Frammartino illumine la Mostra de Venise avec “Il buco”

Si le festival avait bien (voire très bien) démarré entre Pedro Almodovar et Paul Schrader, l’internationale de l’esbroufe clinquante a pris d’assaut le Lido depuis quelques jours, à de rares exceptions. Faux airs de féminisme Edgar Wright...

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Si le festival avait bien (voire très bien) démarré entre Pedro Almodovar et Paul Schrader, l’internationale de l’esbroufe clinquante a pris d’assaut le Lido depuis quelques jours, à de rares exceptions.

Faux airs de féminisme

Edgar Wright signe sans doute avec Last Night in Soho son film le plus laid, le plus antipathique, le plus incohérent – en un mot : le pire. Ce qui n’est pas rien quand on a déjà réalisé Baby Driver. Il suit une jeune anglaise (Thomasin McKenzie) partie de sa campagne pour une école de mode londonienne, où la rétrophilie années 1960 de cette country girl à robes cousues main va vite lui valoir un statut de souffre-douleur. Se réfugiant dans une chambre de bonne, elle y est bientôt frappée de visions nocturnes, voyageant façon Midnight in Paris dans les swinging sixties de la ville, où elle s’obsède par une jeune chanteuse (Anya Taylor-Joy) qui va glisser vers un destin tragique.

Trop heureux de déballer toute sa quincaillerie vintage pour une nouvelle tartine de banalités antimodernes (ah, à l’époque on savait quand même en faire des belles chansons et des jolies robes !), Wright signe un thriller d’une lourdeur pachydermique, constamment empesé d’effets sonores et visuels (en gros imaginez qu’on mixe en simultané cinq films d’horreur et un morceau de Petula Clark) confinant à une forme d’agressivité esthétique. On a l’impression que le film nous menace : “C’est bon, t’as compris, t’as peur, t’es ému ?!” Le gag est qu’il semble convaincu de signer un récit féministe, mais ne peut s’empêcher d’y glisser son inconscient d’incel, avec un good guy constamment à la rescousse, donc forcément récompensé d’une galipette, et une intrigue qui s’emberlificote dans les incohéreces au point de finir par grosso modo venger des violeurs (oui). Immonde.

Lourdeurs d’un autre genre

Xavier Giannoli fait moins tourner de l’oeil, mais nous ennuie sec et nous énerve parfois avec Illusions perdues, son adaptation du magnum opus de Balzac. Le film est desservi par la plupart de ses acteur·trices, qui n’habitent que maladroitement leurs rôles et donnent à l’ensemble un air de mascarade parodique, exécuté en pilote automatique selon les standards boisés et jaunis de l’adaptation littéraire confortablement produite. Il ne donne jamais à voir la moindre aspérité rien qu’à lui, le moindre début de relief. On ne comprend pas vraiment pourquoi le réalisateur de Marguerite a voulu s’emparer du roman sinon, peut-être, pour se farcir la critique et plus généralement le milieu de l’art théâtral et littéraire qu’il (appuyé du roman, certes, mais avec tout de même une insistance tenace) dépeint avec une haine viscérale. Au risque de le décevoir, nous n’avons pas été payé·es pour ce paragraphe par d’obscur·es ennemi·es…

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Michel Franco, dans Sundown, donne une bonne mesure d’où se situe sa morale de cinéaste dès son ouverture : sur le bois d’un petit bateau, quatre poissons fraîchement pêchés gisent, ouvrant vainement bouches et branchies. Contre-champ : Tim Roth, apathique, les regarde agoniser. En deux plans le menu est là : c’est parti pour une bonne session d’entomologie humaine à tendance morbide. Roth, sur un mode sinistre et taiseux, est en vacances au Mexique avec sa sœur (Charlotte Gainsbourg), son neveu et sa nièce, quand tombe la tragique nouvelle d’un décès familial. En chemin pour l’avion censé les conduire vers une semaine de funérailles, il bidonne une perte de passeport et reste sur place pour profiter des vacances en prétendant être coincé dans des démarches consulaires.

Franco ne tire pas de cette situation beaucoup plus qu’une forme de constatation facilement jouissive de la saloperie humaine, en surplace devant le spectacle de ce touriste occidental qui sirote nonchalamment ses Corona en ignorant tous les malheurs d’autrui – ceux des siens (les proches endeuillés qui le harcèlent au téléphone, gratifiés au mieux d’un mensonge, au pire du silence), ceux du monde (la violence criminelle qui vient troubler l’insouciance vacancière avec un règlement de comptes en pleine plage). À un certain moment, on se laisse quelque peu convaincre finalement, pris par la dimension camusienne du personnage, cet indifférent qui a, au fond, le droit de l’être. Mais le film ne poursuit qu’à moitié cette veine et se vautre dans des rebondissements qui ne font que trahir son seul et unique plaisir : regarder quelque chose souffrir.

Moment de repis

Un rayon de soleil au milieu de ce paysage de films lourds et gris : Il buco de Michelangelo Frammartino. Conte pastoral sans paroles, le long-métrage s’inspire de la découverte d’une abysse calabraise, dans les années 1960, dont il reconstitue avec détail l’exploration par une équipe de spéléologues et de scientifiques, tout en menant en parallèle le récit d’un berger frappé d’une mystérieuse inanité.

Frammartino installe un rythme merveilleux, consacrant sa 1ère partie à une forme de reconstitution ethnographique majestueuse de la vie d’un village montagnard, entre travaux pastoraux et processions religieuses, façon parenthèse sicilienne du Parrain. Mais c’est surtout dans la grotte que son film nous captive et nous plonge dans un pur plaisir d’enfant spectateur·trice, quelque part entre C’est pas sorcier et les Goonies avec cette armée d’explorateur·trices souterrain·es engouffré·es dans les entrailles du monde. Généreux, mystérieux, drôle et toujours beau, le film nous a lavé du cynisme de ses homologues.

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