Face à Poutine, Biden ne cherche pas qu'à se démarquer de Trump
INTERNATIONAL - Amis, ennemis ou diplomates aguerris? En rencontrant Vladimir Poutine à Genève, Joe Biden se retrouve face à celui qu’il a qualifié à demi-mot de “tueur”, avant d’entamer un processus de désescalade dont la 1ère étape a justement...
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INTERNATIONAL - Amis, ennemis ou diplomates aguerris? En rencontrant Vladimir Poutine à Genève, Joe Biden se retrouve face à celui qu’il a qualifié à demi-mot de “tueur”, avant d’entamer un processus de désescalade dont la 1ère étape a justement lieu ce mercredi 16 juin.
Joe Biden et Vladimir Poutine se connaissent bien pour avoir occupé des postes quasiment parallèles à peu près en même temps: en 2009, alors que Joe Biden devenait le vice-président de Barack Obama, Poutine lâchait en apparence le pouvoir pour devenir le chef du gouvernement de Dmitri Medvedev.
Dix ans plus tard, les revoilà sur le même pied d’égalité: présidents de deux puissances qui entretiennent une relation cyclothymique depuis la fin de la Guerre froide. Les six 1ers mois de leurs relations n’ont pas reflété autre chose: échanges mordants, accusations de violation des droits de l’homme, le tout parsemé de propositions de dialogue qui aboutissent finalement à Genève.
Comme un avant-goût de leurs stratégies respectives à venir: avec peut-être quelques concessions pour quelques avancées, mais pas trop.
Biden, l’homme du “en même temps” face à Poutine
Entre Joe Biden VP et Joe Biden président, il y a eu Donald Trump. Lequel a régulièrement été accusé de faire le jeu du Kremlin, à cause des accusations d’ingérence russe en sa faveur en 2016. “J’aime bien Poutine, il m’aime bien. On s’entend bien”, disait-il encore en septembre 2020 lors d’un discours de campagne.
En récupérant le Bureau ovale, Joe Biden a choisi une approche complètement différente, en partie pour se démarquer du 45e président américain. “J’ai clairement dit au président Poutine, d’une façon très différente de mon prédécesseur, que le temps où les États-Unis se soumettaient aux actes agressifs de la Russie (...) était révolu”, avertissait-il moins d’un mois après son entrée en fonction.
Mais sa volonté de rompre avec Trump n’est pas le seul élément pour expliquer la relation de Biden avec Poutine. “Joe Biden agit différemment par rapport aux autres présidents et je pense que c’est lié à sa personnalité: il a deux personnalités en une”, analyse pour Le HuffPost Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l’Ifri. Vétéran de la politique américaine, Joe Biden a l’expérience de la Guerre froide. Il a aussi celle de vice-président d’Obama, à l’époque où celui-ci a tenté (en vain) de repartir sur de nouvelles bases avec la Russie.
Résultat de cette addition contrastée: “une politique duale, où il y a à la fois des bâtons et des carottes”. Considérer Vladimir Poutine comme un “tueur” est assurément un coup de bâton - même si le président américain n’a pas osé, à la veille de la rencontre, réitérer l’affirmation. La prolongation dès son entrée en fonction du traité New START (traité de réduction des armes stratégiques nucléaires, entré en vigueur en 2011 entre les États-Unis et la Russie, NDLR) a le goût de la carotte.
Joe Biden “a une plus grande marge de manœuvre vis-à-vis de la Russie que Donald Trump. Il ne risque pas de se faire accuser d’être le complice de Poutine et de jouer son jeu. Donc même s’il fait ce qu’on aurait considéré être une concession pour Trump, pour Biden cela sera considéré comme une politique plus nuancée”, détaille Tatiana Kastoueva-Jean.
Options possibles et “lignes rouges”
Contre toute attente, il pourrait en effet bien y avoir de la nuance dans certaines discussions entre Joe Biden et Vladimir Poutine.
La liste des sujets que les dirigeants pourraient aborder est longue: guerre contre la cybercriminalité, maîtrise des armements (le fameux “arms control”), climat, Arctique mais aussi Afghanistan, Alexeï Navalny ou Ukraine.... Fin mai, la Maison Blanche indiquait sans plus de précision que “l’éventail complet des problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis et la Russie” serait abordé.
Parmi ces problèmes, d’autres seront plus faciles à aborder que d’autres. Par exemple “la stabilité stratégique, le ‘arms control’ qui sont des héritages de la Guerre Froide. Là-dessus Biden montre l’ouverture”, explique Tatiana Kastoueva-Jean.
Il y a aussi des dossiers régionaux très compliqués, mais qui pourraient aussi donner lieu à des discussions “intéressantes”: le retrait des troupes américaines en Afghanistan par exemple, voire même le très épineux dossier du nucléaire iranien dans lequel Joe Biden a promis de revenir.
Mais il y a aussi les sujets qui fâchent. Lundi 14 juin en marge du sommet de l’Otan, Joe Biden a promis de dire à son homologue russe Vladimir Poutine quelles sont “ses lignes rouges”. Et d’évoquer dans la foulée les deux principales accusations faites à la Russie de violations des droits de l’homme: le cas d’Alexeï Navalny dont la mort “ne ferait qu’endommager les relations avec le reste du monde, et avec moi” et l’“agression” d’Ukraine.
Or, sur ces deux dossiers brûlants, “aucune avancée positive n’est possible”, avance Tatiana Kastoueva-Jean.
Pragmatisme oblige
Sur Navalny comme sur l’Ukraine, Vladimir Poutine devrait rester fidèle à lui-même et renvoyer Joe Biden à une fin de non-recevoir très ferme et plus ou moins polie.
Le président américain, qui “connaît assez bien” Vladimir Poutine, s’y attend sans doute déjà. Mais parce qu’il a repris le flambeau des États unis bouclier du monde, de la démocratie et des droits de l’homme, il pourra difficilement faire l’impasse sur le sujet: “Il est obligé de marquer le coup. Il se doit d’aborder ces sujets, sinon il prend des risques pour son retour à Washington face au Congrès et à l’opinion publique” américaine, particulièrement révoltée par le sort de l’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine, explique notre experte. “Les deux dirigeants ont intérêt à être pragmatiques et à marquer des positions intransigeantes sur certains sujets, tout en enclenchant un processus de négociation sur d’autres.”
À l’issue de ce sommet, aucune des deux parties ne s’attend à une déclaration fracassante. D’ailleurs, il n’y aura pas une conférence de presse commune, mais deux distinctes, chacun de son côté. “Je vois cette rencontre avec un optimisme pratique mais faible. C’est une 1ère rencontre dans des conditions difficiles”, a commenté mardi 15 juin le conseiller pour les affaires étrangères du président russe. Un “point de départ”, résume Tatiana Kastoueva-Jean, qui servira aussi à chacun dans sa politique intérieure.
Pour Vladimir Poutine, ce sera l’occasion de réaffirmer sa politique, aussi bien intérieure qu’extérieure, à la face des Russes et du monde. “Une façon de montrer que la politique qu’il mène est la bonne”, résume la directrice du Centre Russie/NEI.
Pour Joe Biden, les enjeux sont plus vastes: se démarquer de Trump, clarifier sa position vis-à-vis du Kremlin, et aussi, de façon plus subtile peut-être, titiller Pékin, qui entretient ses propres relations avec Moscou. Pékin, qui est devenu la principale préoccupation de l’administration américaine et que Joe Biden n’a cessé d’attaquer lors de sa tournée européenne.
Reste que pour juger de l’ambiance du sommet et de l’avenir un peu dégagé ou toujours sombre entre les deux puissances, les observateurs auront un curseur: le retour des ambassadeurs russes et américains, rappelés en pleine montée de tensions entre leurs patrons, serait un signal positif. Au moins à court terme.
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