Je continue de me lever à six heures. Plus rien ne m’y oblige, ni personne, mais mon cerveau n’a toujours pas fait d’update et mon corps non plus. Alors j’en profite et ça me va bien." data-caption="Moi, j’ai cinquante-deux...

En les élevant, j'ai laissé mes filles s'épanouir. Maintenant qu'elles le sont, à mon tour - BLOG

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Moi, j’ai a href=cinquante-deux ans. Je continue de me lever à six heures. Plus rien ne m’y oblige, ni personne, mais mon cerveau n’a toujours pas fait d’update et mon corps non plus. Alors j’en profite et ça me va bien." data-caption="Moi, j’ai cinquante-deux ans. Je continue de me lever à six heures. Plus rien ne m’y oblige, ni personne, mais mon cerveau n’a toujours pas fait d’update et mon corps non plus. Alors j’en profite et ça me va bien." data-rich-caption="Moi, j’ai cinquante-deux ans. Je continue de me lever à six heures. Plus rien ne m’y oblige, ni personne, mais mon cerveau n’a toujours pas fait d’update et mon corps non plus. Alors j’en profite et ça me va bien." data-credit="Nathalie M." data-credit-link-back="" />

FEMMES —À mes poulettes, si un jour elles sont mamans. Mais si au final, elles n’avaient pas envie d’avoir d’enfants, je ne leur en voudrais pas et les aimerais tout pareil.

Hier, on m’a demandé si je m’étais épanouie pendant toutes ces années où j’ai élevé mes filles. Merci pour cette question que je n’avais jamais trouvé le temps de me poser

“Sépanouir: verbe pronominal, éclore, se détendre, devenir joyeux”. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Petit Robert.

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Épanouie? Non!

J’ai donc repensé à cette longue, longue, longue période qui s’est achevée sans préavis, quasiment du jour au lendemain, et la réponse est non.

Non, je ne me suis pas épanouie en élevant mes filles. Je me suis énervée des milliers de fois sur le pas de la porte au petit matin quand l’une oubliait la moitié de ses affaires et que l’autre trépignait d’impatience devant l’ascenseur. Je me suis avalée des kilomètres et des kilomètres de bouchons, du portail devant la maison jusqu’au bureau, en passant par le collège de l’une et le lycée de l’autre.

J’ai passé des demies journées et des quarts de week-ends dans des salles d’attente de pédiatres, remplies de morveux-fiévreux-nauséeux. Je me suis farci toutes les réunions de parents d’élèves sauf une, la toute dernière, je crois. J’ai patienté des plombes pendant que les parents du premier de la classe demandaient au prof de physique de 5e si leur petit génie serait pris en prépa après le bac. J’ai posé plein de questions que les autres parents d’élèves n’osaient pas poser: “Excusez-moi Madame, est-ce que les autocars seront bien équipés de ceintures de sécurité?”.

Je n’ai pas raté un seul spectacle de fin d’année. Même pas celui où la petite chantait Brassens déguisée en moule. Et je me suis lyophilisée, en plein cagnard, à toutes les répétitions de ces foutus spectacles.

J’ai hurlé des milliers de fois à en faire blêmir Lara Fabian. J’ai puni. J’ai menacé. J’ai confisqué des Nintendo DS. J’ai restreint des forfaits téléphoniques. J’ai giflé trop souvent. Pardon. C’était nul. J’ai pleuré aussi.

J’ai nettoyé des vomis de toutes les couleurs. J’ai exterminé un à un des centaines de poux super résistants. J’ai épongé des chagrins d’amour et des bien plus gros que ça aussi. J’ai pris plein de choses avec moi sous la couette: des angoisses de veilles de rentrées, des cauchemars, des toux d’irritation et même des gastros super contagieuses. J’ai appris à ne dormir que d’un œil et que d’une oreille, jusqu’à ce que le bruit des clés dans la porte se fasse enfin entendre, à cinq heures du matin.

Si s’épanouir, c’est ”éclore”, comme le dit Robert Le Petit, alors ça veut dire prendre toute la place. Moi, j’ai laissé la mienne à mes filles. Je me suis mise de côté pendant qu’elles s’épanouissaient. Parce que c’était elles ou moi, qu’il n’y avait pas la place pour deux. Et encore moins pour trois.

Nourrie? Oui!

Bon, maintenant, soyons clairs, je ne dirais pas non plus que je me suis sacrifiée sur l’autel de la parentalité. Je ne me suis pas épanouie, c’est vrai, mais j’ai fait autre chose: je me suis nourrie. Je me suis gavée même. De rires, de cris, de crises, d’amour, de tendresse, de colères et de toutes nos imperfections. Je ne me suis pas épanouie, mais quand même, c’était chouette. Parfois quand j’y pense, j’en reprendrais bien un peu, juste par gourmandise. On retournerait dans les bouchons au petit matin et on rechanterait toutes les trois. On massacrerait “Total Eclipse Of The Heart”. Ou on s’engueulerait.

Aujourd’hui, Marion a vingt-quatre ans et Sophie vingt et un. Elles ont leur vie, leurs études, leur chéri. Je ne les surveille plus, mais je les regarde; je les observe et j’aime tout chez elles: leur mec, leurs copines, leurs copains, leur personnalité, tout. Si elles n’avaient pas été mes filles, elles auraient été mes copines c’est sûr. Désormais, on se parle aussi de femme à femme et ça pour le coup, c’est épanouissant.

Cette année, pour le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Le HuffPost donne la parole à celles qu’on ne voit plus parce que les enfants sont grands et qu’elles n’en feront pas d’autres, parce que leur carrière est derrière elles ou que la ménopause vient bouleverser leur sexualité. Elles sont là et pour elles, avoir plus de 40, 50 ans ou 60 ans n’est pas une fin, au contraire, c’est un début d’une nouvelle, voire de nouvelles vies.

Prête à reprendre le fil de mon histoire là où je l’avais laissé, vingt ans auparavant

Moi, j’ai cinquante-deux ans. Je continue de me lever à six heures. Plus rien ne m’y oblige, ni personne, mais mon cerveau n’a toujours pas fait d’update et mon corps non plus. Alors j’en profite et ça me va bien.

Avec Chouchou (mon compagnon, NDLR), on a enfin acheté une maison à la montagne. On y est déjà cinq jours sur sept et à terme, ça pourrait bien être pire…

Le matin, j’arrive sur ma terrasse avant le jour. Je médite pour de vrai au milieu d’un millier de bruissements d’ailes jamais entendus avant. J’ai enfin appris à faire la posture sur la tête au yoga. Juste avant que mon rhumato ne me l’interdise pour cause de risque élevé de fracture du col du fémur. J’ai arrêté de courir comme une patate depuis que j’ai découvert que je pouvais marcher à la même vitesse et sans me faire mal. Je dodeline des fesses, mais je m’en fous.

Je me suis mise à tricoter au grand désespoir de mes proches. Je prends des cours de crochet en zoom et je fais des bérets trois fois trop grands dont personne ne veut. Forcément.

J’ai appris à coudre aussi et j’ai cousu des masques par dizaines jusque’à ce que l’OMS ne vienne brider ma frénésie créatrice. Depuis, je fais des lingettes démaquillantes et des cabas pour écouler mon stock de tissus.

J’ai commencé mon troisième blog. Ou mon quatrième peut-être. À la fin, je ne sais même plus… Mais cette fois, c’est le bon, j’en suis sûre: on est deux et on y parle d’écriture (Battista Tarantini, surtout ne lâche pas ma main qui écrit: si tu la lâches, je ne saurais plus à quoi l’occuper).

Je suis enfin là et maintenant. Dans les starting-blocks. Prête à reprendre le fil de mon histoire là où je l’avais laissé, vingt ans auparavant.

Plus tôt, dans la journée, ma fille Sophie était là et je lui ai demandé si elle pensait que je m’étais épanouie pendant que je les avais élevées, sa sœur et elle. Elle m’a répondu: “ouais… bof…” et elle a éclaté de rire. C’est là que je me suis dit qu’elle avait tout compris.

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