Fête des mères 2021: Ces femmes ont osé causer de leur grossesse avant les 3 mois

FÊTE DES MÈRES - Qui dit fête des mères, dit enfants. Qui dit enfants, dit grossesse. Qui dit grossesse, dit tabou. Les trois 1ers mois de la grossesse sont un moment très particulier dans une vie de femme.Dans son livre paru le 12 mai dernier,...

Fête des mères 2021: Ces femmes ont osé causer de leur grossesse avant les 3 mois

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Pourquoi cacher les 1ers moments de la grossesse, qui sont suffisamment fatiguant et bouleversants? 

FÊTE DES MÈRES - Qui dit fête des mères, dit enfants. Qui dit enfants, dit grossesse. Qui dit grossesse, dit tabou. Les trois 1ers mois de la grossesse sont un moment très particulier dans une vie de femme.

Dans son livre paru le 12 mai dernier, Trois mois sous silence (Payot-Rivages) l’autrice Judith Aquien livre une analyse glaçante de cette période.

Selon elle, un tabou s’abat sur les femmes enceintes. D’abord, il faudrait se priver de l’annoncer à l’entourage avant les trois mois, le risque de faire une fausse couche étant très élevé. Dès lors, cela implique de cacher sa grossesse alors même qu’il s’agit du moment le plus fatigant et bouleversant. 

Vomir discrètement dans les toilettes

On évite les pots alcoolisés pour ne pas se faire repérer: commander un Perrier grenadine, c’est louche. On vomit discrètement dans les toilettes. On fait des microsiestes, cachée derrière son écran d’ordinateur. On supporte en silence l’arrêt de “ces béquilles”, comme les qualifie Judith Aquien, que sont le tabac, l’alcool, les antidépresseurs et les psychorégulateurs. Bref, on se tait et on attend que le troisième mois passe plus vite que la lumière.

Alors, après ça, qui ose dire qu’elle est enceinte avant cette date? Et bien, il existe des guerrières qui se fichent pas mal du carcan qui leur est imposé et qui l’ouvrent dès que la petite croix s’affiche sur le test urinaire. Mais elles restent prudentes pour la plupart et choisissent les personnes à qui elles en causent.

Nous en avons rencontré plusieurs et leurs témoignages sont précieux pour comprendre ce double mécanisme antinomique qui mêle silence et libération de la parole.

Je n’ai jamais compris le tabou qui entoure les fausses couchesGladyce*, 39 ans, avocate, 3 enfants

“Pour mon troisième, je l’ai dit hyper tôt à mes meilleures amies, parce que la situation s’y prêtait. On avait l’habitude d’aller au hammam, ce qui est déconseillé aux femmes enceintes. Et puis, j’ai pas mal saigné pendant dix jours. C’était très angoissant. Il fallait que je leur en cause. J’ai vraiment bien fait, j’ai pu leur faire part de ce que je traversais. Ça a été une bénédiction de me révèler à elles. D’autant que ces saignements me renvoyaient à une fausse couche vécue entre les deux 1ers enfants. Ça a été un petit choc. D’ailleurs, je n’ai jamais compris le tabou qui entoure les fausses couches. C’est au contraire une période où on a besoin d’aide. C’est toujours douloureux. Tu t’es payé toutes tes hormones de grossesse, tu t’es projetée, on te dit violemment que ça s’arrête et tu dois te taire! J’étais contente de partager cela avec d’autres personnes que mon mari. Avec des femmes qui l’ont déjà vécu. Cette chape de plomb sur les trois mois est horrible. C’est la période où tu es la plus naze et personne ne voit que tu es enceinte.

Je l’ai annoncé à mes amis le jour du nouvel an chinoisSophie*, 34 ans, chargée de communication, 2 enfants.

“Dès que j’ai su que j’étais enceinte, je l’ai dit à tout le monde. Mes parents étaient choqués. Heureux mais choqués. Ils me disaient de me taire, de ne pas le dire aux autres, d’attendre la fin des trois mois. Comme je l’ai annoncé à mes amis le jour du Nouvel An chinois et l’année du dragon, l’un d’eux a décrété que le bébé à venir serait un petit dragon. On a tous trouvé ça très classe. Et puis, j’ai fait une fausse couche. Ça a été tellement douloureux de perdre ce petit dragon, que j’ai attendu les quatre mois de la grossesse suivante pour en causer. Je flippais que celui-là m’échappe aussi. Ce n’est qu’au bout des six mois, que je me suis tranquillisée. Il ne me restait plus que trois mois de grossesse. Tout est passé trop vite. Alors, pour le second bébé, je l’ai dit à tout le monde. Même si je risquais une fausse couche, je préférais la expliquer plutôt que de me murer dans le silence.”

Une femme enceinte à l’armée, c’est un boulet par excellenceLéa*, 32 ans, manager dans l’hôtellerie, 1 enfant

“J’ai été enceinte hyper jeune. Je l’ai dit tout de suite à mes parents. Ma mère a explosé de joie. Mon père a paniqué. Il ne m’a plus parlé pendant trois semaines. La difficulté, ça a été l’armée. J’y travaillais, une belle carrière d’officier m’y attendait. Mais la grossesse est un signe de faiblesse dans l’armée. On y prône la compète en permanence, à celui qui a le ventre le plus plat, qui monte le plus vite à la corde, qui fait ses abdos le plus rapidement. Alors une femme enceinte, c’est un boulet par excellence. Je n’ai rien dit à mes supérieurs. J’ai juste demandé à partir. Mais ils ne voulaient pas. Ils m’ont convoquée, je suis restée deux heures au garde-à-vous dans le bureau du colonel. J’avais des bouffées de chaleur, des nausées, je n’avais pas pu manger le matin, et j’ai eu une chute de tension, à 6-7. Je suis tombée, un chef m’a rattrapée. J’ai été obligée de leur dire. Je ne regrette pas. Avoir un enfant à l’armée, c’est impossible parce qu’on peut être appelé à 5 heures du matin pour partir en mission. J’ai pu rentrer sur Paris auprès de ma famille et commencer une nouvelle vie.”

Mon boss s’approche et je lui balance toutNathalie*, 39 ans, assistante juridique, 2 enfants

“Ça faisait six mois que j’avais commencé mon nouveau boulot. Tomber enceinte à ce moment-là c’était l’horreur pour moi. J’avais super peur de perdre mon taf. J’avais grandi dans l’idée qu’on ne peut pas tomber enceinte en arrivant dans une nouvelle boîte. Alors, un jour, j’arrive au bureau et je fonds en larmes. Mon boss qui passait pas loin me voit, il s’approche et je lui balance tout. J’en tremblais. Et là, il me prend dans ses bras et me dit: ‘Mais c’est une bonne nouvelle. Chez nous, on embauche des femmes enceintes, tu sais’. J’étais sciée. En fait, quand il a dit ‘Chez nous’, il parlait du Canada, un pays où on valorise la grossesse et où le congé maternité dure un an minimum. Je l’ai appris ce jour-là. Pour la suite, j’ai aussi fait part de mes fausses couches à mon patron, parce que c’était trop dur émotionnellement. Je n’arrivais pas à faire semblant de rien. Je l’ai dit aussi à tout mon entourage. J’étais en panique, je vivais éloignée de ma famille et de mes amis proches, j’avais besoin de soutien.”

Dans le métro, je disais "Je suis enceinte, je suis fatiguée"Emmanuelle Turnani, 52 ans, accompagnante post-natale, 2 enfants

“Je l’ai dit à tout le monde, sauf à la famille de mon mec. Il est issu d’un milieu médical, fils de pédiatre, alors on a fait gaffe, et on n’a encore moins parlé de l’accouchement à domicile qu’on voulait mettre en place. Sinon, j’en parlais vraiment à tout le monde. Dans le métro, je disais ‘je suis enceinte, je suis fatiguée’ et les gens me laissaient la place. Faut dire que j’étais claquée à cause des nausées. Je n’ai pas eu peur de causer, même des fausses couches. Je considère qu’elles font partie de la vie. Dans les cours que je donne, j’invite toujours les femmes à me dire si elles sont enceintes, même si c’est le tout début. En général, ça les soulage et les autres participantes aussi. Et puis s’il y a eu des fausses couches, j’en cause aussi. C’est normal. C’est comme les avortements, ce sont des moments durs, il faut en causer. Pour en revenir à moi,  j’ai quand même pensé: ‘oh la la à quoi je m’expose’. Mais j’étais obligée de le dire, parce que je partais en randonnée dans le désert. Le groupe devait le savoir. Résultat, j’étais la seule autorisée à monter sur le chameau. J’ai apprécié!”

“Nous avons besoin d’un suivi adéquat”

Alors, faut-il le dire ou pas le dire? Pour Judith Aquien, il faut surtout “arrêter d’emmerder les femmes”. Et leur laisser le droit de “faire ce qu’elles veulent” à ce sujet. Elle prêche pour une meilleure information des femmes sur cette période des trois mois et pour des soins plus ciblés. “Il faut un parcours de soin à la hauteur. Ce sont des moments uniques dans une vie. Nous avons besoin d’un suivi adéquat, qui ne soit ni culpabilisant ni dénigrant.”

*Les prénoms ont été modifiés.

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