En Outre-mer, la vaccination contre le Covid a eu du mal à décoller
CORONAVIRUS - 10 millions de Français vaccinés mi-avril. L’exécutif fait tout pour accélérer la campagne de vaccination et remplir son objectif national. Mais rien n’est gagné et de nombreux départements sont définitivement en retard. À commencer...
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CORONAVIRUS - 10 millions de Français vaccinés mi-avril. L’exécutif fait tout pour accélérer la campagne de vaccination et remplir son objectif national. Mais rien n’est gagné et de nombreux départements sont définitivement en retard. À commencer par certains territoires ultramarins.
Le constat du Conseil Scientifique dans un avis transmis aux autorités le 26 février et réactualisé le 8 mars dernier est sur ce point sans ambiguïté: “La campagne de vaccination a commencé et continue avec retard (dans les territoires ultramarins, NDLR) par rapport à la métropole avec entre 0,7 et 3,1% de couverture vaccinale 1 dose au 6 mars 2021 contre 5,5% en moyenne en France métropolitaine.”
Mardi 23 mars, la députée apparentée LR de la Réunion Nadia Ramassamy a d’ailleurs interpellé Olivier Véran sur ce sujet à l’Assemblée. “Pourquoi accusons-nous encore une fois un tel retard par rapport à l’Hexagone?”, s’était-elle alarmée.
Au ministère des Outre-mer, on reconnaît sans trop de difficultés ce retard. Mais il agace lorsqu’il est imputé au seul gouvernement. Dans un communiqué commun avec le ministère de la Santé publié ce jeudi 25 mars, il est ainsi souligné que “le manque d’adhésion (des populations locales, NDLR) constitue l’un des principaux freins à la vaccination en Outre-mer.”
Tuer dans l’œuf toute polémique sur l’approvisionnement
Ce n’est pourtant pas la 1ère chose que pointe Nadia Ramassamy. Contactée par Le HuffPost, la députée qui est aussi médecin généraliste souligne avant tout “un manque d’approvisionnement important” de vaccins dans les Outre-mer. “Si on compare la Réunion au Centre-Val-de-Loire, on a 3 fois moins de doses livrées, rapportées au nombre d’habitants”, affirme-t-elle. Et de citer pour confirmer ses propos les délais d’attente “entre 15 jours et 3 semaines” pour obtenir un rendez-vous sur l’île. “J’ai appelé la directrice de l’ARS vers le 12 mars. À ce moment-là selon ses dires, il y avait plus de personnes qui voulaient se faire vacciner qu’il n’y avait de doses.” Un avis que partagent d’autres médecins et pharmaciens de l’île, interrogés par La 1ère début mars.
Depuis, l’envoi de 15.000 doses supplémentaires réparties sur les différents territoires a été annoncé, dont 8000 pour la Réunion entre le 22 mars et le 5 avril.
Mais le ministère des Outre-mer est catégorique: comme dans l’Hexagone, le nombre de doses de vaccin envoyées dans les DROM-COM est calculé au prorata de la population, avec possibilités de renforts à la demande des ARS locales. “Il y a des renforts de livraisons qui sont envoyés dans les territoires qui sont les plus demandeurs, même s’ils ne vaccinent pas”, assure au HuffPost l’entourage de Sébastien Lecornu.
Traduction: les vaccins ne manquent pas et il n’y a pas de difficultés d’approvisionnement. Au contraire, nous explique-t-on, l’envoi de doses même dans les territoires où le taux de vaccination reste faible doit justement désamorcer toute polémique à ce sujet. “Il y a des livraisons continues, chaque semaine. On garde le rythme de livraisons pour éviter d’être en rupture de stock” le jour où la vaccination décollera.
Au total, au 21 mars, 247.350 doses de vaccins avaient été livrées dans les Outre-mer. Mais à la même date, un tiers d’entre elles restaient inutilisées (164.210 doses injectées) avec cependant des disparités importantes en fonction des territoires.
Certains se distinguent: La Réunion a utilisé 84,3% des doses livrées. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ce taux monte désormais à plus de 90%. D’autres en revanche sont beaucoup plus frileux. C’est notamment le cas dans les îles des Antilles françaises, la Martinique et la Guadeloupe.
#Vaccination | Afin d’accélérer le rythme de la vaccination en Outre-mer, @SebLecornu et @olivierveran ont décidé l’envoi de doses supplémentaires.
— Ministère des Outre-mer (@lesoutremer) March 25, 2021
Au 22 mars, 147 463 injections ont été réalisées et 247 350 doses ont été livrées.
Pour en savoir plus : https://t.co/3IJwP0fDcEpic.twitter.com/bdFOhFAaHH
Un “problème de défiance”
Si ce n’est pas l’approvisionnement, comment expliquer ces faibles taux de vaccination? Par les débuts plus tardifs des campagnes locales? Par l’âge moyen des populations, sensiblement plus jeunes et donc pas prioritaires dans certains départements? Ce dernier point doit être écarté: pour coller aux réalités du terrain, les stratégies vaccinales ont été adaptées aux territoires, par exemple à Wallis-et-Futuna où la vaccination a été ouverte à toute personne majeure, sans autre restriction d’âge.
Mais en Martinique, où la part des plus de 75 ans est supérieure à celle de la France hexagonale et où la vaccination a commencé dès le 7 janvier, seulement 39% des doses livrées ont été injectées. La Guadeloupe atteint péniblement les 50%, alors même que la campagne y a commencé le 8 janvier. Début février, la directrice de l’ARS de Guyane interrogée par Le Monde notait de son côté que “plusieurs dizaines de milliers (de personnes) en Guyane [n’avaient] pas encore fait de demande de vaccination. Il y a une peur du vaccin très prégnante sur le territoire.” Un peu plus d’un mois plus tard, la situation s’était cependant améliorée, avec plus de 70% des doses livrées utilisés.
Pour expliquer ces chiffres en demi-teinte, la députée Nadia Ramassamy évoque, outre le nombre de doses insuffisantes, le manque de centres de vaccination. Elle cite en exemple la Martinique, dotée de 4 centres de vaccination pour un peu plus de 360.000 habitants. À titre de comparaison, La Réunion et ses 860.000 habitants en comptent 9, l’ouverture du dernier ayant été décidée récemment justement pour répondre aux besoins. Les limites de la vaccination par les médecins généralistes sont aussi citées comme un frein.
Au ministère des Outre-mer, on se défend en évoquant “le travail de pédagogie” fait sur place, avec notamment un budget alloué à chaque ARS pour promouvoir le vaccin. Des “influenceurs” locaux ont aussi été sollicités pour sensibiliser la population: le 22 mars, le ministère publiait ainsi une petite vidéo dans laquelle un chef coutumier de Wallis-et-Futuna témoignait en faveur des vaccins.
Mais l’enthousiasme n’est pas unanime. Y compris dans la classe politique. “On a encore des discours, notamment de sénateurs ou de chefs coutumiers, qui continuent à dire que les effets secondaires des vaccins ne sont pas tous étudiés et qui induisent un doute dans l’opinion”, déplore-t-on avec un certain agacement rue Oudinot. Pas plus tard que le 22 mars, le sénateur wallisien Mikaele Kulimoetoke a ainsi fait savoir qu’il “ne se laissera pas vacciner tant qu’il n’est sûr de rien”. Au mois de décembre, la sénatrice PS de Guadeloupe Victoire Jasmin tenait un discours similaire.
J’ai toujours été très favorable à la vaccination pourtant je m’inquiète de l’usage du vaccin anti COVID19 à ARNmessager, aucun recul fiable, je crains la réaction sur les Drépanocytaires, je ne veux pas de n’importe quel vaccin pour les outre-mer nous ne sommes pas des Cobayes.
— Victoire Jasmin (@SenatriceJasmin) December 21, 2020
“Certains privilégient les médecines alternatives”
Autre difficulté, cette fois autrement plus délicate: le recours à la pharmacopée traditionnelle à base de plantes. Au mois de février, l’annonce du laboratoire guadeloupéen Phytobokaz sur l’herbe à pic, une plante aux vertus utilisées depuis des siècles localement, a ainsi provoqué une polémique.
Le laboratoire a annoncé avoir “prouvé l’efficacité d’une plante endémique sur l’immunité innée face aux virus émergents à ARN”. Interrogé par les médias locaux, le chercheur Damien Bissessar, qui travaille chez Phytobokaz, a indiqué que “chimiquement, la molécule” d’herbe à pic testée a permis de montrer qu’elle a une action “inhibitrice sur l’enzyme DHODH qui permet la réplication des virus à ARN” comme le SARS-Cov-2. “Il faudra encore réaliser les études cliniques”, avait-il averti.
L’annonce a cependant suscité un engouement tel dans les Antilles que les pharmacies se sont rapidement retrouvées en rupture du “Virapic”, le produit du laboratoire conçu à partir de la même plante et utilisé en cas de coup de froid ou pour booster les défenses immunitaires. Mais en France hexagonale, le gouvernement et la communauté scientifique ont joué la carte de la prudence dans l’attente de résultats complémentaires. Ce qui a provoqué la colère d’ultramarins, dont certaines personnalités publiques, qui y ont vu une forme de “mépris” du gouvernement national.
Les Détracteurs de l’herbe à pic doivent savoir que si cette plante est méconnue en ???????? c’est à cause du REFUS DE L’ÉTAT ???????? de VALORISER NOTRE PHARMACOPÉE nos plantes nos traditions malgré les nombreux travaux réalisés. MÉPRIS à l’égard de nos CHERCHEURS formés et Diplômés en ????????.
— Victoire Jasmin (@SenatriceJasmin) February 21, 2021
“On est face à des croyances populaires et culturelles”, reconnaît-on chez Sébastien Lecornu. “Il ne s’agit pas de les prendre de haut, au contraire il faut faire avec. Mais il est compliqué de les changer juste par un tweet ou une campagne de communication”, se défend l’entourage du ministre.
Se présentant comme inattaquable sur son action, le ministère des Outre-mer renvoie donc la balle aux élus ou les personnalités locales susceptibles d’influencer les populations. Tout comme le ministère de la Santé: “Travaillons ensemble, nous avons besoin de l’appui des élus pour être le plus efficaces possible”, a répondu Olivier Véran à l’Assemblée nationale.
La stratégie est rigoureusement identique à celle appliquée dans l’Hexagone. La preuve, avec la vaccination de Jean Castex avec AstraZeneca pour l’exemple. Suffira-t-elle à convaincre? Il faudra attendre les chiffres des prochaines semaines, publiés chaque mercredi par le ministère des Outre-mer, pour le savoir. Ils seront d’autant plus scrutés que l’épidémie repart à la hausse dans certains départements, dont la Martinique.
À voir également sur Le HuffPost: Après les masques et les tests, Véran change aussi de stratégie sur la vaccination