Fake-Streams : La fin de l’ère des disques de diamant ?
Avec l’avènement de YouTube et des plateformes de streaming, la part du streaming dans le décompte des résultats d’un artiste est devenue primordiale. Bien sûr, quelques puristes se rendent toujours au Vinyl store du coin, mais aujourd’hui,...
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Avec l’avènement de YouTube et des plateformes de streaming, la part du streaming dans le décompte des résultats d’un artiste est devenue primordiale. Bien sûr, quelques puristes se rendent toujours au Vinyl store du coin, mais aujourd’hui, 60 à 90 % des résultats d’un artiste dépendent de ses performances en streaming. Depuis des années déjà, depuis les débuts de YouTube, tout le monde pointe du doigt l’achat de streams ou de vues. Les artistes s’accusent même entre eux d’acheter des vues et des streams. Avec la dématérialisation des “résultats” des artistes, dont dépend leur rémunération, le marché musical repose sur une apparence, un rêve où se mêlent vrais et faux résultats, et où le gagnant n’est plus seulement le plus talentueux avec sa plume, mais aussi le plus habile avec sa souris.
“Fakerie” : une faille paradigmatique du business du rap !
Aujourd’hui, dans le monde merveilleux du rap français, on a tendance à opposer les artistes signés aux artistes indépendants. On devrait surtout distinguer les artistes en développement de ceux qui ont déjà atteint la postérité. Dans les deux cas cependant, les artistes sont en quête de crédibilité. Et cette crédibilité dépend aujourd’hui en grande partie des “vues” et des “streams”. Pourquoi ? Car depuis le plus petit label indépendant, en passant par les médias spécialisés, jusqu’aux majors, le nombre de “vues” et de “streams” est devenu un critère de réussite.
“C’EST LA JUSTICE QUE LA STREET DEMANDE
LES CONCERTS DISENT VRAI QUAND LES STREAMS TE MENTENT” (Nekfeu x Alpha Wann)
Déjà, les artistes eux-mêmes affichent leurs disques d’or et de platine. Toutes les semaines, les médias spécialisés donnent les chiffres en Midweek et les résultats après la 1ère semaine d’exploitation des nouveaux albums. Les artistes eux-mêmes se chamaillent sur leurs chiffres de ventes, se ridiculisant quand les chiffres ne sont pas fameux. Rares sont ceux qui critiquent le système :
“T’ES MILLIONNAIRE EN FAUX STREAMS, LE PE-RA, C’EST TOUT POUR L’IMAGE
Y A DES CHIFFRES MAIS Y A V’LA LES TROUS DANS TA FOSSE” (SCH – Freestyle Booska-P)
Avec l’esprit égotrip du rap, qui, contrairement aux apparences, fait partie même de l’essence du Hip Hop (ceux qui croient que le rap originairement est un message se trompent, les 1ers MCs ambiançaient les soirées de DJ Kool Herc), les chiffres de vente, surtout après la 1ère semaine d’exploitation, font partie d’un argument égotrip imparable. Si on peut mentir sur sa musculature, ses vixens et son compte en banque, on ne peut pas mentir sur ses chiffres de ventes. “Et pourtant”, on peut…
J’VEUX PLUS DE CERTIFICATIONS QUE JEAN-JACQUES (OUAIS)
À L’ÉPOQUE OÙ IL BOSSAIT AVEC CÉLINE (HEY) (Sneazzy)
Une expérience personnelle dans une maison de disque parisienne auprès d’un “grand producteur” m’a prouvé que les maisons de disques elles-mêmes étaient sensibles à cette course aux vues. Venu présenter un artiste du XIVe arrondissement de Paris, le producteur, n’ayant pas trop de temps pour nous, a à peine regardé le nombre de vues de son clip sur YouTube, et il a laissé entendre : “Ouais, peut-être”.
Fakeries : pas besoin de fermes en Thaïlande !
La rumeur veut même que certains artistes “usent de fermes en Thaïlande” (c’est une expression). Nul besoin d’ouvrir un élevage bovin en Thaïlande pour réussir à obtenir des streams et des vues : une simple recherche sur Internet suffit. Et les prix sont abordables à priori.
Il ne faut pas confondre les vues “générées” artificiellement avec les vues réalisées via Google Ads. Google permet aux créateurs de contenu de sponsoriser leur contenu. Ces campagnes sont beaucoup plus coûteuses mais “légales” dans le sens où elles respectent les conditions d’utilisation des plateformes de distribution.
POUR CEUX QUI VEULENT DISTINGUER LES FAUSSES DES VRAIES VUES, DANS GOOGLE STUDIO, YOUTUBE PERMET DE VOIR QUELS VUES SONT ISSUES DE LA PUBLICITÉ DANS UN TABLEAU SPÉCIAL. SI LES VUES SONT ISSUES DES PUBS GOOGLE, ELLES SONT COMPTEES PAR GOOGLE CONTRAIREMENT AUX FAKERIES.
FAKERIES “STREAMS” : pas plus techniques…
Il y a maintenant deux ans, avant que Spotify ne prenne conscience de ce problème, les stories Instagram regorgeaient d’artistes inconnus au bataillon affichant des disques d’or et des disques de platine. Devant cet engouement soudain pour les “artistes en développement” décrochant des disques d’or déjà difficiles à obtenir pour un vétéran du rap français comme Mac Tyer, certains opérateurs ont compris : les faux streams allaient bon train.
En réalité, il est aussi facile de générer des faux streams que des fausses vues sur YouTube, mais c’est beaucoup plus coûteux :
Une autre pratique qui n’est pas illégale aux yeux de la loi, mais qui flirte avec l’incompatibilité avec les conditions d’utilisation de Spotify, s’est développée. Certains entrepreneurs placent les artistes sur des playlists collaboratives et non éditoriales pour augmenter le nombre de vues. Après avoir consulté un spécialiste de ce domaine, également artiste-producteur, son jugement est mitigé sur ces playlists collaboratives. Certaines d’entre elles sont créées de “toutes pièces”, d’autres sont “authentiques”. Son critère pour distinguer les playlists collaboratives avec de faux abonnés et de faux streams est d’étudier la courbe du nombre d’abonnés au fil du temps. Si les 20 000 abonnés de ces playlists ont été cumulés en une heure et que la courbe a chuté depuis, la playlist est fausse.
Mais même ces techniques des playlists collaboratives sont refusées par Spotify, même si l’entreprise, pour des raisons évidentes, ne peut pas intenter d’actions contre ces plateformes :
Ce problème n’est pas “marginal”. En 2021, le CNM, organisme d’État, a détecté de 1 à 2 milliards de faux streams. Et de nombreux “fake streams” n’ont pas été détectés en raison des nombreuses techniques disponibles pour les réaliser.
FAKERIES : l’attaque de Spotify et l’exemplarité de Deezer !
Quelques mois après que tous les rappeurs indépendants ont été certifiés disque d’or… Une rappeuse nous a contactés pour nous faire part de son mécontentement. Une société lui aurait vendu des “fake streams” en lui assurant que Spotify la rémunérerait. Mais après quelques mois, elle ne reçoit rien et contacte Spotify. Spotify lui répond qu’elle ne sera pas rémunérée car ses streams sont “faux” et d’ailleurs qu’elle connaît parfaitement “cette société” ou “cette équipe”. Et ce n’est absolument pas le seul cas.
Il y a quelques jours par exemple, un autre artiste a vu son titre retiré de la plateforme de distribution :
Spotify, qui a reçu plusieurs plaintes concernant sa politique de faux streams, s’est lancé dans une lutte acharnée contre les fakes. Désormais, encore, Spotify “pénalisera” à hauteur de 10 euros par titre dont la proportion de faux streams dépasse 90 %. C’est une catastrophe pour certains artistes.
Cependant, au lieu de chasser les artistes qui ont eu recours à cette méthode, en gardant à l’esprit que ces pratiques semblent être très courantes, la plateforme de distribution suédoise devrait surtout trouver un “moyen technique” d’empêcher la propagation des faux streams. Car depuis toujours, si une règle existe, il existe des contrevenants à cette règle.
Concernant Deezer, les médias français soulignent l’exemplarité de Deezer en matière de faux streams. Mais pour le moment, Spotify reste le leader du streaming et de l’apparence dans la musique. Deezer ne fait pas l’objet du même acharnement de la part des pirates de la musique.