Face au Covid-19, la classe en extérieur plus facile à dire qu'à faire?

ÉCOLES - L’idée est belle sur le papier. Jeudi 22 avril, leministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a prôné en conférence de presse la classe à l’air libre pour les professeurs et les élèves afin de limiter les contaminations...

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Un élève écrit au tableau lors d'un cours dans une classe installée en plein air, le 22 janvier 2011 sur la Canebière à Marseille

ÉCOLES - L’idée est belle sur le papier. Jeudi 22 avril, leministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a prôné en conférence de presse la classe à l’air libre pour les professeurs et les élèves afin de limiter les contaminations auxCovid-19.

En cause: dehors, le renouvellement de l’air permet de réduire le risque de contamination au Covid-19 via lesaérosols. Jean Michel Blanquer a néanmoins rappelé que les décisions devaient se prendre à l’échelle des établissements, dès ce lundi 26 avril, jour derentrée scolaire en présentiel pour les élèves de maternelle et de primaire. 

À l’heure où une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête des parents et enseignants - le protocole sanitaire impose une fermeture desclasses au moindre cas positif de Covid-19 - et avec l’arrivée des beaux jours, la proposition peut paraître séduisante.

Mais comment la mettre en œuvre concrètement sur le terrain? Disposons-nous du matériel nécessaire pour enseigner dehors? Les espaces extérieurs sont-ils adaptés? La concentration des élèves sera-t-elle au rendez-vous? Faire classe àl’extérieur ne peut être qu’une solution ponctuelle, pour certaines activités seulement, et cela ne peut être mis en place à large échelle, pointent unanimement les syndicats d’enseignants contactés par le HuffPost

“Enseigner, ce n’est pas lisse et uniforme”

Pratiquer la classe à l’extérieur existe “depuis longtemps”, en France comme ailleurs dans le monde, nous rappelle Guislaine David, secrétaire départementale du Syndicat national unitaire des instituteurs (SNUipp-‐FSU), 1er syndicat dans les écoles. On peut notamment le voir à l’œuvre auDanemark, en Norvège ou aux États-Unis, où nombre d’élèves et d’enseignants font cours en dehors de la classe, dans la cour, dans les parkings ou dans les parcs.

En France, “pour certaines activités comme les cours de science ou de lecture,  les professeurs qui le peuvent ne se sont jamais privés d’aller dehors pour ce type d’activités avec leur classe”, ajoute Guislaine David. Il n’empêche: toutes les activités scolaires ne sont pas praticables en plein air. Et de citer l’exemple des mathématiques ou de la géométrie qui nécessitent du matériel spécifique. “Enseigner, ce n’est pas lisse et uniforme!” s’exclame-t-elle. 

“Comment enseigner le théorème de Thalès dans une cour de récréation? renchérit de son côté Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC), contacté par le HuffPost. Ou montrer aux élèves une carte du monde sans projecteur?”. Alors que les ressources numériques pédagogiques se sont largement diffusées dans les écoles, réaliser l’ensemble des cours dehors n’est “tout simplement pas faisable” selon lui. “On peut faire classe en plein air de manière ponctuelle et exceptionnelle, mais on ne peut l’institutionnaliser.” Il est plus facile d’enseigner à l’air libre dans les petites classes, où moins de matériel et de support numérique sont nécessaires”, ajoute Jean-Rémi Girard. 

Un avis partagé par Gilles Demarquet, président de l’Association de parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel), qui soutient auprès du HuffPost que “l’on peut être plus créatif dans l’approche pédagogique dans les petites classes. On peut très bien imaginer que pour certaines activités, la transmission du savoir se ferait plus facilement à l’extérieur”. Or, selon lui, la crainte ressentie par certains parents à l’idée de voir les écoles fermer est plus forte chez les parents de petits enfants. Toutes les idées qui permettent de limiter les contaminations au Covid-19 et la fermeture des classes chez les jeunes enfants sont donc “bonnes à prendre”, conclut-il. 

Logistique, sécurité et météo

Derrière la question des activités, plus ou moins adaptées à l’enseignement en plein air selon les classes d’âge, se joue aussi celle du mobilier. “Il faudrait une équipe de déménageurs tous les jours? Déplacer les tables et les chaises dehors quotidiennement? ” s’interroge pour sa part Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-UNSA (qui regroupe des enseignants de tous des corps du 1er et du second degré de l’enseignement public) au HuffPost. Et de grincer: “L’idée de Blanquer nous fait tous doucement rire. C’est décalé de la réalité du terrain”.

À cela s’ajoutent des problèmes logistiques, comme les espaces extérieurs des établissements. “Dans les espaces ruraux, où il y a moins de classes, c’est plus facile de faire classe dehors, mais en banlieue parisienne, on ne va pas entasser des élèves dans des cours de récréation trop petites et non adaptées”, reprend Jean-Rémi Girard. Y aura-t-il suffisamment de toilettes pour les enfants?, s’interrogent par ailleurs les syndicats contactés. 

Autre problème soulevé par les enseignants, celui de la sécurité. “Nous sommes dans un plan Vigipirate, avec une menace terroriste, poursuit Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-UNSA. Si on fait classe dans un parc par exemple, on peut difficilement garantir la sécurité des enfants” note-t-il. 

Et quid de la météo? Pour Stéphane Crochet, les épisodes caniculaires, de plus en plus fréquents, posent déjà problème à l’intérieur des classes. “On est contraints d’organiser des récréations en décalé pour que les enfants puissent utiliser les rares points d’ombre de la cour”, souligne-t-il. À l’inverse, les jours de pluie ne se prêtent pas à l’enseignement en plein air. 

Plus généralement, organiser la tenue des classes à l’extérieur implique un aménagement pédagogique et une préparation “compliqués à appliquer”, note Stéphane Crochet. “Il faudrait un planning pour répartir les espaces selon les classes par exemple”, ce qui ajouterait une charge supplémentaire difficile à assumer pour les enseignants déjà beaucoup sollicités. 

Purifier l’air pour contrer le Covid-19?

Pour Guislaine David, secrétaire départementale du SNUipp-‐FSU, encourager la tenue des classes à l’extérieur semble une manière pour le gouvernement de se décharger de sa responsabilité. “Plutôt que d’aérer et d’équiper les classes en capteurs de CO2, ils nous demandent de faire classe dehors, c’est un peu facile”, déplore-t-elle. 

Ce dimanche 25 avril cependant, Jean-Michel Blanquer s’est dit favorable à l’installation de purificateurs d’air dans les établissements scolaires pour réduire le risque d’infection au Covid-19.  “Nous faisons évoluer ce que nous disons en fonction de ce que nous savons”, a-t-il expliqué sur RTL et LCI alors qu’il avait refusé cette solution jusqu’ici.

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