“Estación catorce” : une histoire de la violence vue par les yeux d’un enfant

On croirait d’abord assister à un western ou bien un film d’horreur. Une alarme stridente retentit et interrompt la classe d’une école située dans ce petit village du Mexique. Le jeune Luis se précipite chez lui et aide son père à barricader...

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Estacion catorce

On croirait d’abord assister à un western ou bien un film d’horreur. Une alarme stridente retentit et interrompt la classe d’une école située dans ce petit village du Mexique. Le jeune Luis se précipite chez lui et aide son père à barricader l’entrée du foyer, à l’aide de planches clouées. Au loin, le bruit d’une locomotive s’apprête à traverser le village et, déjà, le sol sableux tremble du terrible destin qui va frapper le village. En plan rapproché, on découvre le visage pétrifié de la famille cachée, tandis que murmurent des voix, quelques coups de feu laissant petit à petit place à un silence de mort.

Cette scène liminaire sera parfaitement à l’image d’Estación catorce, un film qui réfléchit et met au travail ce qu’il choisit de montrer ou de ne pas montrer. Comme le jeune Luis, de cette mystérieuse attaque, nous ne verront rien. Après le raid, la vie du village reprend son cours comme si de rien n’était, comme pour mieux oublier et se persuader qu’une telle attaque ne se reproduira pas.

Fin de l’innocence

Au demeurant, rien n’a changé, si ce n’est un luxueux nouveau canapé que la famille de Luis a réussi à piller suite à l’assaut. Une autre marque restera dans la tête de Luis. Une image, celle du corps d’un homme et d’une femme, gisant dans leur sang sur le sol. Bientôt recouverts d’un drap blanc, les corps resteront pour toujours gravés dans la mémoire du jeune Luis. Perçu un temps comme ce qui serait une anomalie, ce brutal surgissement de violence finit par établir le thème central du film : la fin de l’innocence et une histoire de la violence racontée et perçue à travers les yeux d’un enfant.

Une admirable limpidité

Dans Estación catorce, le récit et le filmage de Diana Cardozo sont aussi simples qu’ils brillent de leur admirable limpidité, allégés de tout fragment inutile ou redondant (une qualité suffisamment rare pour un 1er film qu’il faut le souligner). De cette enveloppe extrêmement ténue, la cinéaste mexicaine parvient à dégager toute l’ampleur de son sujet et tisser un tableau implacable mais tendre sur le passage à l’âge adulte.

Des fragments poétiques

Éveil à la mort, à la sexualité, à la cruauté et au mensonge, le voyage de Luis sera rude et rugueux, sans jamais que le trajet soit inutilement punitif ou accablant pour qui que ce soit. Tout en soulignant la dureté du quotidien de sa famille et le portrait d’un père cruel mais battant et dont la caméra ne renonce jamais à préserver sa part d’humanité, le film élève les scènes banales de vie quotidienne en fragments poétiques et met en images un monde capable de basculer en un instant entre la violence la plus sèche et le réconfort d’une étreinte.

Estación catorce, de Diana Cardozo, sortie le 9 novembre.