Face au Covid, le contact tracing est-il mort et enterré?
SCIENCE - C’est le deuxième pilier de la stratégie “tester, tracer, isoler” pour maitriser l’épidémie du coronavirus, rebaptisée depuis le deuxième confinement ”tester, alerter, protéger”. Mais après avoir été mis en avant, notamment lors de...
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SCIENCE - C’est le deuxième pilier de la stratégie “tester, tracer, isoler” pour maitriser l’épidémie du coronavirus, rebaptisée depuis le deuxième confinement ”tester, alerter, protéger”. Mais après avoir été mis en avant, notamment lors de visites de Jean Castex auprès des équipes chargées du traçage des cas en novembre dernier, le contact tracing semble être passé au second plan dans le discours du gouvernement sur la pandémie. Le dispositif a-t-il été discrètement enterré?
Le contact tracing est pourtant un élément clé de la lutte contre le Covid-19. Il a pour objectif de briser les chaines de transmission du virus en identifiant et en isolant les personnes potentiellement malades et contagieuses.
Concrètement, toute personne présentant des symptômes ou un test positif doit fournir auprès de son médecin traitant ou de l’Assurance maladie la liste des personnes de son entourage qui ont été en contact rapproché avec elle jusqu’à 2 jours avant le début des signes de la maladie. Ces cas ou personnes dits “contacts” sont alors à leur tour contactés par l’Assurance Maladie qui leur conseillera de s’isoler et de se faire tester.
″Ça n’a jamais marché en France”
Si la communication du gouvernement sur le contact tracing s’est faite plus discrète ces derniers temps, c’est peut être en raison des résultats du dispositif, contesté pour son efficacité par certains chercheurs. ”Ça n’a jamais marché en France” juge auprès du Huffpost Catherine Hill, épidémiologiste à l’institut Gustave-Roussy de Villejuif.
En cause d’abord, la stratégie de tests décidée par les autorités. “Jusqu’ici, on a cherché le Covid chez les personnes symptomatiques, et dans un second temps chez leurs contacts. Or il y a beaucoup de porteurs asymptomatiques: près d’un tiers des contaminés restent asymptomatiques”, déplore-t-elle.
Une politique de tests qui selon la chercheuse entraine une sous-estimation massive du nombre réel de cas. “Selon un rapport du conseil scientifique, 17% de la population a été infectée soit 11 millions de personnes. Si on compare ce nombre aux 3,8 millions de cas confirmés à cette date, on constate que la circulation du virus a été sous-estimée environ d’un facteur 3, explique-t-elle. Dans ces conditions, rechercher les contacts des cas qu’on a trouvés ne sert pas à grand-chose.”
Autre problème soulevé, la lenteur d’exécution du contact tracing. “Le risque de transmission est maximum pendant 10 jours, 4 jours avant les symptômes et 6 jours à partir de l’apparition des symptômes, rappelle Catherine Hill. En France, on trouve les gens trop tard. Sept jours après l’infection, ils ont contaminé autour d’eux. Dans ces conditions, le contact tracing intervient également trop tardivement.”
Le contact tracing évite la catastrophe
“Le contact tracing évite la catastrophe, c’est déjà ça” estime pourtant auprès du Huffpost le Pr Renaud Piarroux, épidémiologiste à la Pitié-Salpêtrière à Paris qui a contribué à l’évolution du dispositif contact-tracing de l’Assurance-maladie.
Selon Santé Publique France, 29 % des cas identifiés avant qu’ils soient positifs sont des personnes contacts identifiées par le contact tracing. En isolant préventivement ces cas présymptomatiques, le traçage de contact contribue à briser les chaînes de transmission du coronavirus.
Ce qui, d’après le Pr Piarroux, a un impact considérable sur une épidémie: “si on interrompt un quart des chaines de transmission dans une épidémie, au lieu d’avoir un taux de reproduction de 1,2 on est à 0,9. C’est-à-dire qu’à la place d’une montée forte des cas vous avez une descente, explique le professeur. C’est de l’exponentielle à l’envers, si le contact tracing n’existait pas, on aurait plusieurs centaines de milliers de cas par jour.”
Erreur de stratégie gouvernementale
Le Pr Piarroux concède cependant que le dispositif a connu des ratés fin 2020: “l’efficacité du contact tracing n’a été retrouvée qu’au sortir de la deuxième vague en janvier”. La longueur du délai d’appel des personnes contact, qui concentrait une grande partie des critiques, s’est depuis particulièrement réduite.
De 8 jours au mois de septembre, un délai si important “qu’il ne servait à rien”, l’Assurance Maladie parvient à appeler les personnes contacts en moyenne trois jours après leur dernière rencontre avec un cas positif, “c’est-à-dire au moment où elles deviennent contagieuses et qu’il est efficace de les isoler” explique Renaud Piarroux.
Pour le professeur, plus que l’outil du contact tracing en lui-même, “qui s’est bien amélioré”, c’est l’usage qui en a été fait par les autorités qui est à déplorer. “Le gouvernement n’a pas compris que pour le contact tracing soit efficace il faut qu’on descende à un niveau bas de cas, moins de 10.000 cas par jour”.
Selon l’épidémiologiste, cette diminution du nombre de cas aurait pu être atteinte fin février rien qu’avec les mesures mises en place en avril: “Le fait de ne pas faire baisser au moment où on pouvait le faire pour que le contact tracing augmente son efficacité et agisse sur le taux de reproduction de l’épidémie a été une erreur de stratégie.”
Le rétro tracing pour éviter la quatrième vague?
Depuis la mi-avril le nombre de contaminations se remet à chuter, cette baisse sera-t-elle suffisante pour mener de manière efficace un contact tracing? De nombreux épidémiologistes et modélisateurs appellent à la prudence et craignent que l’on déconfine trop tôt.
La diminution actuelle des cas permet néanmoins à l’Assurance Maladie d’envisager de faire évoluer le dispositif de traçage en expérimentant une nouvelle méthode d’investigation, le rétro tracing, particulièrement performante pour débusquer les foyers infectieux.
À la différence du contact tracing actuel où l’on cherche à identifier les cas contacts d’une personne positive, le rétro tracing vise à remonter aux évènements et aux circonstances durant lesquels ont eu lieu les contaminations. “Les personnes ayant partagé le même évènement ou le même lieu de contamination simultanément sont ainsi définies comme des co-exposées et sont tracées, testées et isolées” explique Léo Leroy au Huffpost chargé des relations presse au sein de l’Assurance Maladie.
Une méthode qui a pour intérêt de repérer “plus efficacement les super contaminateurs à l’origine des clusters” explique Claire Matthieu au Huffpost, chercheuse en informatique au CNRS qui étudie les modèles de propagation du coronavirus. Selon la revue Nature, une minorité de cas, environ de 10 à 20%, peuvent représenter jusqu’à 80% des contaminations.
Il est alors plus efficace de se concentrer sur cette minorité, comme le fait le retro tracing, en trouvant qui a contaminé quelqu’un, que de chercher de potentiels contaminants qui risquent d’être perdus dans la masse.
En cours d’expérimentation
Depuis le 25 mars, le contact tracing rétrospectif est en cours d’expérimentation par l’Assurance Maladie dans deux départements, la Côte-d’Or et la Loire-Atlantique. “Le dispositif n’avait pu être déployé à large échelle au mois d’octobre en raison du nombre élevé de contaminations, car il n’est réellement efficace que si le nombre de contaminations est peu élevé”, justifie Léo Leroy.
L’objectif de l’expérimentation doit permettre à l’Assurance Maladie de valider la doctrine de traçage rétrospectif qu’elle envisage ainsi que l’organisation du dispositif entre les ARS et les CPAM.
En raison du confinement observé au mois d’avril, l’expérimentation a été prolongée au mois de mai pour permettre “l’identification de nouveaux évènements et de disposer de suffisamment de recul pour décider de l’opportunité ou non d’une généralisation” indique Léo Leroy.
Le retro tracing apparaît donc une méthode intéressante pour éviter l’émergence d’une quatrième vague. Mais sa mise en oeuvre demande au préalable donc que le nombre de contaminations soit stabilisé à un niveau suffisamment bas. Cet objectif pourra-t-il être compatible avec la stratégie actuelle gouvernementale du “vivre avec” le virus qui s’accommode d’un seuil d’incidence viral élevé ?
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