Et si un traitement du Covid se cachait dans les antidépresseurs?

COVID-19 -  Le Prozac, remède contre le coronavirus? C’est ce que laissent entrevoir les travaux d’une équipe française parus dans la revue Molecular Psychiatry. En étudiant la santé de 10.000 patients des hôpitaux de l’Assistance publique-...

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Est-ce que les malades du Covid se verront prescrire dès demain du Prozac pour éviter que leur infection ne dégénère? Il faudra attendre encore un peu mais la piste est prometteuse (Photo James Leynse/Corbis via Getty Images)

COVID-19 -  Le Prozac, remède contre le coronavirus? C’est ce que laissent entrevoir les travaux d’une équipe française parus dans la revue Molecular Psychiatry. En étudiant la santé de 10.000 patients des hôpitaux de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP), les chercheurs ont conclu que des molécules psychotropes (Fluvoxamine et Fluoxetine)  permettent à un nombre important de malades du Covid-19 d’éviter l’intubation, c’est-à-dire le moment où leur affection respiratoire prend une forme grave, et potentiellement mortelle. L’action de ces molécules aurait même une action curative sur les formes graves de la maladie, c’est-à-dire lorsque les patients sont déjà à un stade avancé.

Des recherches importantes restent à mener, mais la piste est encourageante. “C’est un moment extrêmement important”, s’enthousiasme le Docteur Nicolas Hoertel, psychiatre et co-auteur de l’étude interrogé par Le HuffPost. “On dispose de données très prometteuses, c’est une vraie note d’espoir” sur la possibilité de traiter une maladie qui, jusqu’à ce jour, ne connaît aucun traitement validé par l’OMS. “C’est une équipe française, qui est à l’origine de cette découverte, il faut quand même le souligner. C’est une vraie réussite des équipes de l’AP-HP”, affirme-t-il. 

Bloquer la réplication du virus

Les conclusions de l’étude, menée de janvier à avril 2020, sont plus qu’encourageantes. D’abord, certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine comme la fluoxetine (utilisée dans le Prozac) jouent à plein leur rôle d’antiviral. La molécule permet ainsi de bloquer la réplication du virus, un effet qui avait déjà été démontré in vitro, et que les essais sur les patients ont confirmé. Mais ce n’est pas tout.

Les traitements utilisés lors de ce “repositioning” (l’utilisation de médicaments déjà existants pour s’attaquer à une affection différente) se sont montrés efficaces sur les récepteurs ACE2, au centre de toutes les attentions des spécialistes depuis les débuts de la pandémie. C’est notamment le rôle de ce récepteur qui explique l’anosmie (perte de l’odorat) de nombreux malades du Covid-19.

SARS-CoV-2 infecte en effet  la cavité respiratoire, en passant par ce fameux récepteur. Composante de plusieurs types de cellules, comme les cellules souches et les vaisseaux sanguins, son rôle dans notre corps est complexe et essentiel. Mais elle fournit au coronavirus une véritable “porte d’entrée” pour pénétrer dans notre corps. Les psychotropes testés par l’équipe de l’AP-HP fermeraient cette porte d’entrée. 

Chez les patients infectés, cela a permis de stopper la progression du virus, et d’éviter que le Covid ne passe de sa forme symptomatique mais bénigne à une forme grave entraînant l’hospitalisation. Quant aux effets secondaires éventuels, en particulier l’accoutumance, ces études ne les abordent pas, d’autant que le traitement envisagé serait de courte durée

Action curative chez les cas avancés

Enfin les médicaments testés avec succès ont démontré un effet anti-inflammatoire, qui fait écho à leur fonctionnement pour les malades atteints de schizophrénie. On le sait depuis les années 1990, les personnes atteintes de maladies mentales et de dépression montrent une légère inflammation. Les marqueurs de cette inflammation? Les non moins célèbres cytokines, qui sont activées par les cellules immunitaires lors de l’infection. Ces petites molécules vont ensuite circuler dans le corps pour aller toucher d’autres cellules immunitaires. Se faisant, les cytokines activent ces cellules qui étaient jusque-là dormantes, entraînant de ce fait une amplification de l’inflammation.

Mais derrière, il y a normalement une seconde cascade, produite par des cellules régulatrices. Celle-ci a pour but d’arrêter l’inflammation quelques jours après son activation. Sauf que pour le Sars-Cov2, il arrive que cette cascade de régulation ne fonctionne pas ou soit débordée. Si la seconde cascade, régulatrice, ne fonctionne pas, ou pas suffisamment, on a une surinflammation, c’est l’orage de cytokine, qui peut altérer les organes, dont le poumon.

Sur ce point aussi, les psychotropes joueraient un rôle protecteur. Mieux: l’effet serait même curatif sur les formes les plus avancées de la maladie, selon l’étude. “C’est une vraie avancée par rapport à la dexamethasone, un médicament dont l’effet est limité aux patients en réanimation”, rappelle le docteur Hoertel. Chez ceux qui n’en sont pas à ce stade, ou les personnes âgées, ce corticoïde de synthèse peut en effet s’avérer dangereux, car il empêche la réponse immunitaire.   

Il faudra attendre un essai de grande ampleur

L’étude française vient confirmer plusieurs travaux partiels sur le sujet: une équipe allemande, et deux équipes américaines. Parmi elles, un essai clinique randomisé limité à 150 personnes, portant sur la Fluvoxamine, un médicament proche de la Fluoxetine utilisé pour le traitement des dépressions et des troubles obsessionnels compulsifs. Parue dans la revue JAMA, l’étude soulignait néanmoins que les bons résultats obtenus ne permettaient que de formuler une “hypothèse” à confirmer avec des essais randomisés de grande ampleur: c’est la prochaine étape pour l’AP-HP.

Est-ce que les malades du Covid se verront prescrire dès demain du Prozac pour éviter que leur infection ne dégénère? Il faudra attendre encore un peu, explique le docteur Hoertel: “c’est un pas important puisqu’on dispose d’une classe de traitements, des arguments sur l’évolution de la maladie qui sont concordants et issus de trois pays différents, avec des approches différentes [...] Mais pour être confirmé, cela nécessite d’autres études et notamment un essai randomisé de grande ampleur couplé à une confirmation du mécanisme d’action.”

Il faudra en effet plusieurs mois avant de savoir si les antidépresseurs seront un traitement viable, mais des équipes internationales ont entamé cette étape. Côté américain, la Washington University School de Saint-Louis a entamé l’enrôlement de centaines de volontaires dans le cadre d’un essai clinique randomisé, et d’autres essais de même nature ont actuellement lieu au Brésil, en Hongrie et en Corée du Sud. 

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