États généraux de la laïcité: vrai débat ou instrumentalisation politique?

Qui sème le vent récolte la tempête? Alors que l’éclaircie de la pandémie peine à s’imposer dans le pays, après des semaines d’un éprouvant débat à peine clôturé en 1ère lecture au Sénat sur le projet de loi “renforçant les principes de la...

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Une élève observe une minute de silence au lycée Honoré d'Estienne d'Orves, à Carquefou, le 2 novembre 2020, en hommage au professeur d'histoire Samuel Paty, décapité par un assaillant pour avoir montré aux élèves des caricatures du prophète Mahomet dans son cours d'éducation civique, le 19 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine. (Photo by Sebastien SALOM-GOMIS / AFP)

Qui sème le vent récolte la tempête? Alors que l’éclaircie de la pandémie peine à s’imposer dans le pays, après des semaines d’un éprouvant débat à peine clôturé en 1ère lecture au Sénat sur le projet de loi “renforçant les principes de la République”, voilà que sont annoncés… des États généraux de la laïcité! 

Au 1er abord chacun pourrait accueillir avec intérêt et même satisfaction la tenue d’un débat sur l’un des concepts qui, assurément ces dernières années et récents mois, n’a cessé de cristalliser de nombreuses tensions dans le milieu politique et dans la société de manière générale. Si pour la loi de 1905 la laïcité a permis la séparation des Églises et de l’État, actant ainsi la neutralité de la puissance publique et de ses agents, beaucoup ont fait de la notion un instrument idéologique au service de leurs ambitions politiques. Pour les uns athéisme d’État, pour les autres, neutralité de la société, pour les derniers instrument anti-religion, le concept n’a pas fini d’attiser les tensions. Néanmoins, déjà marquée par une crispation du débat autour des sujets identitaires, ethniques ou religieux, chacun est légitime à douter de l’audibilité par la société d’une telle initiative, à laquelle il sera périlleux de donner une réelle valeur ajoutée. 

 

Sauf à faire un rapprochement entre religion, immigration, laïcité et citoyenneté, une telle initiative semble déjà idéologiquement orientée.

 

Même quand le politique prétend interpréter le droit, le risque d’une lecture biaisée, partisane et même orientée de notre cadre juridique n’est jamais bien loin. Comment ne pas être gêné par la présence, parmi les thèmes des états généraux, de la “liberté d’expression, la recherche, la jeunesse (et) l’intégration citoyenne”? Que vient donc faire le sujet de l’intégration –et donc, de fait, celui de l’immigration– dans un débat qui, au 1er abord, a trait à la laïcité? Sauf à faire un rapprochement entre religion, immigration, laïcité et citoyenneté, une telle initiative semble déjà idéologiquement orientée. En outre, soufflant sur les braises d’une Histoire tourmentée qu’il nous appartient de réinvestir, cette initiative semble définitivement abdiquer toute tentative de réconciliation et d’apaisement de la société. 

Que l’on ne s’y trompe pas, tout débat est légitime en notre démocratie. Aucun sujet ne doit, plus qu’un autre, souffrir d’une quelconque timidité de la part de la puissance publique. Mais dans un contexte marqué par la fissuration du lien social et l’exacerbation des tensions identitaires, une telle démarche mérite, impose et exige d’être menée avec hauteur de vue et dignité. En l’occurrence, nul besoin de redéfinir la laïcité, simplement de la réexpliquer, encore et toujours. Alors que beaucoup, et notamment chez les plus jeunes, semblent ne pas cerner les implications et les explications de ce que revêt concrètement le principe de laïcité dans notre droit, alors qu’on tue, dans notre pays, un enseignant parce qu’il a appris la liberté d’expression et de la presse à ses élèves, le pays a besoin de sérénité. 

 

Nul besoin de redéfinir la laïcité, simplement de la réexpliquer, encore et toujours.

 

Alors que les discriminations perdurent dans le pays, que la pauvreté et le chômage persistent renforcés par la prégnance de la crise sanitaire, que de nombreux secteurs de l’économie sont arrêtés, que le monde de la culture a baissé le rideau depuis plus d’un an, nous ne “ferons société” à nouveau qu’à une condition: la lucidité. Celle de nos dirigeants qui, depuis plus de trente ans, portent la responsabilité de la fragmentation du tissu social et qui, à défaut ou à dessein, à tort ou à raison, ont préféré la facilité et l’écume des choses, l’attrait de l’émotion à celui de la raison, pour ne pas affronter la réalité du pays. Qui de mieux, en la matière, qu’Aristide Briand, député et rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État à l’Assemblée nationale, en 1905, pour nous rappeler une vertu tant délaissée et pourtant ô combien importante? “Ayez du sang-froid, sachez résister aux surenchères, ne craignez pas d’être taxés de modérés”. À bon(s) entendeur(s).

 

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