Face au variant brésilien, la Guyane tente de s'organiser

CORONAVIRUS - 8600 kilomètres d’océan séparent la France hexagonale du Brésil. Mais entre la Guyane, collectivité d’Outre-mer, et les terres brésiliennes, il n’y a qu’une frontière longue de 730 kilomètres connue pour être un point de passage...

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Comment la Guyane s'organise face au variant brésilien (photo d'illustration prise à Cayenne le 23 janvier

CORONAVIRUS - 8600 kilomètres d’océan séparent la France hexagonale du Brésil. Mais entre la Guyane, collectivité d’Outre-mer, et les terres brésiliennes, il n’y a qu’une frontière longue de 730 kilomètres connue pour être un point de passage poreux. Ce qui n’est pas sans poser de problèmes alors que le gouvernement vient de suspendre les vols entre la France et le Brésil en raison du risque de propagation du variant dit brésilien.

Si la métropole observe encore un régime de semi-confinement, la situation épidémique n’est guère plus rassurante de l’autre côté de l’Atlantique. Ce mercredi 14 janvier, à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a évoqué une “dégradation” de la situation sanitaire “aux Antilles et en Guyane”, où circulent de nombreux variants.

À la date du 13 avril, l’ARS guyanaise faisait état de 100 nouveaux cas en 24h, soit “des contaminations en nette augmentation”. Mais l’inquiétude est d’autant plus grande que “cette 3e vague est portée par un nouveau variant”, le variant brésilien, qui représente à cette date 84% des contaminations des cas positifs enregistrés (selon des données encore non consolidées). 

La question des recontaminations

Les deux 1ers cas de variant brésilien sur le sol guyanais ont été enregistrés au 13 février 2021. Au HuffPost, la directrice de l’ARS de Guyane Clara De Bort souligne aussi la difficulté de remonter la chaîne de contamination mais précise que ces 1ers cas ne sont pas à l’origine des autres contaminations sur le territoire. “Nous n’avons pas retrouvé de lien entre les deux 1ers cas et les personnes qui ont été contaminées ensuite”, précise-t-elle.

Si l’origine de l’apparition du variant en Guyane reste donc pour l’instant inconnue, l’accélération des contaminations n’en est pas moins certaine et “inquiétante”: le taux d’incidence est ainsi passé de 82 à 140 en une semaine, entre le 6 et le 13 avril. 

L’inquiétude de la directrice de l’ARS est aussi directement liée aux nombreuses incertitudes qui entourent ce variant. “Nous ne pouvons pas dire à l’avance comment la situation va évoluer, puisqu’il s’agit en quelque sorte d’un nouveau virus”, explique Clara De Bort, en rappelant que la Guyane a connu sa 1ère vague bien plus tard que l’Hexagone et a donc pu bénéficier d’un retour d’expérience.

Se pose également la question de l’immunité acquise par une partie de la population à la suite des deux 1ères vagues. Quelques cas de recontaminations ont ainsi déjà été observés sur le territoire et s’il s’agit de “situations très ponctuelles”, Clara de Bort y voit aussi de véritables “signaux d’alerte”.

Quant à la campagne de vaccination, elle vient à peine de démarrer de façon soutenue après des débuts laborieux. Le ministère des Outre-mer note cependant un engouement plus marqué depuis qu’elle a été ouverte à toute la population de plus de 30 ans le 8 avril. Le Comité scientifique local a lui recommandé le 13 avril l’ouverture de nouveaux points de vaccination pour espérer freiner la vague.

Limiter drastiquement les déplacements

En Guyane, le variant brésilien est donc désormais responsable de plus des trois quarts des cas de coronavirus. La souche commune a quasiment disparu et le variant britannique ne représente que 9% des cas au 13 avril, selon des données non consolidées.

Toutefois, il n’est pas présent sur l’ensemble du territoire: la partie la plus peuplée - à savoir l’est avec les communes de Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury, Kourou et Macouria - concentre la majeure partie des contaminations.  L’ouest de la Guyane (qui longe le Surinam) était jusqu’à présent moins touché, même si l’ARS a constaté le 13 avril une “légère tendance à la hausse depuis quelques jours suggérant le démarrage de la 3e vague dans ce secteur”: entre le 4 et le 10 avril, le taux d’incidence y est passé à 36 pour 100.000 habitants, contre 11 entre fin mars et début avril.

Face à un variant brésilien plus contagieux que la souche originelle, les autorités guyanaises ont donc opté pour une stratégie essentiellement basée sur la limitation des déplacements. Une technique particulièrement facile à appliquer à l’échelle locale: “La Guyane est un très grand territoire, les transports sont très longs... Dès l’instant où vous êtes sur un territoire où il est compliqué de bouger d’un endroit à un autre, il y a des obstacles naturels à la propagation du virus”, explique Clara De Bort.

Le 2 avril, la Guyane a donc été coupée en deux: un couvre-feu à 19h a été décrété dans les 5 communes les plus touchées à l’est, tandis qu’il était étendu à 23h ailleurs. Autre mesure forte: les deux points de contrôles routiers qui permettent de passer du nord-ouest au nord-est ont été fermés et le passage limité à la présentation de motifs impérieux. Une façon d’empêcher que le variant ne se propage partout.

“L’étanchéité des bassins de vie est un des points forts de la Guyane en période épidémique”, explique la directrice de l’ARS. “C’est l’une des mesures que nous pouvons utiliser pour étaler la vague et retarder le pic” afin que les hôpitaux ne soient pas tous submergés en même temps. 

Une technique qui reste cependant difficile à mettre en place dans d’autres territoires.

Quelles nouvelles mesures? 

Outre les déplacements limités, quelles mesures pourraient également être mises en place pour bloquer cette troisième vague? Une réunion de la Cellule interministérielle de Crise prévue vendredi a été avancée à ce jeudi 15, preuve des inquiétudes locales et aussi de la volonté du préfet et de l’ARS de laisser le temps à la population de s’organiser.

Lors de cette réunion, la question de la rentrée scolaire (prévue lundi 19 avril) sera abordée, mais pas uniquement. L’ARS et la préfecture se sont d’ores et déjà entendues pour distribuer des autotests aux points de contrôles routiers quand ils seront disponibles et “on diffusera très certainement aussi des autotests à l’aéroport de Cayenne”, à l’embarquement des vols intérieurs mais aussi vers Paris et les Antilles, en plus du test PCR déjà obligatoire. “Cela peut rajouter une couche de sécurité pour nos compatriotes des Antilles et de métropole”, souligne l’ARS. La prolongation ou le durcissement du couvre-feu seront aussi au programme.

Quid d’un confinement pur et dur? La directrice de l’ARS n’y est pas favorable, tout comme le député LREM Lenaïck Adam. Pour ce dernier, comme pour son collègue Gabriel Serville (Gauche démocrate et républicaine), les mesures doivent avant tout se concentrer sur le fleuve Oyapock, qui délimite la frontière de 730 kilomètres avec le Brésil.

“Arrêtez les liaisons aériennes entre Paris et le Brésil et ne pas trouver le moyen de mieux contrôler ce qui se passe sur le bassin Oyapock, c’est transporter de l’eau dans un panier crevé”, s’agace Gabriel Serville, qui rappelle avoir déjà interpellé le préfet sur ce point dès la 1ère vague. “Il y a des pirogues qui débarquent sur les côtes de la Guyane en provenance du Brésil, avec 15-20-30-40 personnes”, souligne-t-il. 

Au HuffPost, le ministère des Outre-mer assure pourtant que les contrôles ont été renforcés et que la frontière est “tenue”. Mais, comme le reconnaît Lenaïck Adam qui se refuse à incriminer le travail des pouvoirs publics, “quand vous avez des centaines de kilomètres à contrôler, dans l’absolu, vous ne pouvez pas vraiment contrôler.” Il plaide de son côté pour la fermeture du pont qui surplombe le fleuve, seul point de passage terrestre officiel. 

De son côté, l’ARS préfère se concentrer sur les contaminations autochtones, qui représentent la plupart des clusters: en milieu professionnel et lors des rassemblements familiaux. 

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