“Fendas” : un aérolithe aussi fascinant que poignant sur la force révélatrice des images
Le début du 1er long métrage de Carlos Segundo brouille admirablement les pistes. Catarina est une jeune femme brésilienne venant tout juste d’apprendre que son chat a disparu. La même nuit, elle rend visite à une pharmacie pour soigner un...
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Le début du 1er long métrage de Carlos Segundo brouille admirablement les pistes. Catarina est une jeune femme brésilienne venant tout juste d’apprendre que son chat a disparu. La même nuit, elle rend visite à une pharmacie pour soigner un mal de ventre.
Dans les fentesTravaillant une certaine trivialité du quotidien, rien ne pouvait présager un tel basculement opéré par le film. Ce renversement, il est d’abord chuchoté une 1ère fois, lorsque, quelques secondes plus tard, le personnage principal s’installe à son bureau et fait face à des mystérieuse images qui s’animent sur son écran d’ordinateur. La caméra entame un lent zoom vers les images avant de faire apparaître sur fond noir le titre du long métrage, Fendas (les fentes, en français). Ce léger mouvement optique condense toute la recherche acharnée de son personnage principal : se rapprocher au plus près de l’image pour en voir les fentes, c’est-à-dire le sens intérieur.
Chercheuse en physique quantique, Catarina mène une étude sur la manière dont le son se poursuit indéfiniment dans la matière. En zoomant dans ses enregistrements vidéo, la jeune femme réalise que l’image étudiée à l’échelle macroscopique met en valeurs de légères ondes. Pour elle, ces spectres sonores pourraient être les voix d’êtres enfermés qui résonnent et génèrent une passerelle vers une autre dimension spatio-temporelle.
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De son canevas digne d’une superproduction de Christopher Nolan, Segundo s’en distancie par son économie de moyens, sa simplicité narrative et l’incroyable force de suggestion de ces images et de ces sons. Une fusion passionnante qui emporte vers une galaxie filmique étrange, aux points de sutures entre la science-fiction, le film de fantôme et le drame domestique.
Fendas de Carlos Segundo (© Courtesy Les Valseurs) Fissures intérieuresEn philosophie, on distingue la perception de l’aperception. La 1ère, propre à l’esprit humain, est incapable de saisir consciemment certaines perceptions tandis que la seconde permet de décompenser les différentes strates qui forment un phénomène. Pour expliquer cela, le philosophe allemand Leibniz prend l’exemple des vagues. Lorsque l’homme se tient sur une plage face au ressac, il identifie le bruit de la vague et son mouvement sans prendre conscience qu’elle est le résultat de l’addition continue de petites perceptions (ici de gouttes d’eau)
Or, comme dans Blow Up (1966) de Michelangelo Antonioni et Blow Out (1981) de Brian De Palma qui mettent tous deux en scène comment un personnage parvient à dénouer une histoire criminelle par la découverte respective d’une photographie ou d’une bande audio, la clef du mystère ici, sa fente, ne se trouve pas directement dans le réel mais dans son enregistrement. Si l’œil humain est réduit à la perception, l’œil de la caméra nous ouvre à l’aperception. Les images sont ainsi porteuses d’une certaine force révélatrice et d’un pouvoir de résurrection.
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“Dans ma vie, j’ai déjà trop dit adieu”, déclare le personnage principal lorsqu’elle comprend que son chat disparu au début du film ne reviendra pas. Fendas, c’est aussi les brèches, les fissures intérieures de Catarina, habitée par le deuil enfoui, comme gardé secret, d’un proche. Comment le travail acharné est un remède, impuissant mais nécessaire face à la solitude. C’est là que débute le mouvement le plus beau du film. Lorsque, d’une image filmée face aux vagues, s’entame un long dialogue entre la jeune femme et un mystérieux inconnu dont la voix résonne dans la cavité des images.
De la physique quantique, le film n’en dira rien. Il préfère se mesurer à une autre échelle, la nôtre, et expliquer l’existence des hommes et des femmes.
Fendas de Carlos Segundo, avec Roberta Rangel (2019, Brésil/France, 1 h 20). En salle le 4 août.