Fin de vie: ces causementaires nous expliquent leur engagement
FIN DE VIE - Après un an à voir planer la mort sur nos sociétés, on pourrait spontanément se dire que ce n’est pas le meilleur moment, que les Français ont envie d’entendre causer d’autre chose. Ce jeudi 8 avril, la proposition de loi pour...
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FIN DE VIE - Après un an à voir planer la mort sur nos sociétés, on pourrait spontanément se dire que ce n’est pas le meilleur moment, que les Français ont envie d’entendre causer d’autre chose. Ce jeudi 8 avril, la proposition de loi pour “le droit à une fin de vie libre et choisie” sera comme prévu débattue à l’Assemblée nationale, en pleine troisième vague du Covid-19.
En réalité, le sujet est une attente de longue date d’un large pan de la population. En 2014, pas moins de 89% de Français souhaitaient que François Hollande tienne sa promesse présidentielle concernant la possibilité de “bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa fin de vie dans la dignité”, selon un sondage Ifop commandé par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
“Assistance médicalisée active à mourir”
Aujourd’hui, le député Olivier Falorni (PRG) propose donc que “toute personne capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable”, puisse demander une “assistance médicalisée active à mourir”. Une initiative faite dans le cadre d’une “niche causementaire”, permettant à l’opposition de faire une proposition de loi, mais dont le temps d’examen est limité à une journée.
Marqué par le décès de sa mère des suites d’un cancer, l’ex-socialiste milite depuis longtemps pour ce projet, une euthanasie active jusqu’ici écartée par les deux lois Leonetti (2005 & 2016). “Ce drame, cette impuissance, je l’ai vécu comme beaucoup de Français qui nous regardent”, justifiait Olivier Falorni en 2013, sur les bancs de l’Assemblée.
“Si j’ai décidé moi aussi de briser l’omerta de cette douleur intime, c’est que je considère qu’il en est désormais de mon devoir non pas de fils mais de législateur. On ne peut plus accepter la violence inouïe d’une agonie interminable que même les soins palliatifs et le dévouement des soignants ne peuvent plus apaiser”, ajoutait-il à l’époque.
En 2013, Olivier Falorni “brisait l’omerta” sur la fin de vie à l’Assemblée nationale
Une loi et des douleurs transpartisanes
Universelle, la question de la fin de vie ne connaît bien sûr ni la droite ni la gauche. Derrière ce projet transpartisan, la douleur d’Olivier Falorni est loin d’être isolée au Parlement.
“Les personnes défavorables sont des gens qui n’ont pas été amenés à le vivre de près”, analyse pour Le HuffPost Marine Brenier (LR), également instigatrice d’une proposition de loi sur le sujet.
En septembre dernier, le grand-père de la députée des Alpes-Maritimes est décédé à domicile après la mise en place d’un “long protocole”. “Il est parti au bout de sept ou huit jours. On ne sait pas s’il a souffert. Il était endormi. On l’a vu petit à petit en dénutrition, déshydraté et avec des escarres. Cela a été très douloureux pour la famille”, explique sobrement l’élue, pour qui “on ne peut laisser une personne partir dans ces conditions”.
Au Sénat, le 11 mars, le communiste Pierre Ouzoulias (PCF) s’ouvrait aussi à ses collègues sur le départ de son grand-père, le résistant Albert Ouzoulias, décédé en 1995.
Comme “certains résistants préféraient se défenestrer”, ce dernier voulait aussi “décider de sa mort”, a rappelé le sénateur dans l’hémicycle, avant de citer avec émotion les dernières volontés de son grand-père. “Je vous demande de m’en donner le droit au nom de mon humanité. En choisissant ma mort, je veux transmettre aux générations futures l’exigence de la condition humaine. Ma certitude, c’est que c’est la mort qui donne du sens à la vie”.
“On a tous une situation personnelle qui affecte notre décision”
Pour Roland Lescure, député LREM, “on a tous une situation personnelle qui affecte notre décision sur ce vote”. Le marcheur préfère toutefois ne pas s’épancher sur cette histoire familiale, mais votera “pour” le texte présenté jeudi 8 avril, révèle-t-il au HuffPost.
“Tout le monde a sa propre anecdote sur le sujet, ça ne fait pas une conviction”, justifie l’élu, qui met plutôt en avant ses années de vie et de député de l’étranger au Québec, où une loi sur la fin de vie a été adoptée par une large coalition transpartisane en 2014.
Au Sénat, la socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, qui porte également une proposition de loi sur la fin de vie à la chambre haute, s’exaspère face à nos interrogations sur ses motivations individuelles.
“Pourquoi on nous pose toujours cette question?”, soupire l’élue parisienne. “Je suis simplement engagée depuis très longtemps en tant qu’avocate sur les questions de société”, explique la sénatrice, pour qui l’énorme appétence des Français pour cet enjeu devrait suffire à motiver l’ensemble des causementaires, directement concernés ou pas par le sujet.
“Vous êtes déjà allé dans une réunion de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD)? Ils font salle comble. Il y a un phénomène de mobilisation populaire depuis des années sur ces questions. Je ne pouvais pas ne pas m’intéresser à un sujet qui mobilise autant”, conclut simplement la sénatrice.
À Matignon, on surveille de près ce débat qui porte sur “un sujet d’importance majeure pour la majorité et l’opinion publique”, sans toutefois vouloir y toucher. “Raison pour laquelle on a émis un avis de sagesse”, souffle l’entourage de Jean Castex, considérant que le “temps d’examen ne semble pas suffisant pour légiférer de manière apaisée sur cette question”. De sources causementaires, ce texte n’a que peu de chances d’aboutir, notamment en raison de l’obstruction organisée par LR, qui a déposé 3000 amendements (ce qui rend l’examen en une journée quasi impossible). Mais une séance à l’Assemblée n’est jamais prévisible à l’avance, surtout quand il s’agit de sujets aussi sensibles.
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